jeudi 29 mai 2025

29 mai 2025 - GRAY - Ascension du Seigneur - Année C

Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; He 9,24-28 ; 10,19-23 ; Lc 24, 46-53
 
Chers frères et sœurs,
 
Comment comprendre l’Ascension de Jésus ? Factuellement, il s’agit de la fin des apparitions de Jésus ressuscité ; c’est en quelque sorte sa dernière disparition, avant son retour dans la gloire. Mais il disparaît où ? Saint Luc l’affirme : Jésus a cessé d’apparaître en ce monde pour s’élever au « ciel ». Nous voilà bien avancés : comment comprendre ce qu’est le « ciel » ?
 
Les Écritures – c’est-à-dire l’Ancien Testament – nous l’apprennent. Tout d’abord, le ciel est un sanctuaire : c’est l’espace sacré d’un temple. Ainsi comprenons-nous que notre monde et le ciel forment ensemble un seul temple, dont le ciel est le sanctuaire. Quand Moïse a construit la Tente de la Rencontre dans le désert, qui est devenu par la suite le Temple de Jérusalem, il a bien défini deux espaces : le « saint » dans lequel pouvaient entrer les prêtres pour les offrandes habituelles, et le « Saint des Saints » qui n’était accessible qu’au seul grand-prêtre, une fois par an, pour la célébration du Grand Pardon – le Yom Kippour. De la même manière, toutes les églises sont construites sur le même modèle : il y a la nef où se trouvent les baptisés, pour la prière habituelle, et le sanctuaire où officie l’évêque ou le prêtre. C’est ainsi que dans son Ascension Jésus quitte ce monde pour entrer dans le sanctuaire du Ciel, comme faisait le grand prêtre dans le Temple, comme fait encore aujourd’hui l’évêque ou le prêtre dans l’église.
 
Notons au passage que notre monde et le ciel sont séparés par ce que je vais appeler un « voile ». La Lettre aux Hébreux évoque le « rideau du sanctuaire » en précisant qu’il s’agit de la « chair » de Jésus. De fait, dans le Temple de Jérusalem, il y avait un rideau entre le « Saint » et le « Saint des Saints », où le grand prêtre ne pouvait pénétrer qu’en s’étant purifié, sanctifié. Dans les Actes des Apôtres, la séparation entre le monde et le ciel est constituée par la nuée, qui soustrait Jésus aux yeux des disciples, et par deux hommes en vêtements blancs – c’est-à-dire par les anges. Les anges sont comme des douaniers : ils interdisent l’entrée du sanctuaire du ciel et à tous les hommes dont la chair est obscurcie par le péché, aux impies, mais ils autorisent le passage à celui qui est le pur et le saint par excellence, l’innocent dont la chair est sans péché, celui dont le corps est lumière, Jésus et lui seul. Le psaume 46 est exactement le chant des anges acclamant l’entrée de Jésus dans le ciel. Dans les églises, le voile est matérialisé par la marche et le banc de communion qui séparent la nef du sanctuaire.
 
Que trouve-t-on dans le ciel ? On y trouve le trône où siège le Père, à la droite duquel vient s’asseoir le Fils. Il y a les trônes des douze fils d’Israël et des douze Apôtres. C’est ce que nous retrouvons dans nos églises : le siège du président, et ici les stalles des chanoines. Et au milieu du ciel se trouve l’autel, qui est le Christ. Vous savez que Jésus entrant au ciel est à la foi le prêtre – ce que nous avons vu – mais il est aussi l’offrande faite à Dieu son Père : il offre son corps et son sang – c’est-à-dire nous, l’humanité qu’il partage avec nous, le corps et le sang des martyrs et des saints, nos vies, nos joies et nos souffrances, nos intentions de messe. Il les présente à son Père en offrande. Et Jésus est aussi l’autel sur lequel reposent ces offrandes. Jésus cumule en lui-même tout le culte de Dieu. Et pourquoi ?
 
