Is
60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Chers
frères et sœurs,
Nous
aimons beaucoup la fête de l’Épiphanie. Nous imaginons les trois mages
orientaux, habillés de vêtements chamarrés, venus du désert à dos de chameaux,
avec des coffres d’or, d’encens et de myrrhe, qu’ils offrent sous les yeux admiratifs
de Marie et Joseph au petit Jésus allongé dans une mangeoire remplie de paille.
Pour nous, les mages, c’est la crèche. Et nous les trouvons tellement
merveilleux, ces mages, que nous en avons même fait des rois, ce que saint
Matthieu ne dit pas. D’ailleurs, leurs reliques sont passés en Franche-Comté en
1164 lorsqu’elles ont été déplacées de Milan à Cologne, et ce fut chez nous à
l’époque un événement considérable.
Mais
enfin, chers frères et sœurs, leur venue à Bethléem pour la naissance de Jésus
fit surtout l’effet d’une bombe atomique diplomatique à Jérusalem. D’emblée,
elle pose la question qui traversera toute la vie terrestre de Jésus : de
quelle nature sa royauté est-elle ? Est-elle de ce monde ou bien est-elle
du ciel ?
Car,
venons-en aux faits. Voilà que des mages, c’est-à-dire des prêtres zoroastriens
– des Mobads – venus du grand empire Parthe, conformément à une annonce de
Zoroastre leur prophète, identifient un astre annonçant la naissance du grand
roi qui régnerait dans le monde. Deux observations historiques sont nécessaires
pour comprendre.
Premièrement,
les Mobads de cette époque, les mages, en raison de leur position religieuse et
de leurs grandes connaissances, notamment en astrologie, ont une grande
influence dans les affaires du royaume et dans sa politique extérieure. Ce sont
donc des personnages puissants. D’ailleurs, Hérode ne les contredit pas et ne
porte pas la main sur eux. Au contraire, il les prend très au sérieux.
Deuxièmement,
le Moyen Orient est divisé entre deux grands empires : à l’Ouest, l’Empire
Romain qui tient sous son influence la Grande Arménie, la Syrie, et la Judée ;
et à l’Est, le grand Empire Parthe, qui couvre les actuels Irak et Iran. Évidemment,
ces deux empires sont en tension : 35 ans avant la naissance de Jésus les
Parthes dominaient encore la Judée. Ils en sont chassés par les Romains, qui
installent alors Hérode comme roi. Mais Hérode n’est pas judéen, il est de père
Iduméen converti et de mère Nabatéenne : bref, aux yeux des judéens, il
est un imposteur. Et circonstance aggravante, pour écarter les familles
sacerdotales légitimes du Temple de Jérusalem, Hérode y nomme des Grands
Prêtres de provenance étrangère, venant d’Égypte ou de Babylonie.
De
ce fait, lorsque des Mobads parthes annoncent à Hérode-le-romain la naissance
du grand roi judéen légitime, devant lequel ils souhaitent se prosterner,
c’est-à-dire faire allégeance, c’est vis-à-vis de lui et des romains une
provocation diplomatique extrêmement grave.
Dès
lors la confusion s’installe : Jésus vient-il pour rétablir le royaume
d’Israël dans son ordre légitime, débarrassé d’Hérode, ses Grands-Prêtres
frelatés et de leur tutelle romaine, ou bien vient-il pour établir le royaume
des Cieux, c’est-à-dire une royauté qui n’est pas politique, qui n’est pas de
ce monde ?
Lorsqu’on
relit la prophétie d’Isaïe, on voit que la gloire de Jérusalem viendra lorsque
la Gloire du Seigneur apparaîtra sur elle. Jérusalem sera comme l’Arche
d’Alliance du monde, sur laquelle repose la Gloire de Dieu, sa Présence. Et
tous les peuples de la terre viendront l’y adorer, comme tous les judéens
viennent de partout au Temple pour y célébrer le Seigneur.
Saint
Paul a une vision encore très terrestre des choses lorsqu’il organise dans tout
l’Empire Romain sa grande collecte pour les chrétiens persécutés de
Jérusalem : par la convergence des dons de chacun, qu’il fait acheminer à
Jérusalem, il a voulu réaliser quelque chose de cette prophétie déjà de son
vivant.
Mais
le Règne de Dieu n’est pas de ce monde : c’est au Ciel que, de partout et
de tous les temps, convergent les nations, les peuples et les langues, pour y adorer
l’Agneau de Dieu qui siège sur le Trône, dans la Jérusalem céleste. Or, les mages
ne le savent pas, mais malgré eux, comme Isaïe, ils prophétisent et ils
réalisent déjà par leur propre adoration cette réalité, cet événement, que nous
espérons et nous attendons nous aussi de tout notre cœur.