Is
43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
Chers
frères et sœurs,
Le
passage de l’évangile que nous venons d’entendre a une histoire compliquée.
Nous le lisons dans l’évangile de Jean, alors qu’il y a peu de doutes qu’il se
trouvait originellement dans celui de Luc. On y retrouve en effet beaucoup des expressions
de ce dernier, que n’emploie pas Jean. En soit, cela a peu d’importance, mais
en fait, c’est presque une clé de lecture. Je vais essayer d’ouvrir la porte
pour vous.
Les
lectures de ce jour ont été choisies pour nous inciter à interpréter
l’Évangile, et donc le jugement de Jésus, comme une dévalorisation de la Loi de
Moïse pour magnifier la « Loi nouvelle » de l’Évangile : celle
de la miséricorde. Ainsi nous lisons en Isaïe : « Voici que je
fais toute chose nouvelle » et en saint Paul : « non pas
de la justice venant de la Loi de Moïse, mais de celle qui vient de la foi au
Christ. » Certes, Jésus apporte du nouveau, mais certainement pas en
invalidant la Loi de Moïse, dont il est lui-même le Maître. Car, dans notre
cas, c’est bien par la Loi de Moïse qu’il va sauver la femme pécheresse.
D’ailleurs, à la fin, personne chez les Juifs, qu’ils soient prêtres, scribes ou
pharisiens, ne va s’opposer à son jugement. Comment a-t-il donc fait ?
Commençons
par l’exposé du problème, en deux points. L’Évangile est très précis. Premier
point : la femme adultère est présentée à Jésus, qui se trouve dans le
Temple. Le cadre général est donc celui de la « loi de la jalousie »
qui se trouve au livre des Nombres, où l’on fait subir à une femme
soupçonnée d’adultère une ordalie. La femme doit être présentée au prêtre qui
se trouve dans le Temple, lequel mélange de la poussière du sol du Temple avec
de l’eau sainte pour en faire de l’eau amère. Il inscrit ensuite sur un papier
la sentence de la condamnation, puis il le lave avec l’eau amère, et fait boire
cette eau, chargée de la sentence, à la femme. Si elle dépérit, elle est
coupable ; si elle reste en bonne santé, elle est innocente.
On
voit tout de suite que les scribes et les pharisiens qui ont amené la femme
adultère à Jésus lui posent un problème ambigu, car si ils avaient respecté la loi
du Lévitique sur les femmes adultères, cette la femme de l’évangile
aurait été mise à mort immédiatement, sans qu’on ait recours à la loi de la
jalousie. Si donc s’ils s’engagent dans cette procédure, c’est qu’ils ont un doute.
Sur le fond, ils ne cherchent pas à mettre à mort cette femme, mais ils veulent
éprouver Jésus. C’est le véritable objectif.
Et
ils vont être, en effet, particulièrement abjects avec lui. Car,
précisent-ils : « Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. »
C’est le second point. Ces « femmes-là », ce ne sont pas
toutes les femmes adultères, mais très expressément les jeunes filles ou femmes
vierges. Il n’y a que pour ces « femmes-là » que la mise à
mort doit se faire par lapidation. Vous avez bien compris l’insulte et le piège
qui a été tendu à Jésus : selon la Loi, il doit condamner lui-même une
jeune fille vierge dont on soupçonne qu’elle a commis un adultère. Et comme celui-ci
est avéré, la sentence est théoriquement mécanique. Voilà pour le piège. Or,
tout le monde à Jérusalem a compris que le cas de la pauvre femme qui se trouve
devant Jésus correspond parfaitement aux ragots colportés partout de la
naissance de Jésus d’une jeune fille vierge promise en mariage à un homme du
nom de Joseph, dont elle a eu un enfant avant qu’ils aient habité ensemble…
donc forcément, selon eux, par adultère. Voilà pour l’insulte.
Jésus
va-t-il condamner sa mère ? Et par conséquent, va-t-il aussi se condamner
lui-même avec elle ?
Jésus
revient à la loi de la jalousie, et il écrit sur le sol, le sol du Temple.
Il prononce la sentence – qui confirme la loi de la mise à mort par lapidation
pour adultère d’une jeune fille vierge : « Celui d’entre vous qui
est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » La
femme boit l’eau amère de la parole de Jésus : soit quelqu’un lui jette
une pierre et elle est coupable : elle meurt ; soit personne ne lui
jette de pierre et elle est jugée innocente : elle vit. Mais Jésus a
ajouté : « Celui d’entre vous qui est sans péché… » Par
ces mots, il a rendu impraticable la sentence, car aucun homme n’est sans
péché. Sur terre, il n’y en a que deux qui sont sans péchés : lui-même,
Jésus, et la Vierge Marie, sa mère. Marie condamnerait-elle sa sœur, une femme
qui lui ressemble tellement par l’accusation que ces hommes portent contre
elle ? Certainement pas. Il reste donc Jésus…
Avez-vous
remarqué, chers frères et sœurs, que les scribes et les pharisiens appellent
Jésus « maître », et que la femme l’appelle « Seigneur » ?
Ils n’ont voulu voir en lui qu’un homme comme eux. Mais elle, elle a vu qu’il
était son Dieu. Et c’est pourquoi, ayant confessé sa foi en lui, il ne l’a pas
condamnée. Il s’est souvenu de ce que par l’Esprit Saint il avait dit par le
prophète Ézéchiel : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du
méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne
de sa conduite et qu’il vive ? » C’est pourquoi à la femme, il
ajoute : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne
pèche plus. »
Voilà
chers frères et sœurs, ce qui s’est passé ce matin-là dans le Temple de
Jérusalem, où Dieu a innocenté une jeune fille vierge, accusée de péché par des
hommes. Comment, nous autres qui sommes pécheurs de bien des manières, ne nous
réjouirions-nous pas de nous savoir un tel juge, si miséricordieux, pourvu que
nous ayons foi en lui, et en l’intercession de notre bienheureuse et toute
sainte Vierge Marie.