Moïse l’a déjà dit, en parlant du grand prêtre qui fait l’offrande une fois par an dans le Saint des Saints : pour le Grand pardon. Jésus s’offre lui-même et nous avec, pour nous obtenir le pardon de son Père, sa grâce, le don de son Esprit Saint. De même, dans l’église, l’évêque accueille le pain et le vin, fruits de la terre et du travail des hommes – tout ce qui fait notre monde, et nous-mêmes, et nos prières. Et par ordre de Jésus, par la prière eucharistique et l’action de l’Esprit Saint, il en fait Corps et Sang de Jésus. Alors seulement, accomplissant ici et maintenant, ce que Jésus fait au ciel et toujours, il offre ce Corps et ce Sang de Jésus – et nous-mêmes avec lui – à Dieu notre Père : « Par lui, avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout puissant, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. » Et avec les anges, et tous les saints, le peuple de Dieu accompagne cette offrande avec force : « Amen ! » Alors, dans les ultimes prières, comme les Apôtres au Cénacle attendant la Pentecôte, nous espérons de notre Père qu’il nous accorde sa grâce, le don de l’Esprit, la sainte communion.
 
Car, chers frères et sœurs, l’enseignement des apôtres n’est pas terminé : « Frères, c’est avec assurance que nous pouvons entrer dans le véritable sanctuaire grâce au sang de Jésus : nous avons là un chemin nouveau et vivant qu’il a inauguré en franchissant le rideau du Sanctuaire ; or, ce rideau est sa chair. Et nous avons le prêtre par excellence, celui qui est établi sur la maison de Dieu. Avançons-nous donc vers Dieu avec un cœur sincère et dans la plénitude de la foi, le cœur purifié de ce qui souille notre conscience, le corps lavé par une eau pure. » Le corps lavé par l’eau pure du baptême, le cœur purifié de la souillure du péché par le don de l’Esprit Saint, nous pouvons avancer pour la procession de communion jusqu’au sanctuaire du ciel, où le passage n’est plus interdit par les anges, mais ouvert grâce au sacrifice de Jésus. Là, en communiant à son Corps et à son Sang, nous lui somme unis, ainsi qu’à son Père, dans la communion de l’Esprit Saint, et nous participons ici et maintenant à la vie éternelle qui est celle du ciel.
 
Voilà, chers frères et sœurs ce qui est voilé dans le mystère de l’Ascension de Jésus : c’est la messe, qui est en même temps sacramentellement et réellement notre propre ascension dans la gloire de Dieu, au ciel. Amen !

dimanche 25 mai 2025

25 mai 2025 - FRESNE-SAINT-MAMES - 6ème dimanche de Pâques - Année C

Ac 15, 1-2.22-29 ; Ps 66 ; Ap 21, 10-14.22-23 ; Jn 14, 23-29
 
Chers frères et sœurs,
 
Durant ses apparitions, Jésus rappelle aux Apôtres l’enseignement qu’il leur avait donné avant sa mort, enseignement qu’ils ne pouvaient pas comprendre à ce moment, mais seulement après sa résurrection. Voilà pourquoi nous lisons l’Évangile selon Jean maintenant, après Pâques.

Dans son enseignement, Jésus dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ; mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui et, chez lui, nous nous ferons une demeure. » Aimer Jésus et garder sa parole sont deux choses inséparables. Par « garder sa parole », il faut entendre « écouter ses commandements et les mettre en pratique », c’est-à-dire vivre selon le premier commandement qui est au cœur de tous les autres commandements de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit », ceci sans oublier celui qui lui est semblable : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Celui qui vit ainsi, dit Jésus, sera aimé de son Père. De fait, il est comme une terre labourée, bien préparée, pour accueillir la semence que voici : « Nous viendrons vers lui. » Jésus dit « nous » car il parle inséparablement de son Père, de lui-même le Fils, et de l’Esprit Saint. La Trinité Sainte, comme à Abraham au chêne de Mambré, se présente à l’homme juste afin que, dit Jésus :  « chez lui, nous nous ferons une demeure. » Comprenez, chers frères et sœurs, que l’homme juste, qui aime Jésus et garde sa Parole, qui est aimé de son Père, est visité par la Sainte Trinité qui vient habiter en lui comme dans le Temple. L’homme juste est le Temple de Dieu : son cœur est devenu comme le Saint des Saints en lequel vient reposer la Présence de Dieu.
C’est pourquoi, Jésus, après avoir parlé du don de l’Esprit Saint qui rappelle aux Apôtres ses paroles, parce qu’en même temps il les réalise, leur parle maintenant de la paix. Il y a deux mots en hébreu pour parler de la paix : soit la paix divine, le repos de Dieu ; soit la tranquillité humaine, les accords signés entre les hommes. Évidemment, ici Jésus parle de la paix – Shalom – qui est le repos de Dieu. On n’a cette paix que lorsque la Sainte Trinité vient habiter dans notre cœur. Et en même temps, avec cette paix de Dieu, on a aussi sa joie, une joie que le monde ne connaît pas.
 
