dimanche 27 avril 2025

26-27 avril 2025 - FRETIGNEY - MONT-SAINT-LEGER - 2ème Dimanche de Pâques - Année C

Ac 5, 12-16 ; Ps 117 ; Ap 1, 9-11a.12-13.17-19 ; Jn 20, 19-31
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus de Nazareth, le descendant de David, fils de l’homme et fils de Dieu, condamné au supplice de la croix, est ressuscité d’entre les morts. Cette résurrection est le don de Dieu pour nous : la mort n’est pas le dernier mot de notre existence ; elle n’est que le voile qui nous sépare de la vie éternelle.
Cette résurrection n’est pas seulement un don de vie ; elle est aussi pour l’humanité le signe de sa rédemption. Depuis Adam, celle-ci lutte intérieurement dans l’espérance du pardon d’une existence imparfaite, pour pouvoir par la grâce de Dieu, recevoir une vie nouvelle, paisible, lumineuse et joyeuse – une vie enfin tout entière bienheureuse.
Dans la résurrection de Jésus – dans la bonne nouvelle de l’Évangile – il y a donc une double bénédiction qui couronne l’espérance de notre humanité : la vie éternelle, qui est aussi une vie nouvelle. Dans les événements de Pâques, le Seigneur ne cesse de donner des signes de cette double bénédiction, d’abord à ses disciples, et ensuite à tout peuple de Dieu, jusqu’à nous aujourd’hui.
 
La vie éternelle est révélée par Jésus au cours de ses nombreuses apparitions, près du tombeau, sur la route d’Emmaüs, au Cénacle, au bord de la Mer de Galilée, pendant quarante jours. Ces apparitions étaient nécessaires, car, même les Apôtres – ceux qui ont vécu avec Jésus chaque jour pendant au moins trois ans, ayant reçu son enseignement et vu ses actions parfois miraculeuses – ne croyaient pas à sa résurrection quand on la leur annonçait. Ainsi Thomas voulait-il en avoir une preuve physique, par la vue dans ses mains de la marque des clous, et le toucher de son doigt dans les marques des clous, et de sa main dans son côté transpercé par la lance du soldat. Jésus a accédé à cette revendication : sa résurrection est réelle et elle concerne la création elle-même. Ce n’est pas seulement l’esprit ou l’âme qui sont ressuscités, mais aussi le corps humain, et avec lui toute la matière, le cosmos.
 
Que cette vie éternelle soit aussi une vie nouvelle, un pardon pour tout homme pécheur, cela est également révélé par Jésus.
En effet, pour commencer par eux, alors que les Apôtres auraient dû être condamnés pour avoir abandonné leur Seigneur à l’heure de sa Passion – et saint Pierre l’a renié trois fois – il leur apparaît en leur disant : « La paix soit avec vous. » Telle est la miséricorde de Dieu. Non seulement il leur pardonne, mais avec son pardon, il leur offre en partage sa vie nouvelle, qui est aussi sa mission : « De même que le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie. Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis » » Le don de l’Esprit Saint est le partage de la vie nouvelle.
C’est par le ministère des Apôtres que le peuple de Jérusalem est devenu à son tour bénéficiaire du pardon de Dieu et de la puissance de la vie nouvelle. En effet, cette foule n’est-elle pas la même qui hier insultait et molestait Jésus en sa Passion, qui aujourd’hui reçoit gratuitement les soins de la guérison et de l’exorcisme, apportés par les Apôtres au nom de ce même Jésus ? Telle est la miséricorde de Dieu : non seulement il pardonne à la foule de Jérusalem, mais avec son pardon, il lui offre en partage de devenir le signe de la Jérusalem céleste.

