Ac
3, 13-15.17-19 ; Ps 4 ; 1Jn 2, 1-5a ; Lc 24, 35-48
Chers
frères et sœurs,
Le
passage de l’évangile que nous avons entendu est déterminant pour notre foi en
Jésus-Christ. Saint Luc s’adresse à une ou des personnes qui n’ont pas connu
Jésus et qui culturellement sont grecques ou romaines. C’est-à-dire que leur
compréhension de la réalité est fondée sur l’usage de la raison. Nous en sommes
intellectuellement les héritiers. L’évangile est donc écrit pour nous aussi.
Il
y a deux points très importants à souligner. Le premier est la réalité physique
du corps de Jésus ressuscité. Saint Luc insiste très lourdement : « Ils
croyaient voir un esprit » Jésus n’est pas un fantôme. « Touchez-moi,
regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, comme vous constatez que
j’en ai. » Jésus a un corps physique réel, palpable, résistant. Mais
ils n’osaient pas encore y croire. Et Jésus ajoute : « Avez-vous
ici quelque chose à manger ? » Et il mangea le poisson grillé
devant eux. Preuve est faite que le corps ressuscité de Jésus, s’il peut
apparaître et disparaître à volonté, peut aussi absorber des choses
substantielles, matérielles.
Un
esprit doté d’une raison saine a compris que Jésus de Nazareth, mort en croix à
Jérusalem, non seulement a repris vie, mais a reçu des facultés de vie nouvelle
supra-ordinaires. Et c’est le même homme Jésus de Nazareth qui est vivant.
Saint Luc nous annonce un fait brut, difficilement acceptable à un esprit
matérialiste, mais indubitable pour ceux qui en ont été les témoins, sauf à se
déclarer eux-mêmes fous.
La
foi chrétienne est donc fondée sur cet événement, qui résiste à la raison, mais
qui n’en est pas moins raisonnable puisqu’il est réel. Saint Paul le dit aux
Corinthiens : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre
proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu. »
Le
second point est justement l’explication, le sens, de cet événement. Qu’est-ce
que cela veut dire que Jésus de Nazareth, descendant du roi David, messie
accrédité par l’Esprit de Dieu au moment de son baptême par Jean, condamné et
crucifié comme un paria, est maintenant ressuscité dans une vie nouvelle ?
La seule source possible de compréhension donnée par Jésus est celle des
Écritures juives : la Loi de Moïse – c’est-à-dire la Torah – les Prophètes
et les Psaumes. C’est-à-dire pour nous l’Ancien Testament. On ne peut pas
comprendre Jésus si on ne connaît pas les Écritures, si on ne va pas y chercher
l’explication. Car les Écritures annoncent Jésus et Jésus accomplit les
Écritures : ils sont inséparables. Et cela est d’autant plus important à
faire comprendre à des Romains ou à des Grecs qui ne sont pas Juifs. Leur foi
serait incomplète ou fragilisée si ils ne font pas l’effort d’assimiler les
Écritures, ou plutôt de s’y assimiler – de les faire aussi les leurs. Ainsi,
dans leur bibliothèque, avec Platon et Aristote, Cicéron et Tacite, ajouter la
Loi, les Prophètes et les Psaumes. C’est déjà la civilisation européenne… mais
c’est une autre histoire.
Par
conséquent, la foi d’un disciple du Christ debout, c’est-à-dire raisonnable,
s’appuie sur deux pieds : premièrement, la réalité historique de Jésus de
Nazareth mort et ressuscité corporellement dans une vie nouvelle ;
deuxièmement, la connaissance des Écritures qui annoncent ce Jésus de Nazareth,
qui les rend d’autant plus crédibles qu’il les accomplit réellement. Si on perd
l’un de ces deux pieds ou qu’on en ajoute un troisième, il y a des chances pour
qu’on se trompe.
Les
Apôtres, qui sont les premiers à être mis debout sur leurs deux pieds, qui sont
les témoins oculaires de Jésus ressuscité et à qui il a enseigné comment lire
les Écritures à la lumière de sa vie et de sa résurrection – et qui ont donc
une expérience unique – sont constitués par Jésus comme « témoins ».
C’est un acte juridique. Nul ne peut être « témoin » à part
eux. C’est ainsi que ce que nous appelons la « foi des Apôtres » ou
la « tradition apostolique » correspond exactement à ce
témoignage : nul ne peut l’amender, le corriger, y ajouter ou y enlever,
sans perdre la foi en Jésus Christ, la foi catholique.
Je
termine par… le commencement de l’apparition de Jésus, lorsqu’il se présente à ses
apôtres en leur disant : « La paix soit avec vous ! »
En français nous n’avons qu’un seul mot « paix » pour deux mots ou
deux réalités différentes en hébreu « shyna » et « shelma »
(qui a donné schalom ou Jérusalem) : « Shyna » évoque un
jardin, la tranquillité, la prospérité, en fait un arrangement humain ; et
« shelma » est une paix intérieure profonde, un profond repos,
un apaisement complet, une paix donnée par Dieu. Or c’est « shelma »
que donne Jésus à ses Apôtres – c’est déjà un avant-goût de l’Esprit de
Pentecôte. Autrement dit, pour les Apôtres comme pour tout disciple de Jésus,
la foi est aussi une grâce reçue de Dieu qui est une immense paix, et c’est en
elle que l’on peut recevoir le témoignage des Apôtres et prendre leur relais,
par une connaissance tout aussi intérieure que réelle de Jésus, dont cette paix
et une grande joie sont les marqueurs. Car Jésus – figurez-vous, chers frères
et sœurs – est bien vivant !