Maintenant que nous avons compris que Dieu vient habiter en nous, avec la vision du livre de l’Apocalypse, nous comprenons que cette habitation de Dieu en l’homme correspond aussi exactement à l’habitation de l’homme en Dieu. La communion de l’homme avec la Sainte Trinité est une habitation réciproque. Ainsi l’homme vient habiter sur la haute montagne, dans la ville sainte, Jérusalem, dans la gloire de Dieu, illuminée par Jésus. Cette ville a douze portes correspondant aux douze tribus des fils d’Israël et douze fondations correspondant aux douze Apôtres. C’est-à-dire que dans la Jérusalem céleste sont réunis Israël et l’Église, les Juifs et les païens entrés dans la communion de Dieu par la foi. Ensemble, dans la paix et la joie, nous ne formons qu’un seul peuple de Dieu. La communion est en même temps la Sainte Trinité qui habite en l’homme, l’homme qui habite en Dieu, et l’homme en communion avec ses frères et sœurs qui partagent le même amour de Dieu, la même foi. C’est inséparable.
 
Et nous arrivons au débat survenu entre les chrétiens d’origine juive et les chrétiens d’origine païenne, dans les Actes des Apôtres. Vous avez bien compris que, dans le cœur des Apôtres, l’unité de l’Église est fondamentale puisqu’elle reflète sur terre l’unité de la Jérusalem céleste, qui est l’habitation réciproque entre les justes et la Trinité Sainte. C’est pourquoi il est dit dans les Actes que la décision des Apôtres a été prise à l’unanimité, c’est-à-dire dans l’Esprit Saint. Il ne pourrait en être autrement dans l’Église.
Le fond du débat est : est-ce que les païens, en se convertissant, doivent quitter leur identité pour devenir juifs ? Ou bien inversement, est-ce que les Juifs doivent perdre leur identité pour devenir comme les païens, pour que tous puissent être chrétiens ? La réponse est que personne n’a à perdre son identité ; la foi ne détruit pas l’identité des personnes : elle les transfigure. Ainsi les juifs chrétiens peuvent et doivent vivre selon la Loi et leurs coutumes illuminées par la foi, et les chrétiens d’origine païenne doivent obéir par la foi au cœur de la Loi sans avoir à en suivre les formes coutumières juives. Le cœur de la Loi est rappelé par les commandements qui sont en tête de chacune des deux tables : d’abord contre l’adoration des idoles, l’amour exclusif de Dieu ; puis l’interdiction de verser le sang : « tu ne tueras pas » ; et la pratique d’une vie morale sainte qui en découle : le refus des unions illégitimes. Nous savons que les premiers chrétiens ont suivi scrupuleusement cette décision, jusqu’au témoignage du martyre. Et elle est toujours valable pour nous aujourd’hui, dans notre monde rempli d’idoles variées, qui veut porter atteinte à la vie, et qui fait se fait le promoteur d’une société désordonnée.
 
Nous sommes toujours, comme chaque chrétien en son temps, à la croisée des chemins : choisissons-nous l’obscurité ou la lumière ? la division ou son miroir, l’unité totalitaire, ou bien l’unité dans la diversité, dans la communion du Père du Fils et de l’Esprit Saint, pour y vivre ensemble la paix et la joie de Dieu ? 

dimanche 18 mai 2025

18 mai 2025 - CHAMPLITTE - 5ème dimanche de Pâques - Année C

 Ac 14, 21b-27 ; Ps 144 ; Ap 21, 1-5a ; Jn 13, 31-33a.34-35
 
Chers frères et sœurs,
 
Il y a une forme d’inquiétude, pour ne pas dire d’angoisse, qui traverse les lectures et l’évangile de ce dimanche. Dans les Actes des Apôtres, Paul et Barnabé affermissent le « courage des disciples » ; ils les exhortent à « persévérer dans la foi ». Dans l’Apocalypse, Jean entend la voix qui dit que Dieu « essuiera toutes larmes de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. » Et dans l’Évangile, nous retrouvons Jésus lors de son dernier repas avec ses disciples ; Judas vient de le trahir pour qu’il soit conduit à la mort de la croix : la Passion a commencé.
 