Observons ici, chers frères et sœurs, comment le don de l’Esprit Saint sur les Apôtres les a transformés en Christs, ou plutôt comment, par cette ordination, Jésus ressuscité parle et agit maintenant à travers eux. Car voilà que désormais les Apôtres annoncent le Règne de Dieu, guérissent et exorcisent exactement comme l’a toujours fait Jésus, avec la même puissance.
Cette observation vaut pour nous aujourd’hui, qui succédons à la foule de Jérusalem, et pour les évêques qui succèdent aux Apôtres. Car, par le don de l’Esprit Saint, l’enseignement et l’action de Jésus vivant continuent : l’évêque, configuré au Christ par son ordination, salue toujours les fidèles comme Jésus avait salué ses Apôtres au Cénacle : « La paix soit avec vous. » Ainsi, le pardon pour les péchés et la vie nouvelle sont toujours annoncés et toujours offerts. Et mieux encore, par les sacrements – surtout ceux du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie, dont l’évêque est responsable et gérant au nom de Jésus, c’est la vie éternelle elle-même – celle de la résurrection – qui nous est transmise. Pas seulement en signe, de manière symbolique, mais réellement. Si Jésus est réellement ressuscité, alors nous communions réellement à son Corps et à son Sang et nous participons déjà à sa vie éternelle.
 
Chers frères et sœurs, les Apôtres et les évêques à leur suite, ont été appelés uniquement pour témoigner de l’Évangile, c’est-à-dire de la résurrection de Jésus, du don de sa vie éternelle, qui est inséparable de sa miséricorde, le don d’une vie nouvelle. Nous pouvons – et même nous devons – les transmettre nous aussi, à notre mesure, en vertu de notre baptême, puisque nous sommes animés par la foi en Jésus et que nous voulons parler et agir en son nom. 

lundi 21 avril 2025

20 avril 2024 - VALAY - Messe du Jour de Pâques - Année C

Ac 10,34a.37-43 ; Ps 117 ; 1Co 3,1-4 ; Jn 20,1-9
 
Chers frères et sœurs,
 
La résurrection, personne ne s’y attendait. Certainement pas les grands prêtres : vous savez bien que les saducéens ne croyaient pas à la résurrection des morts. Certainement pas non plus les romains ni les grecs présents à Jérusalem. Lorsque saint Paul évoquera ce sujet à Athènes, il ne s’y attirera que des moqueries. Et nous apprenons, dans l’évangile de saint Jean que les disciples non plus ne s’y attendaient pas : « en effet, les disciples n’avaient pas compris que, selon l’Écriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts ». Au bout du compte personne ne s’attendait à la résurrection de Jésus : c’est une surprise totale. Et l’on comprend que plusieurs demeurent incrédules.
 
Saint Jean, l’évangéliste qui donne le plus de détails historiques authentiques, est le premier à comprendre ce qu’il se passe. Pour lui, il lui suffit de voir le linge « posé à plat » sur la table du tombeau où reposait Jésus. Cela l’a tellement frappé, qu’il reviendra par trois fois, dans le passage que nous avons lu, sur le fait que ce linge était « posé à plat ». Comme si le corps de Jésus s’était évanoui, et que le linge était retombé comme un soufflé. Que voulez-vous, chers frères et sœurs, il y a des détails qui ne s’inventent pas. Et quand saint Jean s’est retrouvé face à cette situation, il a compris immédiatement qu’il était arrivé au corps de Jésus quelque chose d’extraordinaire.
 
Nous avons du mal à imaginer ce qu’est la résurrection, surtout la résurrection d’un corps. On peut encore comprendre qu’une âme ressuscite, mais un corps ! Et pourtant c’est bien ce qui est arrivé à Jésus et à son corps de chair. Il est entièrement ressuscité. Ce que nous n’arrivons pas à comprendre, c’est qu’il s’agit d’une nouvelle étape dans la création de Dieu, quelque chose d’entièrement nouveau qui concerne l’âme, l’esprit et le corps. D’ailleurs, lors de ses apparitions Jésus a pu passer à travers une porte, tout en étant capable de manger du poisson. Son corps a reçu des facultés pour nous inimaginables, qui sont de l’ordre d’un univers nouveau, inconnu jusqu’à présent, que pourtant Jésus a essayé de nous expliquer, quand il parlait de son Royaume.
 
