Is
50,5-9a ; Ps 114 ; Jc 2,14-18 ; Mc 8,27-33
Chers
frères et sœurs,
Cela
fait maintenant plusieurs dimanches que les gens attendent de Jésus qu’il
endosse le costume de Messie d’Israël, c’est-à-dire qu’il engage un combat
politique pour la libération d’Israël. Mais Jésus s’épuise à vouloir leur faire
comprendre que, oui il est le Messie sauveur d’Israël, mais non ce n’est pas
pour une prise de pouvoir politique. Il n’est pas un Messie terrestre, un homme
providentiel, il est le Messie de Dieu pour réconcilier les hommes pécheurs avec
Dieu, pour les faire participer à sa gloire éternelle et bienheureuse, dans sa
paix et sa lumière, dans le monde d’après.
Aujourd’hui,
Jésus est seul avec ses disciples. Comme il sait qu’eux non plus n’ont rien
compris, il remet le sujet sur la table. En posant ses deux questions : « Au
dire des gens, qui suis-je ? » et « Et vous, pour vous,
qui suis-je ? », il insiste lourdement sur le fait que les
disciples ne devraient pas penser comme tout le monde. Si les gens placent
Jésus au rang des prophètes, eux devraient clairement comprendre que Jésus est
différent.
D’ailleurs Jésus donne à chaque fois la bonne réponse dans ses
questions. Ce n’est pas très beau en français mais c’est très clair en syriaque
et en grec : « Au dire des gens, qui Je Suis ? » ;
« Et vous, pour vous, qui Je Suis ? » Jésus dit « Je
Suis », c’est-à-dire qu’il emploie le Nom de Dieu tel qu’Il s’est
appelé lui-même au Mont Sinaï : « Je Suis qui Je Suis ».
Donc, quand Jésus demande à ses disciples de dire qui il est pour eux, il leur
dit en même temps qu’il est beaucoup plus qu’un prophète humain : il est
Dieu lui-même.
Heureusement,
il y en a un – saint Pierre – qui est inspiré par l’Esprit Saint à ce moment-là
et qui lui répond : « Tu es le Messie ! » La réponse
est un peu ambigüe, car Jésus pourrait ainsi n’être qu’un homme sanctifié par
Dieu. Mais dans la conception religieuse de Jésus et des Apôtres, le Messie ne
peut être que Fils de Dieu et donc Dieu lui-même. Justement, comme c’est
ambigu pour beaucoup d’autres gens, Jésus impose à ses disciples de n’en parler
à personne. Le moment n’est pas encore venu. Il le sera à la Pentecôte, après
la résurrection de Jésus. Alors tout sera clair.
Pour
le moment, la réponse de Pierre suffit à Jésus. Il leur annonce alors sa
Passion, sa mort et sa résurrection. Il explique « qu’il fallait que le
Fils de l’homme souffre beaucoup ». Nous ne le voyons pas en français,
et c’est normal, mais l’emploi du verbe « souffrir » en syriaque est
très particulier : il renvoie directement au Serviteur souffrant annoncé
par le prophète Isaïe. C’est exactement la raison pour laquelle nous avons eu
la description de ce serviteur souffrant en première lecture. Car Jésus va
accomplir la prophétie d’Isaïe.
Évidemment
c’est très perturbant pour les disciples, ce qui montre bien qu’ils n’ont pas
encore compris qui est vraiment Jésus. Ils espèrent toujours un Messie qui va
révolutionner le monde selon leurs conceptions humaines, quelque part entre une
libération politique d’Israël et un monde « plus juste et plus
fraternel ». Mais Jésus est le Messie divin qui offre sa propre vie pour
que nous soyons réconciliés avec Dieu, pour que nous entrions et vivions éternellement
dans sa communion. Jésus et ses disciples ne parlent pas de la même chose.
D’ailleurs,
au moment où Jésus évoque sa Passion, sa mort et sa résurrection, saint Marc
fait une curieuse observation : « Jésus disait cette parole
ouvertement. » La traduction exacte serait plutôt : « Jésus
disait la Parole ouvertement. » Quand les Apôtres et les disciples
annonçaient, quand nous-mêmes nous annonçons, ce que nous appelons « la
Parole », il s’agit très exactement de la Passion, la mort et la
résurrection de Jésus. Et rien d’autre.
Saint
Pierre réagit très négativement et se met à faire de « vifs reproches »
à Jésus. De même celui-ci lui répond en « l’interpellant vivement ».
Disons simplement les choses : Jésus et saint Pierre s’engueulent
copieusement. Pourquoi ? D’abord parce qu’à chaque fois que le Bon Dieu se
révèle, se met à parler et à agir, dès qu’il fait un miracle ou accorde une
grâce, le Satan réagit aussitôt pour donner un bon coup de fourche. C’est
automatique. Jésus vient d’annoncer qu’il est « Je Suis »,
qu’il est Dieu, et il vient de dévoiler sa Parole de vie, c’est-à-dire sa
Passion, sa mort et sa résurrection pour nous. Ces annonces mettent le
Satan en ébullition. Et saint Pierre, dont la foi est encore faible, ne se rend
pas compte et tombe immédiatement dans le chaudron.
Jésus
lui rappelle alors la phrase qu’il lui avait dite au tout début, et qu’il lui
redira encore, après la résurrection : « Suis-moi » ;
« Marche derrière moi ». Car il n’y a que par le chemin de
Jésus, en suivant ses traces, en ayant foi en lui, en suivant sa Parole, qu’on
peut accéder à la vie éternelle.
Chers
frères et sœurs, aujourd’hui Jésus a décliné son identité et dévoilé ses
intentions. Cela n’a pas plu du tout au Satan, et c’est normal : parce
qu’avec Jésus, c’est la liberté, la vie et le bonheur éternel de tous les
hommes qui est en jeu.