Jl 2,12-18 ; Ps
50 ; 2Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
Chers
frères et sœurs,
Il
y a une question qui me travaille ces derniers jours. Pourquoi nous qui sommes
chrétiens, qui essayons de vivre saintement avec honnêteté et droiture, parfois
nous échouons et nous tombons, au risque de susciter des scandales ?
Je
me disais : « qu’un homme qui ne croit pas en Dieu, mène une vie de
bâton de chaise et, à un moment se casse la figure… après-tout, c’est dans
l’ordre des choses. Un manque d’orientation et de profondeur dans sa vie, une
trop grande légèreté et un manque de sagesse, voilà ce qui conduit assez naturellement
à une chute. Mais pour des chrétiens, qui prient Dieu et qui essayent de faire
du bien à leur entourage, comment expliquer que certains, parfois, s’égarent et
se perdent jusqu’à commettre des horreurs ? L’Esprit du Seigneur
n’était-il donc pas là pour eux ? Comment expliquer leur égarement et leur
chute ? Deux réflexions me sont venues à l’esprit.
La
première est relative à l’orgueil, profondément enraciné en nous, qui nous fait
perdre facilement l’humilité et la vigilance qui va avec. Et rapidement, d’une réputation
de sainteté, on tombe, et on se retrouve sali par le péché. Il est évident que,
plus on monte haut, plus lourdement on chute, si on ne fait pas attention. Les
moines connaissent bien l’image de l’échelle spirituelle, qui permet aux âmes chrétiennes
de monter de la terre jusqu’au ciel. Dans la montée, certaines âmes sont
accrochées par des diables, et si elles n’y prennent pas garde, elles finissent
par chuter en enfer. Au bout du compte, peu arrivent jusqu’au ciel.
Cela
me conduit à la seconde réflexion : là où se trouve la plus grande
sainteté, là aussi se trouvent les plus grandes tentations et les plus grands
combats spirituels. Saint Antoine le Grand, qui vivait dans le désert égyptien,
s’y est livré à des luttes extraordinaires contre les démons. Saint Athanase
d’Alexandrie a raconté toutes ces tentations dans un petit livre – la Vie de
Saint Antoine – qui est devenu un best-seller. Plus près de nous, à
Lourdes, se vivent d’extraordinaires rencontres, réconciliations et guérisons à
l’occasion des pèlerinages. Lourdes est vraiment un lieu de grâce, sous le
regard bienveillant de la Sainte Vierge Marie. Mais pour qui connait un peu le
fonctionnement d’un tel sanctuaire, c’est aussi un lieu de conflits très forts,
sur les questions économiques, sur le calendrier des pèlerinages, sur les choix
liturgiques, et au final, pour l’exercice du pouvoir. Là où le Seigneur accorde
des grâces aux hommes, là le démon s’invite très volontiers pour tenter de les
faire chuter.
Ainsi
donc, quand nous voyons une figure estimée tomber, ne nous étonnons pas.
Regrettons-le et prions pour lui, ou pour elle, et s’il a fait du mal, prions
aussi pour tous ceux qui en souffrent. Et nous-mêmes, soyons prudents. La vie
chrétienne est en même temps une école d’humilité et de foi, et un combat qui
se mène à chaque instant, dans la prière, la vérité, et la charité, en action
de grâce pour les dons que nous avons reçus du Seigneur, et dans l’attente de
sa venue, le jour où il voudra. Si nous tombons, soyons courageux et laissons
le Seigneur venir nous aider à nous relever, pour que nous puissions reprendre
notre marche avec lui, sur son chemin.
Justement,
ces observations conviennent parfaitement au temps du carême, qui est un temps
d’entraînement au combat spirituel et une occasion de nous réconcilier avec le
Seigneur et avec nos frères, pour reprendre notre marche ou notre ascension
avec eux, jusqu’au ciel.
Il
y a deux semaines, nous avions entendu Jésus nous enseigner : « Lorsque
tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère à
quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord
te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. »
Voilà
exactement le temps du carême : il y a d’abord le temps de la réconciliation
dans la vérité et la charité, qui permet de se préparer spirituellement au
second temps, qui est celui de l’offrande à l’autel, c’est-à-dire celui de la
célébration des jours de Pâques.
Chers
frères et sœurs, nous avons donc quarante jours pour nous préparer à Pâques.
Quarante jours, comme les quarante jours où Jésus lutta contre les tentations
du diable au désert, pour triompher de lui finalement. Quarante jours qui sont
aussi quarante ans, c’est-à-dire toute une vie d’homme ou de femme, avec ses
hauts et ses bas. Quarante jours ou quarante ans, qui nous sont donnés pour nous
préparer au grand jour de Pâques de notre vie, où par-delà la mort, nous entrerons
et nous vivrons, par la grâce de Jésus, dans la joie, la paix et la lumière de
Dieu, avec tous les saints.