Is 60,1-6 ; Ps
71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Chers
frères et sœurs,
Comme
vous le savez, à une certaine époque, on a voulu faire de cette visite des
Mages, un récit légendaire. Rien ne permet d’affirmer cela.
Au
contraire, l’apparition de l’étoile est tout à fait plausible : Kepler
avait déjà calculé au XVIIe siècle qu’elle pouvait résulter de la
conjonction de Saturne et de Jupiter. Des astronomes réputés ont soutenu cette
hypothèse en 1981 et en 1994.
De même, le personnage d’Hérode tel qu’il est
décrit par saint Matthieu est parfaitement conforme à ce que d’autres
historiens en rapportent par ailleurs. Hérode était obsédé par le maintien de
son pouvoir, jusqu’à faire assassiner sa femme et une partie de ses enfants.
Qu’il ait donc réagi avec anxiété au moment où les Mages sont venus à Jérusalem
rechercher le lieu exact de la naissance du nouveau roi des Juifs, puis voulu
les rencontrer secrètement pour en savoir plus, dans l’intention manifeste
d’organiser le massacre des innocents – tout cela est parfaitement cohérent.
Enfin, que ces Mages aient recherché Jésus pour lui faire des présents n’a rien
d’extraordinaire en contexte oriental : en l’an 66, par exemple, un
dénommé Tiridate, fils bâtard du roi Parthe Vononès, lui-même seigneur de
guerre et mage zoroastrien, a traversé tout l’empire Romain jusqu’à Rome, avec
une partie de sa famille, d’autres mages et 3.000 cavaliers, pour prêter
hommage à Néron récemment divinisé par le Sénat, afin d’être élevé et couronné
par lui roi d’Arménie.
Ainsi
donc, rien dans ce que nous rapporte saint Matthieu ne semble contraire à la
réalité historique. Et c’est là justement que les événements de Bethléem
prennent tout leur sens.
On
peut lire les choses à deux niveaux. Au premier, l’adoration des Mages est un
événement troublant.
En
effet, le roi Hérode, considéré par la plupart comme illégitime, régnait par la
terreur sur Israël. Si même ses fils et sa femme n’avaient pas trouvé grâce à
ses yeux, combien plus ses ministres et autres prêtres devaient-ils lui être totalement
soumis. En venant annoncer publiquement à Jérusalem la naissance d’un roi des
Juifs, les Mages ont (carrément) mis les pieds dans le plat. D’un côté tous
ceux qui étaient asservis à Hérode et à son système devaient être tétanisés de
peur de perdre leurs privilèges, de l’autre, ceux qui espéraient une libération
tenaient là un formidable étendard. Mais dans un contexte de régime
totalitaire, tout mouvement est extrêmement dangereux. On comprend pourquoi
Hérode rencontre ensuite les Mages de nuit dans le but caché de faire supprimer
l’enfant. Mais on s’en souviendra aussi trente ans plus tard ! Il n’est
jamais bon de perturber l’ordre établi.
De
leur côté, quelle était la motivation des Mages ? C’est difficile à
établir : nul n’en entend plus parler par la suite. Une chose est certaine :
pour eux, le motif était tout autant religieux que politique. Car, à cette
époque dans ce milieu, tout est lié. Leur adoration de l’enfant Jésus, est un
hommage dont ils attendent une reconnaissance y compris politique. C’est à bon
droit que l’on peut les appeler les « rois Mages » : en effet,
Rois, ils le sont devenus en adorant Jésus. A quoi cela a-t-il pu leur servir
ensuite – à part entrer dans le Royaume des Cieux ! – je ne sais pas.
Maintenant
nous pouvons lire les événements avec les yeux de saint Matthieu : voilà
que des païens, des étrangers représentant une puissance orientale importante,
se sont mis à la recherche de Jésus. Ils ont suivi l’étoile, selon leurs
connaissances religieuses, que l’on pourrait presque qualifier de « scientifiques »
pour l’époque. Ces connaissances les ont conduits à Jérusalem. Pour l’évangéliste,
la recherche de Jésus, menée avec droiture et vérité, conduit à la vraie source
de connaissance que sont les Écritures, dont les prêtres et les scribes sont
les gardiens. Et ceux-ci trouvent dans les Écritures – pour nous l’Ancien
Testament – la confirmation du lieu où se trouve Jésus et même davantage le
concernant. Pour tous ceux qui cherchent le visage de Jésus, c’est dans les
Écritures qu’on peut trouver ce qui le concerne.
Ensuite, les Mages retrouvent
l’étoile qui les guide jusqu’à Jésus lui-même. L’étoile c’est déjà Dieu qui les
guide, comme Jésus inconnaissable avait guidé par les Écritures les Pèlerins
d’Emmaüs jusqu’à ce qu’ils le reconnaissent. Les Mages adorent Jésus en se
prosternant devant lui. À travers eux, dans ce geste, c’est l’univers entier
qui s’incline devant Dieu. Car les Mages, en plus de représenter eux-mêmes ou
leur nation, représentaient aussi les plus grandes connaissances et notamment
celles des lois du cosmos et leurs significations.
Chers
frères et sœurs, chercher Jésus avec droiture et dans un esprit de vérité, en y
mettant tout son cœur et toute son intelligence, apprendre à le reconnaître
dans les Écritures et plus encore dans les Évangiles, tout cela conduit – en suivant
l’étoile qui est dans notre cœur – jusqu’à lui. Et alors on finit à genoux. Là,
dans une grande lumière, c’est une immense joie de découvrir l’amour de notre
Dieu, la communion des saints, notre pauvreté mais en même temps notre incroyable
dignité. Tout cela, nous l’avons vécu à notre baptême et nous le revivons à
chaque fois que nous rencontrons Jésus. Quand nous l’adorons à genoux, il fait
de nous des rois pour le royaume des Cieux.