Jo
2,12-18 ; Ps 50 ; 2Co 5,20-6,2 ; Mt 6,1-6.16-18
Chers frères et sœurs,
L’aumône, la prière et le jeûne paraissent être des moyens adaptés au
temps du carême pour nous préparer spirituellement et physiquement à la grande
liturgie de Pâques où nous célébrons la résurrection de Jésus.
Ces moyens sont l’occasion pour nous, de nous ouvrir davantage au
prochain, par l’aumône ; à Dieu, par la prière ; et à nous-mêmes, en
nous éprouvant par le jeûne. Si nous comprenons ces gestes ainsi, c’est très
bien et je nous encourage à les pratiquer largement.
Mais Jésus nous enseigne beaucoup plus que cela. Pour le comprendre,
il faut considérer d’abord le problème du péché et du pardon. Lorsque nous
avons gravement péché, nous pensons avec raison que nous avons perdu
l’innocence des fils de Dieu, et notre vrai bonheur. Comment donc nous
réconcilier avec Dieu et être pardonnés par lui, pour pouvoir retrouver notre
joie perdue ? Alors que nous sommes morts intérieurement, comment pouvons-nous
ressusciter spirituellement et revivre heureux, de manière juste et sainte ?
Vous savez que, dans l’Ancien Testament, pour obtenir le pardon de
Dieu pour tout le peuple, il était nécessaire que le Grand Prêtre entre chaque
année dans le Saint des Saints, cette pièce la plus secrète et la plus retirée
du Temple, où se trouvait l’Arche d’Alliance, sur laquelle reposait la Présence
de Dieu. Or le Saint des Saints était un lieu caché par un rideau. C’était un
lieu « caché ».
Et justement, ce n’est pas un hasard si Jésus nous demande de faire
l’aumône dans le secret – c’est-à-dire de manière « cachée » ;
de prier notre Père « qui est présent dans le secret », dans
« la pièce la plus retirée », après avoir « fermé la
porte » – on pourrait dire le rideau ; et de jeûner secrètement de
manière à ce que ce jeûne ne soit connu que de Dieu « qui est présent
au plus secret ».
Cette insistance de Jésus sur le secret, sur la présence de Dieu
dans le secret – « secret » qu’il eut été préférable de traduire par
« caché », renvoie au Saint des Saints comme lieu caché et dans
lequel se tient la Présence de Dieu.
Ce que Jésus nous apprend donc par son enseignement, c’est que
lorsque nous faisons l’aumône, que nous prions et que nous jeûnons de manière
cachée, nous accomplissons à notre mesure le rôle du Grand Prêtre qui entre
dans le Saint des Saints pour demander à Dieu le pardon pour tout le peuple.
Et il est juste que, nous qui sommes baptisés, prêtres, prophètes
et rois, nous puissions accomplir notre rôle de prêtres pour tous les hommes.
En faisant l’aumône, en priant et en jeûnant, de manière cachée, en présence de
Dieu, nous agissons comme prêtres pour le salut du monde et nous attirons sur
lui le pardon et la bénédiction, dont il a besoin pour revivre heureux. Or ce
pardon et cette bénédiction, c’est la « récompense » dont parle
Jésus.
Voilà donc, chers frères et sœurs, un enseignement qui illumine et
donne du poids à nos pratiques de carême, en éclairant leur sens profond.
Faire l’aumône, prier, et jeûner en secret, en présence de Dieu,
c’est accomplir notre vocation baptismale de prêtres en rendant un culte spirituel
à Dieu pour obtenir, en communion avec Jésus, le pardon des péchés pour tous
les hommes et leur rendre ainsi leur bonheur perdu.
En ce qui nous concerne personnellement, mettre en pratique ces
gestes a pour première conséquence de nous remettre à notre juste place dans
notre vocation d’homme et de chrétien, comme serviteurs de Dieu. Ces gestes ont
aussi, pour seconde conséquence, de nous fortifier spirituellement pour vivre dans
ce monde de manière toujours plus juste et plus sainte, et de nous y faire
goûter déjà maintenant la joie des bienheureux.
Et nous savons combien, en ce moment plus que jamais, nous en avons
tous besoin.