Pourquoi, alors que nous sommes dans le temps de Pâques, de la joie de Pâques, la liturgie évoque-t-elle les souffrances de Jésus, de ses disciples, et au fond celles de toute l’humanité ? Il y a deux raisons à cela. La première est que, comme dit Jésus : « Le disciple n’est pas plus grand que le Maître. » C’est-à-dire que par là où Jésus est passé, maintenant ses disciples à leur tour doivent passer aussi. L’Église souffrante dans les persécutions – c’est bien des persécutions dont parlent les Actes des Apôtres et l’Apocalypse – l’Église, donc, rejoint son Seigneur souffrant en sa Passion. Mais nous savons bien, par la foi en Jésus, que la Passion conduit à la résurrection et à la vie nouvelle.  Et la seconde raison est que Jésus ne cesse pas, dans son ascension auprès de son Père, non seulement de lui présenter en offrande son corps ressuscité et meurtri, mais aussi de combattre contre les puissances du mal, jusqu’à la victoire définitive. Nous savons par la foi en Jésus, qu’il a vaincu définitivement le mal puisqu’il est entré dans sa gloire, siégeant à la droite du Père, et que l’offrande de lui-même a été agréée par son Père, puisqu’il a envoyé à son Église l’Esprit de Pentecôte.
 
Ainsi la liturgie nous fait superposer la figure de l’Église avec celle de Jésus : à l’une comme à l’autre, il arrive la même chose. L’Église persécutée, c’est Jésus persécuté. Jésus luttant contre les puissances du mal, c’est aussi l’Église luttant contre les puissances du mal. Jésus s’offrant lui-même à son Père, c’est aussi l’Église s’offrant elle-même – par Jésus – pour le salut du monde. Mais alors, la victoire de Jésus sur la mort et sur le mal, c’est aussi la victoire de l’Église. Et la glorification de Jésus au ciel, c’est aussi la glorification de son corps qui est l’Église.
Voilà pourquoi Paul et Barnabé veulent « affermir » « le courage des disciples », et les « exhortent » à « persévérer dans la foi », et pourquoi Dieu « essuiera » « toutes larmes de leurs yeux, et la mort ne sera plus, et il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur. »
 
Comprenez bien, chers frères et sœurs que, ce faisant, les lectures, ou plus exactement l’Esprit Saint à travers le témoignage de Paul et Barnabé, et celui de Jean, nous appellent à relever la tête, à regarder les réalités éternelles du ciel plutôt que de rester ensorcelés par les illusions du monde qui passe. Vous me direz : « les paroles et les exhortations à la foi peuvent-elles suffire devant tant de souffrances présentes ? » Mais… ni Paul et Barnabé, ni Jean, ni Jésus, n’ont laissé les hommes avec des paroles seulement.
Jésus lui-même, le premier, est passé par la souffrance de la Passion ; et il est ressuscité. Il nous a dit comment lutter contre la souffrance et les assauts des puissances du mal : « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. » Par la charité mutuelle vécue en actes, nous sommes les plus forts.
Jean, lui, a vu « la Ville sainte, la Jérusalem nouvelle, qui descendait du ciel, d’auprès de Dieu, prête pour les noces, comme une épouse parée pour son mari. » Et quelle est-elle cette ville sainte ? C’est l’Église, la communauté de charité que nous formons, dont les membres inséparables sont au ciel et sur terre, formant l’unique corps de Jésus ressuscité. L’Église est une réalité du ciel et de la terre, une réalité « sacramentelle » : par le baptême, la confirmation et l’eucharistie, nous appartenons à cette réalité et nous en recevons la vie. Par cette vie éternelle reçue concrètement par les sacrements de l’Église, nous sommes les plus forts.
Enfin, Paul et Barnabé, avant de quitter les Églises en souffrance de Lystre, Iconium et Antioche de Pisidie, leur ont donné des Anciens : des évêques. Ils les ont appelés ; puis, après avoir prié et jeûné, les ont consacrés au Christ Jésus pour qu’ils soient présence de Jésus au milieu de leurs Églises. Par la présence sacramentelle de Jésus dans ses évêques, par la vie donnée par ses sacrements à son Église, par la charité qui les assemble et les anime, alors, contre le mal, la souffrance et la mort, nous sommes toujours les plus forts.
 
