Is 11,1-10 ; Ps
71 ; Rm 15,4-9 ; Mt 3,1-12
Chers
frères et sœurs,
Il
est quand même terrible, saint Jean-Baptiste ! Je voudrais dire quatre
choses à son propos.
Premièrement
saint Jean-Baptiste commence à prêcher – non pas dans le désert de Judée –
comme cela est traduit ici, mais dans des ruines qui se trouvent à quelques
centaines de mètres de Bethsaïde, le village où travaillent André et
Simon-Pierre, Jacques et Jean son frère, les fils de Zébédée. Jean-Baptiste
annonce la venue du Messie Sauveur à partir de ruines. Ruines du temps présent,
ruines de la foi, ruines de l’espérance peut-être même. Mais c’est à partir de
là que tout va redémarrer. Comme un rosier coupé, qui semble s’être éteint,
finit par rejaillir quand même.
Deuxièmement,
saint Jean-Baptiste ne se considère pas suffisamment digne de retirer les
sandales de Jésus. Il y a sans doute erreur à comprendre cette affirmation
comme si Jean-Baptiste se disait être inférieur même à un serviteur, voire à un
esclave. Saint Jean-Baptiste était fils du prêtre Zacharie, qui officiait dans
le Temple de Jérusalem. Il était donc lui-même prêtre. Or celui à qui, dans la
liturgie du Temple, on retire ses sandales, c’est le Grand Prêtre qui une fois
par an pour la célébration du Grand Pardon, entre dans le Saint des Saints. Ici
donc, Jean-Baptiste ne dit pas seulement qu’il est un serviteur ou un prêtre
indigne, il dit aussi que Jésus est le véritable Grand Prêtre qui va accomplir
la célébration du Grand Pardon pour toute l’humanité, en entrant, par sa mort
et sa résurrection, dans le ciel.
Troisièmement,
saint Jean-Baptiste, appelle les gens à se faire baptiser dans l’eau, pour
signifier leur conversion au Règne de Dieu qui vient. Et il annonce que Jésus,
lui, va baptiser dans l’Esprit Saint et le feu, qui sera en même temps comme un
jugement et fera la part du blé qui est en nous, qui sera conservé au ciel, et
de la paille qui sera détruite par le feu. Il y a un baptême d’eau, qui est un
geste humain de conversion. Et il y a le baptême de feu, qui est un acte divin
de consécration. Lorsque, dans l’Église, nous baptisons dans l’eau, au nom du
Père et du Fils et du Saint-Esprit, et que nous donnons l’onction avec le Saint-Chrême,
qui signifie le don de l’Esprit-Saint, nous accomplissons en même temps le
baptême de Jean et celui de Jésus. Oui, nous nous convertissons en renonçant au
mal et en confessant notre foi et nous nous présentons à l’eau du baptême, mais
oui aussi nous sommes baptisés dans l’Esprit Saint pour être lavés et purifiés
de notre paille et pour nous présenter comme du bon blé, appelé à entrer dans
le grenier de Dieu. Dans le baptême chrétien, il y a une part qui vient de
l’homme et il y a aussi une part qui vient de Dieu. C’est un sacrement.
Quatrièmement,
en référence au livre d’Isaïe que nous avons entendu, et en pensant que
Jean-Baptiste est comme le dernier prophète de l’Ancien Testament, je vous
interroge : savez-vous ce qu’est un « symbole » ?
Spontanément, vous allez me dire que c’est quelque chose qui indique une autre
de manière symbolique, comme par exemple une alliance au doigt indique qu’on
est quelqu’un de marié. L’alliance est un symbole du mariage. Mais cette
définition n’est pas complète.
Un
symbole, c’est à l’origine, un objet cassé en deux, qui permet à deux personnes
qui ne se connaissent pas, dont chacune possède un bout de l’objet, de se faire
confiance en rapprochant les deux bouts, qui s’emboîtent parfaitement l’un dans
l’autre. Ainsi, par exemple, le Credo, que l’on appelle aussi parfois justement
le « Symbole des Apôtres », est un texte de reconnaissance entre tous
les chrétiens. Si il manque une phrase, ou si on en ajoute une autre, ou si on
en modifie une troisième, alors le Credo n’est plus le même, et donc on
n’est plus reconnaissable comme un chrétien catholique. Parce que le symbole ne
fonctionne pas.
Il
en va de même entre l’Ancien testament et Jésus : ils sont comme les deux
morceaux d’un symbole : l’Ancien Testament annonce Jésus, et Jésus
accomplit ce qui est annoncé dans l’Ancien Testament. L’un ne va pas sans
l’autre. C’est pourquoi, quand les premiers chrétiens ont relu l’Ancien
Testament et – entre-autres – le Livre d’Isaïe, ils se sont réjouis très
profondément d’y retrouver tout ce qui concernait Jésus et le Royaume de Dieu. Et
nous aussi, nous pouvons faire de même.
Finalement,
saint Jean-Baptiste, qui est comme l’aboutissement de l’Ancien Testament,
apparaît comme le meilleur symbole de Jésus et le plus sûr : « Voici
l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde » a-t-il annoncé
avec assurance ; et c’est pourquoi Jésus a dit de lui en retour qu’il
était « bien plus qu’un prophète » et que « parmi ceux
qui sont nés d’une femme, personne ne s’est levé de plus grand » que
lui. Demandons au Seigneur de faire de nous des Saint Jean-Baptiste pour notre
temps, qui a besoin de redécouvrir qui est Jésus.