Ce qu’il y a au tombeau de Jésus, cependant, dépasse l’entendement de saint Pierre. Devant les linges « posés à plat », il reste parfaitement incrédule, quoique troublé. Il ne comprend pas ce qu’il s’est passé, et il lui faudra attendre que Jésus vivant se manifeste devant lui, dans sa chair de ressuscité. Cela est vrai de saint Thomas aussi, vous le savez bien. Aucun Apôtre – et encore moins saint Paul – n’a cru à la résurrection lorsqu’elle leur fut annoncée. Mais il a fallu que Jésus lui-même vienne à leur rencontre pour qu’ils aient la foi.
 
Et nous alors ? Nous sommes comme le centurion de Césarée. Nous écoutons, grâce aux évangiles, le témoignage de saint Pierre, de saint Jean, mais aussi de saint Matthieu et de saint Paul, dans ses lettres. Et le centurion croit parce qu’il croit au témoignage de Pierre. Lui ne bénéficie pas d’une vision de Jésus ressuscité, mais il a la vision de Pierre, qui lui raconte ce qu’il a vécu, ce qu’il a entendu et ce qu’il a vu. Et cela lui suffit.
Cela est également vrai pour nous, bien que nous nous soyons bien trop habitués au témoignage des évangiles et à la présence d’un évêque, successeur des Apôtres. Et pourtant ces évangiles qui remontent aux premiers temps de l’Église, comme ces évêques, dont la bénédiction remonte de mains en mains jusqu’aux Apôtres, ce sont des témoignages exceptionnels si l’on veut bien y prêter attention. Nous n’avons pas la vision de l’explosion que représente la résurrection de Jésus, mais nous en avons le souffle et le bruit. Quand on ressent le souffle d’une explosion et qu’on en entend la détonation, on en déduit évidemment qu’il y a eu une explosion, n’est-ce pas ? Alors, en ayant les évangiles et les évêques, nous ne croyons pas à la résurrection de Jésus ? Le centurion n’est pas si compliqué, et pourtant il n’est pas plus stupide que nous : il a écouté attentivement le témoignage de saint Pierre et il a cru que Jésus était vivant.
 
Que le Seigneur nous fasse donc la grâce d’éclairer notre esprit, pour qu’en lisant les évangiles et en considérant attentivement ce qu’est un évêque, nous comprenions toujours plus ce que la résurrection de Jésus signifie concrètement : l’accès pour nous, pauvres pécheurs, à l’univers nouveau du Royaume de Dieu. Cela est déjà vrai aujourd’hui, par les sacrements, et demain, au jour où Jésus nous relèvera, à notre tour, d’entre les morts, pour entrer entièrement, esprit, âme et corps, dans sa joie, sa paix et sa lumière.
 


19 avril 2025 - GY - Vigile Pascale - Année C

Gn 1,1-2,2 ; Ps 103 ; Ex 14,15-15-1a ; Ct Ex 15 ; Is 54,5-14 ; Ps 29 ; Rm 6,3b-11 ; Ps 117 ; Lc 24,1-12
 
Chers frères et sœurs,
 
Que faisons-nous ici, ce soir, dans cette église ? Nous célébrons en même temps la plus grande fête juive et la plus grande fête chrétienne : Pâques. Pâques, libération d’Égypte et constitution d’Israël ; Pâques, résurrection de Jésus d’entre les morts et naissance de l’Église.
Pâques est une création nouvelle dans l’univers. Création tellement éblouissante, tellement bouleversante, tellement intelligente, tellement bonne et tellement réelle, qu’on en reste aveuglés, sans voix, tremblants, et même prosternés.
Et comme nous n’avons pas les mots pour dire cette création nouvelle, il ne nous reste que le chant, la poésie, les gestes, nos cinq sens : ce qu’on voit, ce qu’on entend, ce qu’on sent, ce qu’on touche, et ce qu’on goûte. Dans le langage savant, tout cela s’appelle « la liturgie » : la célébration de Pâques, avec toujours le même rituel, les mêmes chants, les mêmes bougies, les mêmes fleurs, le même encens, les mêmes prières, les mêmes vêtements blancs, tout quoi. Tout cela pour dire avec des mots et sans mots cette création nouvelle de Dieu dans l’univers.
 