C’est ainsi, chers frères et sœurs, que nous pouvons et nous devons nous réjouir en ce temps de Pâques. Parce que, par sa résurrection et le don de son Esprit, Jésus ne nous a pas quittés, ne nous a pas abandonné. Au contraire, il est toujours présent à son Église. Si elle souffre, alors il souffre avec elle. Et si il entre dans sa gloire, alors avec lui, Jérusalem céleste, l’Église est glorifiée dans le ciel !


dimanche 11 mai 2025

11 mais 2025 - BOURGUIGNON-lès-LA CHARITE - 4ème dimanche de Pâques - Année C

 Ac 13, 14.43-52 ; Ps 99 ; Ap 7, 9.14b-17 ; Jn 10, 27-30
 
Chers frères et sœurs,
 
Toute l’humanité a été créée pour la vie éternelle ; elle a vocation à entrer dans la gloire de Dieu. Dans cette humanité, par élection et par alliance, les Juifs ont reçu la révélation et la Loi de Dieu – la Parole de Dieu : les Juifs sont dépositaires de la promesse et de l’espérance du Messie, du Sauveur. Non pas seulement pour eux, mais aussi pour toute l’humanité.
Cependant, ils n’avaient pas prévu, pas compris dans cette Parole, dans les Écritures, que ce Messie ne serait pas seulement un homme, mais Dieu lui-même ; et qu’il ne viendrait pas pour une cause terrestre – la libération de la Terre Sainte de toute ingérence étrangère par exemple – mais qu’il vient pour une cause céleste : la libération de tous les peuples, juifs et païens, du péché et de la mort, pour les faire entrer ensemble dans la véritable Terre Sainte qu’est la vie éternelle.
Le vrai problème, pour les Juifs, est que Jésus s’affirme comme Fils de Dieu, comme Dieu lui-même : « Le Père et moi, nous sommes un » dit Jésus. Mais soyons francs, cette question, celle de la Trinité, nous pose aussi problème à nous qui sommes culturellement des enfants des philosophes grecs, des légistes romains, et qui plus est fils de Descartes : le mystère de la Trinité pose problème à la raison humaine. Nous ne comprenons pas qui est Dieu. La divinité nous éblouit ; elle nous dépasse. C’est pourquoi Jésus – de même que Paul et Barnabé ensuite – disent qu’il est nécessaire pour en avoir la connaissance d’avoir préalablement reçu la grâce de la foi.
 
