Ac
1,1-11 ; Ps 46 ; Hb 9,24-28 ; 10,19-23 ; Lc 24,46-53
Chers
frères et sœurs,
Nous fêtons aujourd’hui, quarante jours après
Pâques, l’ascension de Jésus au ciel, près de son Père. Des questions se
posent : quelle réalité ? Quelle signification pour Jésus et
pour nous ?
Saint Luc dédicace son deuxième livre, les Actes des Apôtres, à un certain
Théophile. Déjà, il avait dédié son premier livre – l’Évangile selon saint Luc – à ce même Théophile, qu’il avait
qualifié d’« Excellent ». Il
s’agit là d’un titre honorifique réservé, dans l’Antiquité, aux personnages
importants. Beaucoup ont pensé que Théophile – qui veut dire « ami de
Dieu » – était un nom symbolique, dans lequel tous pouvaient se
reconnaître. C’est possible, mais les études montrent qu’il s’agit bien d’un
véritable interlocuteur, probablement un personnage important qui habite à Antioche.
S’il s’agit bien de lui, après sa conversion, il a offert sa maison pour
qu’elle devienne la première église de la ville.
Chers frères et sœurs, si j’ai attiré votre
attention sur Théophile c’est parce que le regard que nous portons sur le début
des Actes des Apôtres est décisif :
il commande tout le reste.
Si nous pensons que saint Luc a écrit un texte
symbolique, alors on est porté à croire que l’ascension de Jésus est une fiction,
qui voudrait simplement signifier que Jésus, après sa mort, est entré dans la
gloire du ciel. Ceux qui suivent cette interprétation symbolique, très
logiquement, ne croient pas aux apparitions. Et ils ne sont pas loin de penser
que Jésus n’est pas vraiment ressuscité, en tous cas pas dans sa chair.
Au contraire, si nous considérons que saint Luc
s’est adressé à un personnage réel, alors il n’a pas eu du tout intérêt à lui avoir
raconté des fables, mais bien plutôt à lui avoir dit la vérité. Et dans ce cas,
nous devons prendre les informations des Actes
au sérieux : à savoir que c’est bien aux Apôtres que Jésus « s’est présenté vivant après sa
Passion » ; et qu’« il
leur en a donné bien des preuves, puisque, pendant quarante jours, il leur est
apparu et leur a parlé du royaume de Dieu ». Il s’agit là de la foi
des chrétiens qui est fondée sur la résurrection de Jésus, dont les Apôtres ont
affirmé la réalité, parce qu’ils ont été les témoins des apparitions de Jésus,
dans sa chair.
« Dans sa chair ». Le problème est
exactement là. Si Jésus, qui est Dieu, ne s’est pas réellement fait chair et
n’est pas réellement ressuscité dans sa chair, alors il n’y a pas d’espérance
pour nous, qui sommes chair, d’accéder à la gloire de Dieu.
Mais au contraire, comme l’a dit saint
Irénée en une phrase : « Dieu s’est fait homme pour que l’homme
devienne Dieu ». C’est cela la Bonne Nouvelle, l’Évangile : par sa
résurrection et son ascension, Jésus nous a ouvert et nous a donné accès, par la
communion avec lui – à nous qui sommes chair – à la gloire de Dieu.
Nous nous sommes réjouis, à l’Annonciation, de
la venue de Dieu qui s’est fait homme en Marie, par l’action de l’Esprit Saint.
L’Ascension est exactement le miroir de l’Annonciation : par l’action de
l’Esprit Saint – c’est-à-dire la nuée qui soustrait Jésus aux yeux des Apôtres
– Jésus devenu homme est revenu dans la gloire de Dieu. Mais avec une
différence : c’est que Jésus est revenu dans la gloire avec son humanité,
avec sa chair – c’est-à-dire avec nous. Il nous a ramené à Dieu comme le Bon
berger a ramené la brebis perdue, sur ses épaules. Voilà donc la fête de
l’Ascension.
Chers frères et sœurs, ne tombons pas, à
l’inverse dans les clichés. Jésus ressuscité, apparu à ses Apôtres dans sa
chair, n’est pas monté au ciel comme une fusée. De la même manière qu’il est
apparu à de nombreuses reprises, il a aussi disparu, comme lors de son repas
avec les disciples d’Emmaüs. L’Ascension correspond à l’ultime apparition de
Jésus, au bout de quarante jours, et donc à sa dernière disparition, avant de
revenir dans la gloire. Tout simplement.
Maintenant les disciples se retrouvent un peu
écartelés pendant dix jours, entre l’absence de Jésus d’une part, et le don de
l’Esprit Saint à la Pentecôte d’autre part. Durant ce temps ils veillent :
ils prient et ils attendent le don de Dieu. Méditons bien sur ce temps de dix
jours, car il ressemble beaucoup au temps que nous-mêmes nous vivons : le temps
de l’Église, qui se souvient de Jésus et qui attend son retour en priant.