Sans le savoir, et même sans le faire exprès, simplement parce que nous sommes ici, nous conservons dans tout l’univers la mémoire de cette création de Dieu : la création du premier jour, la création du Peuple de Dieu à la sortie d’Égypte, la création de l’homme nouveau ressuscité des morts, au matin de Pâques, la création de l’Église qui est déjà la communion des saints, avec un pied sur la terre et un pied dans le ciel.
À partir de cette liturgie de Pâques, mémoire de l’action créatrice de Dieu dans l’univers, on peut réfléchir, faire de la théologie, écrire des sermons... Mais jamais notre intelligence n’arrivera à tout dire de ce que dit la liturgie, qui elle-même n’arrive pas à tout dire du grand mystère de la vie créatrice de Dieu.
Cependant, la connaissance de ce mystère nous fait nous réunir, nous qui le partageons comme un trésor précieux, et nous fait agir, nous qui pensons qu’il est un appel à une vie meilleure, une vie plus intense, une vie plus belle. Alors nous nous rassemblons en Église, que nous organisons pour vivre et pour transmettre aux enfants ce trésor précieux. Nous créons des diocèses, des paroisses, des équipes pastorales et des catéchistes.
Nous organisons aussi notre vie quotidienne par le calendrier liturgique : Pâques en premier, bien sûr, mais aussi le Carême et le Temps pascal, Noël et l’Avent. Et puis tous les dimanches, qui sont des petites Pâques, des petits cailloux sur le chemin, pour nous rappeler Pâques hier et nous préparer à Pâques demain. De même, chaque messe, chaque office du matin, du midi, du soir, nos prières au lever et au coucher, sont autant de petites lumières qui nous rappellent chaque jour, et presque à chaque heure du jour, la grande lumière de Pâques, la grande lumière du mystère de Pâques, la grande lumière du grand mystère de la vie créatrice de Dieu.
 
Alors, évidemment, quand on pense l’univers, la société, sa famille, et sa propre vie – y compris sa vie quotidienne – à la lumière de ce grand mystère de la vie de Dieu, on pense différemment de ceux qui ne le connaissent pas : on n’est pas câblé pareil. Du coup, on agit différemment et on vit différemment. Déjà, ce soir, nous ne sommes pas devant la télé, ni dans une boîte de nuit, ni en train de jouer à un jeu vidéo... Car nous sommes là pour nous remplir les yeux et le cœur, l’intelligence et la mémoire, du grand mystère de Pâques, pour vivre mieux, pour vivre heureux, pour devenir des saints.
C’est dire que le grand mystère de la vie créatrice de Dieu, non seulement est à l’origine de l’univers, puis d’une transformation de cet univers, pour que notre vie humaine y soit rendue éternelle et sainte. Mais ce mystère est aussi à l’origine du Peuple de Dieu – du Peuple d’Israël et de l’Église du ciel et de la terre – aujourd’hui civilisation particulière, et demain communion de vie. Tout cela est dans la liturgie de Pâques, où tout semble fait pour des enfants ! En effet, parce que c’est le germe de tout ce qui est beau, tout ce qui est bon, de tout ce qui est vrai, tout ce qui est réellement vivant, dans tout l’univers.
 