Dans son enseignement Jésus explique que c’est le Père qui lui donne ses brebis : la foi est d’abord un don de Dieu. On peut la demander pour soi-même, mais aussi pour les autres. Quiconque reçoit la foi du Père est dans sa main, c’est-à-dire est dans son Esprit Saint.
Dès lors, la personne qui a reçu la foi écoute la voix de Jésus. On devrait peut-être dire plus exactement qu’elle reconnaît cette voix intérieurement, parce qu’elle lui réjouit le cœur. C’est tellement vrai que Jésus dit des personnes qui écoutent sa voix qu’il les « connaît ». Dans le langage de saint Jean, cela veut dire qu’il y a une union spirituelle intime directe entre eux, comparable à l’amour entre un homme et une femme. Alors, poursuit Jésus, la personne qui a foi en lui, qui écoute sa voix, qui est en communion avec lui, se met à le suivre.
Suivre Jésus, c’est se préparer activement par l’amour de Dieu et du prochain, à recevoir la plénitude du Saint Esprit : « Je leur donne la vie éternelle » dit Jésus ; et il ajoute aussitôt : « personne ne les arrachera de ma main. » Nous avons déjà entendu cette expression qui évoque le don de l’Esprit. Vous allez me dire : « Encore ? L’Esprit n’a-t-il pas déjà été donné par le Père, en même temps que la foi ? » Eh bien oui : quand on a la foi, qu’on écoute la voix de Jésus, qu’on entre en communion avec lui, et qu’on se met à le suivre, on reçoit toujours plus l’Esprit Saint, qui nous encourage à aller encore plus loin, plus profond ou plus haut, dans l’amour de Dieu, dans sa communion, dans sa gloire. Saint Paul disait aux Corinthiens : « Et nous tous qui n’avons pas de voile sur le visage – qui avons la foi – nous reflétons la gloire du Seigneur, et nous sommes transformés en son image avec une gloire de plus en plus grande, par l’action du Seigneur qui est Esprit. » Les personnes qui écoutent Jésus et qui le suivent sur son chemin, qui ont reçu l’Esprit Saint et reçoivent toujours plus l’Esprit Saint, bénéficient en même temps d’une promesse : « Jamais elles ne périront. » C’est-à-dire que le Mal et la mort ne prévaudront jamais sur elles. Car elles appartiennent à Dieu.
 
Nous avons vu qu’il y a tout un mouvement depuis le Père qui donne l’Esprit ; puis la personne qui reçoit l’Esprit se met à écouter et à suivre Jésus, c’est-à-dire lui offre sa vie ; et enfin le Fils qui reçoit cette vie et lui donne à son tour l’Esprit. C’est sans fin, comme une valse infinie. Dans ce mouvement, on s’aperçoit que l’homme est partie prenante. Cela signifie qu’on ne peut pas comprendre le mystère du Dieu unique en trois personnes, la Sainte Trinité, si on n’entre pas dedans, dans sa vie intérieure.
Je vais terminer par une image, celle que je trouve pour le moment la plus appropriée pour comprendre ce mystère : Considérez un compositeur : c’est Dieu le Père. Invisible, inaccessible, séparé par la distance ou par le temps, du chef d’orchestre et des musiciens, il leur fait don de sa partition. Le chef d’orchestre, c’est Dieu le Fils. Il est homme – il fait partie de l’orchestre – mais il est aussi Dieu : il n’y a que lui qui sait interpréter correctement la partition écrite par son Père. Les musiciens, ce sont les hommes – tous différents, avec des vocations différentes, des histoires différentes – qui sont autant que possible accordés dans la charité mutuelle, qui écoutent les instructions du chef d’orchestre et suivent le chemin de sa baguette de bois, de sa croix, le rythme. Et l’Esprit Saint… c’est la musique ! Plus l’orchestre est accordé, plus il écoute et suit le chef d’orchestre, plus la musique devient puissante, symphonique, angélique, intensément divine, répondant, magnifique, à la volonté du Père. Alors de tous, transportés, transfigurés, elle est l’expression de la joie éternelle.

mardi 6 mai 2025

04 mai 2025 - PESMES - 3ème dimanche de Pâques - Année C

Ac 5, 27b-32.40b-41 ; Ps 29 ; Ap 5, 11-14 ; Jn 21, 1-19
 
Chers frères et sœurs,
 
Il était de tradition, dans les premiers siècles de l’Église en Gaule, de lire le livre de l’Apocalypse durant le temps de Pâques. Une des raisons est que ce livre donne une des clés les plus importantes pour comprendre la liturgie eucharistique. Dans son langage original, l’Apocalypse enseigne que les rites que nous accomplissons sur terre lors d’une messe, correspondent exactement à ceux qui se déroulent éternellement dans le ciel.
De même que le Temple et ses rites avaient été établis par Moïse à partir de la vision qu’il avait eue au Mont Sinaï, de même, l’architecture des églises et la liturgie qu’on y célèbre proviennent non pas seulement du dernier repas de Jésus avant la Pâque, mais aussi de la vision que les Apôtres ont eu de sa glorification, de son ascension dans le ciel. Ainsi, les anges acclamaient Jésus, l’Agneau immolé, lorsqu’il montait s’asseoir à la droite du Père pour inaugurer un règne de Paix ; de même, les chrétiens assemblés chantent l’Agneau de Dieu, qui enlève les péchés du monde, en le priant de lui donner sa Paix.
 
