Ap
11,19a ; 12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
Chers
frères et sœurs,
Nous fêtons aujourd’hui l’Assomption de la
Vierge Marie au Ciel. C’est pour nous une très grande fête, d’abord parce que
nous aimons beaucoup la Vierge Marie, qui en saint Jean, nous a été confiée
comme Mère par Jésus sur la Croix ; ensuite parce que nous célébrons son
élévation au ciel après sa mort, comme Jésus s’était élevé au ciel avec son
corps, après sa résurrection ; et puis parce que le chemin qu’a emprunté la
Bienheureuse Vierge Marie pour aller au Ciel, c’est le nôtre : nous aussi,
par la grâce de Dieu nous allons ressusciter, après notre mort, et nous irons au
Ciel pour entrer dans la couronne des saints.
Mais, me direz-vous, est-ce que tout cela
n’est pas un peu trop catholique ? Le Nouveau Testament ne nous dit pas
expressément tout cela. D’ailleurs, on ne sait même pas où la Vierge Marie est
morte : à Jérusalem ou à Ephèse ? Le Nouveau Testament ne dit pas,
effectivement, où est morte la Vierge Marie. Mais en revanche, saint Luc nous
parle de son Assomption, de manière cachée, dans l’évangile que nous avons lu,
et je vais vous montrer comment.
Seuls Matthieu et Luc nous rapportent les
événements liés à la naissance de Jésus. Mais ce n’est pas pour satisfaire
notre curiosité. C’est parce qu’ils nous apprennent quelque chose de la
résurrection de Jésus. En effet, dans la Loi de Moïse, il y a une loi de
purification spéciale qui s’applique aux garçons premiers-nés, loi que vont
suivre scrupuleusement Marie et Joseph pour l’enfant Jésus. Or les événements
de la résurrection ont montré que cette loi s’est appliquée aussi à Jésus,
premier-né d’entre les morts. Cela veut dire que l’on peut et même que l’on
doit mettre en parallèle, en concordance avec cette loi, les récits de la
naissance et de l’enfance de Jésus, et les récits de sa résurrection et de sa glorification
dans les cieux, entre Pâque et Pentecôte.
Voilà ce que cela donne : Il y a un
rapport entre la grotte de Bethléem et le tombeau du Golgotha, entre les langes
et le linceul, entre les mages qui apportent des offrandes et les femmes qui
apportent des aromates, entre les bergers et les Apôtres. Au 8ème
jour, selon la loi, l’enfant est circoncis et il reçoit le nom de
« Jésus », comme au 8ème jour de sa résurrection, Jésus
montre ses plaies à Thomas qui proclame « Mon Seigneur et mon Dieu ». Au 40ème jour, l’enfant
Jésus est présenté au Temple et on offre un sacrifice de rachat, de la même
manière qu’à l’Ascension, Jésus monte dans les cieux, offrant notre humanité à
son Père. A douze ans, âge de plénitude, Jésus se trouve dans le Temple, et il
enseigne les docteurs de la Loi, de la même manière qu’à la Pentecôte – la fête
des fêtes – Jésus règne dans les cieux à la droite du Père et, par son Esprit,
il fait de ses Apôtres des docteurs de l’Evangile pour toutes les nations.
Nous pourrions passer des heures à méditer
toutes ces correspondances.
Et voilà pourquoi, quand on lit un récit de
l’enfance de Jésus, on ne peut pas ne pas le lire à la lumière des événements
de la résurrection. Alors venons-en maintenant à la visite de Marie à
Elisabeth. J’ai dit que cet évangile parlait de l’Assomption de Marie.
Il commence de la manière suivante :
« En ces jours-là, Marie se mit en
route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville
de Judée ». Que nous sommes bêtes de ne pas traduire mot à mot ce qu’a
écrit saint Luc, on comprendrait tout de suite ! Saint Luc a écrit
textuellement : « En ces
jours-là, Marie se lève. Elle va vers le pays-haut, en hâte, dans une ville de
Juda ».
Immédiatement une expression doit nous
frapper : Marie se « lève ».
Dans le Nouveau Testament, « se
lever » veut dire « ressusciter ».
Ensuite, Marie va vers le « Pays-haut »,
vous avez compris. Et enfin, elle va « en
hâte », dans une « ville de
Juda », dont le nom n’est curieusement pas précisé. C’est curieux,
nous savons bien que Zacharie et Elisabeth habitent à Jérusalem. Et d’habitude,
pour parler de cette région, saint Luc emploie toujours le terme de « Judée »
et non pas de « Juda ». Or, nous avons ici, de manière unique dans
cet évangile, l’emploi du terme ancien « Juda ». Saint Luc l’a fait
exprès, pour attirer notre attention : ce verset est spécial. En langage
des premiers chrétiens, on comprend de manière évidente que Marie est
ressuscitée, et qu’elle est montée « en hâte », dans la cité des
cieux, la Jérusalem d’en haut.
Saint Luc ne s’arrête pas là. Marie entre
dans la maison de Zacharie et d’Elisabeth. Et là, il y a un dialogue entre les
deux femmes. Or, il faut que vous ayez conscience qu’à chaque fois que
quelqu’un passe du ciel à la terre ou de la terre au ciel, il passe comme par
un rideau gardé par les anges. Dans les évangiles, vous trouvez les anges à l’Annonciation
et à la naissance de Jésus, comme à sa Résurrection et à son Ascension. Et les
anges sont comme des douaniers : ils posent des questions. C’est ce qui se
passe à l’Ascension de Jésus, selon le psaume 23 :
-
« Qui peut
gravir la montagne du Seigneur et se tenir dans le lieu saint ?
- - L'homme au cœur pur,
aux mains innocentes, qui ne livre pas son âme aux idoles et ne dit pas de faux
serments. Portes, levez vos frontons, élevez-vous, portes éternelles : qu'il
entre, le roi de gloire !
- - Qui est ce roi de
gloire ?
- - C'est le Seigneur, le
fort, le vaillant, le Seigneur, le vaillant des combats. Portes, levez vos
frontons, levez-les, portes éternelles : qu'il entre, le roi de gloire !
- - Qui donc est ce roi
de gloire ?
- - C'est le Seigneur,
Dieu de l'univers ; c'est lui, le roi de gloire ».
Or dans l’Evangile, Elisabeth s’exclame à la
venue de Marie : « Tu es
bénie entre toutes les femmes ». Et comme les anges, elle pose une
question : « D’où m’est-il
donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? ». Et
Marie lui répond « Mon âme exalte le
Seigneur, exulte mon esprit en Dieu mon Sauveur ! Il s’est penché sur
son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse. Le
Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son Nom !».
Chers frères et sœurs, saint Luc ne s’est pas
moqué de nous dans cet évangile. Il nous a rapporté cette étonnante rencontre
entre Marie et Elisabeth, que seule la Vierge Marie elle-même a pu lui
raconter. Certainement lui en a-t-elle raconté bien plus ! Mais saint Luc
nous a transmis cette histoire, parce qu’il s’en est certainement souvenu après
la mort de la Vierge Marie, lorsqu’il rédigeait son évangile, et parce qu’il a
compris que Marie elle-même - sans peut-être s'en rendre compte - lui avait raconté la prophétie de son Assomption.
Amen.