Si jamais un jour les Juifs s’arrêtaient de fêter Pâques, et plus encore si les Chrétiens s’arrêtaient de fêter Pâques, la lumière de Dieu s’éteindrait pour tous les hommes dans tout l’univers : plus rien. On reviendrait à la Guerre du feu, sans lumière pour les yeux et sans espérance pour le cœur.
Mais non, nous sommes ici, ensemble, autour de la lumière de Pâques ; et comme nos ancêtres, comme les premiers chrétiens, comme les Juifs avec eux et avant eux, nous célébrons Pâques.
Pâques, lumière du premier jour de la création et gloire du Dieu Vivant ; Pâques, colonne de feu dans la nuit pour guider les Hébreux et lumière du grand chandelier du Temple, marquant la Présence toujours fidèle du Seigneur à son peuple ; Pâques, pointe de l’Aurore de la Résurrection et premier Jour de la vie éternelle ; Pâques, lumière éblouissante des anges et joie des chrétiens ; Pâques, lumière du cierge de notre baptême et de nos vêtements blancs ; Pâques, pierres précieuses de la Jérusalem céleste et couronne royale de la Bienheureuse Vierge Marie. 
Pâques, l’écrin de nos mains ouvertes, pour recevoir ce soir encore, la Vie éternelle du Bon Dieu.
Bonne fête de Pâques !

samedi 19 avril 2025

18 avril 2025 - GY - Vendredi Saint - Célébration de la Passion du Seigneur - Année C

Is 52,13-53,12 ; Ps 30 ; He 4,14-16 ; 5,7-9 ; Jn 18,1-19,42
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi lisons-nous chaque année la Passion de Jésus ? Parce que dans l’Église, la liturgie a pour fonction de nous faire vivre les événements de sa vie, comme si nous y étions. C’est le travail de l’Esprit Saint que de supprimer l’espace et le temps, pour que tous les hommes puissent participer à la vie de Jésus. Ainsi, l’Esprit Saint a mis dans la bouche du prophète Isaïe ce que nous avons entendu en première lecture. N’est-ce pas qu’on dirait qu’Isaïe était présent à la Passion de Jésus ? Et pourtant il a vécu 750 ans avant lui ! Et le psalmiste ? L’Esprit Saint lui a inspiré un psaume qui a certainement été dit par Jésus en sa Passion : « En toi, Seigneur, j’ai mon refuge ; garde-moi d’être humilié pour toujours. En tes mains je remets mon esprit ; tu me rachètes, Seigneur, Dieu de vérité. » Et pourtant ce psaume a été écrit 500 ans avant Jésus. Aujourd’hui, l’Esprit Saint nous les fait entendre, en même temps que la Passion de Jésus, pour que nous aussi, 2000 ans après, nous y participions.
 
Si nous sommes présents lors de la Passion, quel personnage sommes-nous ? Jésus, Pierre ou un autre apôtre, Pilate, Caïphe, un soldat, quelqu’un dans la foule, Marie, Marie-Madeleine, Nicodème… ? Ou encore Dieu le Père, lui-même, qui assiste comme impuissant à la mort de son Fils unique, son fils bien-aimé ? En prenant le temps de méditer la Passion de Jésus, nous pouvons chacun nous identifier à l’un ou l’autre personnage, ou même plusieurs, en fonction des différents événements de nos vies. Et on s’aperçoit que la Passion parle aussi de notre propre vie. Je voudrais jeter un bref regard sur Pilate et Caïphe, puis sur Nicodème et Marie, femme de Clophas.
 
