Is 33,4-7a ; Ps
145 ; Jc 2,1-5 ; Mc 7,31-37
Chers
frères et sœurs,
Nous
savons que Jésus, après la mort de saint Jean-Baptiste, était attendu par les
gens comme prochain roi pour Israël. Mais Jésus s’est dérobé à cette attente.
Car il n’est pas pour le monde présent, mais il est pour le Règne de Dieu.
Justement l’épisode du sourd-muet, raconté par saint Marc, illustre
parfaitement cet enseignement, avec une dimension supplémentaire.
À
lire l’évangile au premier degré, comme pouvaient le comprendre la plupart des
gens, Jésus apparaît ici comme un guérisseur. Ainsi les gens se précipitaient
vers lui comme s’il était le service des urgences. Jésus s’y prête volontiers –
non pas pour soulager toutes les misères présentes – mais surtout parce qu’à
travers ses gestes se réalisent les anciennes prophéties qui annonçaient la
venue du Messie de Dieu. On ne peut pas comprendre les paroles et les actes de
Jésus sans se référer aux Écritures, c’est-à-dire à l’Ancien Testament.
Aujourd’hui
s’accomplit donc la prophétie d’Isaïe, que nous avons entendue : « Alors
se dessilleront les yeux des aveugles, et s’ouvriront les oreilles des sourds.
Alors le boiteux bondira comme un cerf, et la bouche du muet criera de joie. »
Puisque cette prophétie se réalise, c’est que l’heure de Dieu est venue pour
transformer le monde et le rétablir en paradis. Et c’est pour cela que Jésus
est venu, et non pas pour prendre le pouvoir sur la terre.
Il
y a, dans cet évangile, deux choses qui peuvent nous étonner : la méthode
que Jésus emploie pour guérir le sourd-muet, et le silence qu’il demande aux
gens après avoir réalisé le miracle.
Concernant
la méthode, il faut considérer d’abord que Jésus ici n’a pas affaire à un
possédé mais à un sourd-muet de naissance. Il ne s’agit donc pas d’un exorcisme
mais de la correction d’un défaut. En fait, Jésus complète, achève, la création
de cet homme à qui il manquait l’ouïe et la parole. Jésus agit donc en Dieu
créateur, avec son Père – quand il lève les yeux aux ciel – et avec l’Esprit-Saint,
quand il soupire. Il dit alors « Ephatta », comme Dieu, au
moment de la Genèse avait dit : « Que la lumière soit ! » ;
« Et Dieu vit que cela était bon ».
Il
est important de retenir ici que Jésus agit comme Dieu – il est Dieu – et il a
la capacité de faire toutes choses nouvelles : il peut créer de l’ancien
et du nouveau. Ainsi par exemple, la transformation du pain et du vin en son
Corps et son Sang est également une action créatrice. De même sa résurrection
est, à partir d’un homme ancien, la création d’un homme nouveau. De quel droit
pourrions-nous interdire à Dieu de créer du nouveau, quand il le veut et comme
il le veut ? Dieu est-il prisonnier de sa création et des lois qu’il a
lui-même énoncées ? Certainement pas. Avec Dieu, l’univers est ouvert à
toute nouveauté : « Voici, je fais toutes choses nouvelles – dit
le Seigneur. »
On
peut s’interroger également sur le fait que Jésus ordonne aux gens de ne rien
dire à personne de la guérison du sourd-muet. Cela paraît complètement
absurde : comment cacher que le sourd-muet peut maintenant entendre et
parler, si ce n’est en lui demandant de faire semblant de ne rien écouter et de
se taire ? Cela valait bien le coup de le guérir !
Le
problème est toujours le même : les gens veulent faire de Jésus un homme
politique providentiel, et maintenant aussi un super-médecin. Mais il est venu parmi
nous pour être Roi du ciel et Sauveur de toute l’humanité en vue de sa
réconciliation avec Dieu pour une vie éternelle et bienheureuse. Les gens ont
les pieds sur la terre, mais Jésus a la tête au ciel. Les gens ne pensent pas
au monde d’après, et de fait, on ne peut en prendre vraiment conscience
qu’après la résurrection de Jésus et le don de son Esprit Saint. C’est pour
cela que Jésus demandait à tous de se taire : pour pouvoir parler de lui
de manière juste, il fallait attendre la Pentecôte.
Voilà
chez frères et sœurs, ce que l’évangile de ce jour peut nous apprendre. Il nous
enseigne que pour bien comprendre Jésus, il faut se souvenir des prophéties qui
ont annoncé sa venue, et il faut se souvenir de son histoire parmi nous à la
lumière de sa résurrection. Jésus nous invite à regarder plus haut et plus
loin, et à lui accorder notre foi, pour qu’il nous conduise dès aujourd’hui au
royaume de toute paix et toute joie, jusqu’à la bienheureuse et glorieuse communion.