lundi 24 juin 2019

23 juin 2019 - CUBRY-lès-SOING - Solennité du Saint Sacrement - Année C


Gn 14,18-20 ; Ps 109 ; 1Co 11,23-26 ; Lc 9,11b-17

Chers frères et sœurs,

Dans l’extrait de l’évangile de Luc que nous avons entendu, il y a quatre histoires qui se mélangent.

La première commence au début du chapitre : Jésus envoie ses disciples deux par deux annoncer le Royaume de Dieu, guérir les maladies et rétablir les infirmes. C’est à leur retour qu’il les invite à aller dans un lieu désert près de Bethsaïde, comme pour se ressourcer. Bethsaïde – qui veut dire village de la pêche – est le lieu d’origine de Pierre, André et Philippe, et certainement aussi de Jacques et Jean, les fils de Zébédée. Ils connaissent donc bien le coin.
Mais, comme des pêcheurs, qui ont été en mer jeter leur filet ramènent quantité de poissons au rivage, les apôtres envoyés par Jésus prêcher le Royaume de Dieu, lui ramènent une foule de gens qui ont besoin d’entendre sa parole et d’être guéris par lui. Et c’est là que nous les retrouvons. Comme il se fait tard, ils ont besoin d’être nourris et Jésus leur donne, en les faisant reposer dans l’herbe comme des brebis, le gage du Royaume, c’est-à-dire du pain en abondance.

Voici maintenant la deuxième histoire. Juste avant le passage que nous avons entendu, il est question de Jean-Baptiste. Hérode s’interroge devant les miracles faits par Jésus et se demande s’il n’est pas Jean-Baptiste ressuscité, qu’il vient pourtant de faire décapiter. Dans l’évangile de Mathieu, la multiplication des pains a lieu justement après la mort de Jean-Baptiste. Et chez Marc, on a un mixte des deux.
Il se trouve donc que les Apôtres reviennent de mission vraisemblablement parce que Jean-Baptiste est mort et ils se réunissent avec Jésus. Et non pas les Apôtres seulement, mais une foule immense, comme pour un enterrement. Car – et c’est un détail étonnant – ils se réunissent dans un lieu désert, mais pas n’importe lequel. Souvenez-vous : Jean-Baptiste prêchait dans le désert – mais non pas exactement dans un désert, plutôt dans des ruines. Jésus, ses disciples et la foule, se sont sans doute réunis dans les ruines d’où Jean-Baptiste était parti. Et c’est au milieu de cette désolation, du souvenir douloureux de la mort de Jean-Baptiste, que Jésus fait surgir la vie en multipliant les pains.

Ici je peux vous parler de la troisième histoire. Car saint Luc a fait exprès d’employer une expression spéciale : « Le jour commençait à baisser », exactement comme il l’a fait avec les disciples d’Emmaüs : « Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse ». Ils vont alors ensemble partager le pain. Il y a donc un lien entre la multiplication des pains et les disciples d’Emmaüs. Ici c’est Jésus qui fait un miracle en multipliant les pains, là c’est la fraction du pain qui dévoile la résurrection miraculeuse de Jésus. Et le miracle, dans les deux cas, renvoie à la même puissance de vie : il y a une création nouvelle. Du Royaume des cieux, un rayon, par son éclat, vient illuminer la terre.

La quatrième histoire, celle de l’eucharistie, est aussi un peu la nôtre. Dans la traduction que nous avons, Jésus dit : « Faites-les assoir par groupes de cinquante environ ». Mais saint Luc a écrit en grec : « Faites les étendre ». Car, en effet, dans l’antiquité, on n’est pas assis à table : on est allongé autour d’une table, avec un espace ouvert devant pour pouvoir être servis. C’est ce qui fait que lors de la Cène, Jésus peut laver les pieds de ses disciples sans avoir à passer à quatre pattes sous la table. Car ils sont étendus. De même, quand Jésus, qui est à la place d’honneur, consacre et offre le pain et le vin qui deviennent son Corps et son Sang, il n’a personne en face de lui, si ce n’est son Père. Et c’est pourquoi depuis toujours dans l’Église, en Orient comme en Occident, si nous étions vraiment fidèles au concile Vatican II, les prêtres qui célèbrent l’Eucharistie sont tournés dans la même direction que les fidèles, vers le Père.
Ainsi donc, quand saint Luc raconte la multiplication des pains, en précisant que les hommes sont allongés, il fait clairement référence au dernier repas de Jésus avec ses disciples. Et Jésus, qui n’aime pas le désordre, fait regrouper les gens par groupes de cinquante et, il leur fait distribuer par ses Apôtres le pain qu’il bénit lui-même et multiplie lui-même. Comme aujourd’hui l’Église est organisée autour d’un évêque qui reçoit de Jésus, par l’Esprit Saint, son Corps et son Sang pour le distribuer aux fidèles.

Chers frères et sœurs, vous voyez que dans cet évangile, le pain est abondant : le filet des apôtres qui ramène une foule immense à Jésus qui les nourrit ; la mémoire du martyre de Jean-Baptiste, où, au milieu des ruines et de la mort, est donnée par Jésus une vie nouvelle, qui est déjà celle-là même de sa résurrection. Et c’est à cette vie-là qu’aujourd’hui, selon la volonté de Jésus qui nous a demandé de refaire ses gestes et de redire ses paroles, nous recevons dans la sainte communion.

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