J’ai dit « les chrétiens assemblés » : « assemblés », c’est-à-dire « en Église ». Nous retrouvons justement cette mention dans l’évangile d’aujourd’hui, où il est dit : « Il y avait là ensemble, Simon-Pierre, avec Thomas appelé Didyme, Nathanaël de Cana de Galilée, les fils de Zébédée, et deux autres de ses disciples. » Notons qu’ils sont sept, comme le livre de l’Apocalypse cite sept Églises pour évoquer l’ensemble de toutes les Églises. Il est donc question ici de l’universalité de l’Église, de son ouverture à toutes les nations, de sa mission.
On voit alors Pierre partir pêcher ou prêcher, proclamer l’évangile dans le monde. Volontaires, les autres désirent l’accompagner. Mais ils ne prennent rien. Leur travail est stérile parce qu’il se fait au mauvais moment et sans l’ordre de Jésus. Pour que la pêche soit fructueuse, il faut attendre le « lever du jour », c’est-à-dire celui de la résurrection de Jésus, le dimanche, et son ordre : « Jetez le filet à droite de la barque. » « À droite de la barque », c’est-à-dire au nord, en direction d’Antioche et de la Syrie, en direction des nations païennes. Les disciples tireront bientôt de l’eau 153 poissons, nombre qui correspond à celui du total des nations répertoriées traditionnellement par Pline le géographe. La première partie de l’évangile correspond donc à la prédication des Apôtres, à l’annonce de l’Évangile. C’est la première partie de la messe, pour nous le temps des lectures.
 
Quand Pierre eut compris que Jésus était présent, il se ceignit de son vêtement, comme Jésus s’était ceint d’un linge pour le lavement des pieds. Il peut s’agir d’un vêtement de lin ou d’une tunique. Dans les deux cas, pour un hébreu, la référence au vêtement des prêtres est immédiate. Pierre change de lieu : il était sur la mer ; le voilà maintenant sur la terre. Avant il était à l’extérieur du Temple ; maintenant il est dans le sanctuaire. Là se trouvent le feu de braises et du poisson posé dessus, comme dans le Temple se trouvent le feu pour l’encens et l’offrande présentée à Dieu. Il y a un jeu de mots en grec, « offrande » se dit « θύος » et « poisson » se dit « ιχθύς ». Vous savez bien que ιχθύς pour les premiers chrétiens se comprenait : « Ièsous Christos Theou Uios Sôter » : Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur. Donc, Pierre, revêtu de sa tunique, se trouve symboliquement ou rituellement dans le sanctuaire parfumé d’encens, où l’offrande eucharistique est présentée à Dieu par Jésus lui-même.
Alors Jésus demande à ce que soient apportés les 153 poissons, c’est-à-dire toutes les églises, tous les saints des églises, tous les baptisés, pour qu’ils participent eux aussi à l’offrande du repas, celui des noces de l’Agneau, à la communion des saints. Il n’y a qu’une seule Église du Christ, qu’une seule communion des saints, qu’un seul repas ; c’est pourquoi le filet ne s’est pas déchiré.
Avant que commence le repas, saint Jean précise que les disciples savaient qu’ils étaient en présence de Jésus : « Ils savaient que c’était le Seigneur. » Le Syriaque dit : « Ils croyaient que c’était lui. » En effet, la foi est la condition nécessaire pour pouvoir participer à l’Eucharistie. Nous aussi, nous faisons notre profession de foi, avant la prière eucharistique. Alors Jésus peut prendre le pain, le syriaque dit qu’il prononça la bénédiction, et il leur donne, ainsi que le poisson : c’est la prière eucharistique et la communion.
 
Voilà chers frères et sœurs comment anous pouvons lire l’Évangile de ce dimanche, où la messe des premiers temps apostoliques est la même que celle de notre temps et celle des temps à venir, parce que la liturgie de la terre, en tout temps et en tous lieux, correspond exactement à celle qui est éternelle, celle du ciel.

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