Pilate est un homme qui n’a pas de racines en Dieu. Il ne sait pas ce qu’est la Vérité. Il ne croit à rien, même pas à la justice puisqu’il est prêt à condamner à mort un innocent. La seule chose qui le guide est la peur de perdre le pouvoir que lui a délégué l’Empereur romain. On sent que Pilate lutte en lui-même : car il sait que sa conscience le condamne. Mais la peur le conduit à tuer sa conscience comme elle le conduit à tuer Jésus. Combien d’hommes aujourd’hui ressemblent à Pilate ? Il y en a tant qui ont abdiqué leur conscience, pour s’aplatir devant un pouvoir sans vraie justice, et qui finalement en viennent à voter la mort des innocents ?
Caïphe est tout le contraire de Pilate. En tant que Grand prêtre d’Israël, il n’y a pas plus croyant en Dieu que lui. Il baigne dans la Loi de Moïse et les Prophètes depuis son enfance. Sa vie est guidée à la moindre seconde par les observances de la Loi. Mais il ne reconnaît pas Jésus : il ne veut pas le voir. Car Jésus représente pour lui un danger, jusqu’à en vouloir sa mort. Et il en vient à renier l’obéissance qu’il doit à Dieu seul, pour s’inféoder lamentablement à l’Empereur de Rome : « Nous n’avons pas d’autre roi que l’empereur » dit-il. Pourquoi Caïphe en est-il arrivé là ? Lui aussi a peur. Peur que confesser sa foi en Jésus ne lui fasse perdre sa bonne place, voire sa vie. Peur aussi que les Romains détruisent à nouveau Jérusalem, comme au temps de l’Exil à Babylone. Combien de baptisés aujourd’hui ressemblent à Caïphe ? Il y en a tant qui détournent leur regard de Jésus, qui ferment leur oreille à son appel, pour conserver une vie tranquille, un environnement sécurisé, mais qui en réalité étouffent la voix de l’Esprit Saint dans leur cœur ?
Avez-vous remarqué, chers frères et sœurs que dans les deux cas, il y en a un dont l’ombre s’étend à Jérusalem sans qu’il y soit lui-même présent ? Et qui est déterminant dans l’attitude de Pilate et de Caïphe ? C’est l’Empereur de Rome. L’Empereur qui étend son pouvoir jusqu’à Jérusalem, simplement par la peur ! C’est ainsi que domine le Diable dans le monde. Par la peur, il détourne les consciences des hommes et les âmes de Dieu. Pilate est sans doute excusable : il n’a pas la foi. Mais Caïphe ! Voilà que l’ange adorateur de Dieu s’est transformé en démon adorateur du monde ! Quel drame ! Quelle tristesse !
 
Tournons-nous maintenant vers Nicodème et Marie, femme de Cléophas.
Nicodème était un personnage très riche et par là très influent à Jérusalem. Tout le monde savait qu’il n’était pas insensible à l’Évangile. Mais il n’est pas toujours très bon d’être religieusement radical quand on est un personnage public, qui fait des affaires : il faut être bien avec tout le monde... Il était donc resté publiquement sur la réserve. Mais en secret, Nicodème est très ferme : il a la foi. Et c’est une foi qui agit. Et au moment où il pouvait agir, où il devait agir, il a agi. C’est lui qui a financé le linceul de lin fin et les aromates pour l’ensevelissement de Jésus. Un ensevelissement de roi. Combien d’hommes, dans le secret de leur cœur, sont-ils attachés fermement à Jésus. Et quand l’occasion se présente, quand l’appel de Dieu retentit dans leur conscience, répondent immédiatement : « me voici ! » et agissent en conséquence.
Je termine par Marie, femme de Cléophas. Personne ne la connaît à Jérusalem : elle est une inconnue. Elle est comme on dit « une sainte femme ». Elle ne dit rien. Elle n’agit pas. Mais elle est simplement là, au pied de la croix, avec Marie mère de Jésus, Marie-Madeleine et saint Jean. Mystère des saintes femmes qui passent sous les radars de l’Histoire, mais aussi sous les radars de la peur des puissants. Elles ne craignent rien, elles n’ont peur de rien, même pas du démon. Parce qu’elles ont la foi. Comme des petites bougies allumées dans les églises, filles d’Espérance, près de Jésus, elles sont toujours là.
 
Chers frères et sœurs. Et nous ? Qui sommes-nous en la Passion de Jésus ?  

vendredi 18 avril 2025

17 avril 2025 - GY - Jeudi Saint - Messe en mémoire de la Cène du Seigneur - Année C

Ex 12,1-8.11-14 ; Ps 115 ; 1Co 11,23-26 ; Jn 13, 1-15
 
Chers frères et sœurs,
 
Comme les autres apôtres, Pierre était monté à Jérusalem avec Jésus, pour y célébrer la Pâque. La Pâque est cette grande fête des Juifs, où l’on fait mémoire de la libération du peuple de Dieu retenu en esclavage par le Pharaon d’Égypte. Le rituel de cette mémoire est le sacrifice de l’agneau pascal et sa consommation lors d’un repas. À l’époque de Jésus, lorsqu’on habitait en Israël, on montait au Temple de Jérusalem, où étaient sacrifiés les agneaux, le jour de la Pâque, à l’heure de midi. Pour pouvoir accéder au Temple, il fallait se purifier entièrement, c’est-à-dire prendre un bain. Comme il y avait beaucoup de monde, les pèlerins prenaient leur bain quelques jours avant Pâques et, le jour-même, ils se lavaient simplement les pieds pour pouvoir entrer dans le Temple. Telle était donc l’ambiance générale dans laquelle Pierre comprenait les événements.
 
C’est ainsi que, voyant Jésus retirer son vêtement, puis se mettre à laver les pieds de ses disciples, Pierre a compris que Jésus s’abaissait au rang d’esclave et, bien sûr, il ne pouvait pas l’accepter. Est-ce qu’il n’avait pas l’habitude de l’appeler « Maître et Seigneur » ? – ce qui convient à un prince de sang royal. D’ailleurs, Jésus ne le conteste pas : « Vraiment, je le suis », dit Jésus. Vous savez que « Je suis » est la révélation du Nom de Dieu, faite à Moïse au Mont Sinaï. Il y a là un point de bascule pour la compréhension du geste de Jésus. Jusqu’à présent Pierre voyait en lui le Messie d’Israël, qui allait libérer le peuple de la tutelle des Romains, est c’est pourquoi il ne comprenait pas que – tout à coup – son roi, s’abaissant comme un esclave, veuille lui laver les pieds. Mais Jésus lui répond que celui qui se fait esclave pour lui, ce n’est pas son roi… c’est son Dieu ! Du coup, le geste du lavement des pieds prend encore une tout autre dimension.
 
Jésus donne son enseignement de manière prophétique, c’est-à-dire par des gestes et des paroles. Tous les détails comptent, et les mots dans l’évangile, ont un sens précis. Par exemple, nous lisons ceci : « [Jésus] se lève de table, dépose son vêtement et prend un linge qu’il se noue à la ceinture, puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. »
D’abord, précisons qu’à l’époque de Jésus, à Jérusalem, on ne prend pas son repas assis sur une chaise autour d’une table, mais semi-couché sur des coussins comme les Romains dans Astérix. C’est pourquoi Jésus peut facilement laver les pieds des convives. Mais voyons ce qui suit : « il dépose son vêtement. » On retrouve cette expression un peu avant dans l’évangile quand il est écrit : « il dépose sa vie », « il donne sa vie ». Puis Jésus « prend un linge »… mais ce n’est pas une serviette ; en syriaque, c’est un « drap de lin fin », qui sert à confectionner les vêtements des prêtres ou les linceuls. Jésus le noue « à ses reins » – les reins pour un hébreu, c’est là où réside la vie. Puis Jésus verse de l’eau « dans un bassin ». Là encore, il ne s’agit pas d’une cuvette en plastique… Le mot employé désigne les bassins d’ablution en bronze qui se trouvent dans le Temple pour purifier Aaron et ses fils, les prêtres, au cours du rituel des sacrifices. Enfin, Jésus « essuie » les pieds des disciples avec le linge attaché à ses reins – Jean insiste, il évoque les reins une seconde fois. En grec, nous avons bien le verbe « essuyer », mais en syriaque, c’est le verbe « orner » : Jésus « embellit » les pieds de ses disciples, il les « brique » comme de l’argenterie !
Vous avez bien saisi, chers frères et sœurs, que le lavement des pieds a donc une signification assez mystérieuse, que l’on peut comprendre ainsi : Jésus, qui est Dieu, a revêtu le vêtement de l’humanité en se faisant homme. Lors de la Pâque, il quitte ce vêtement : il meurt sur la croix. Puis il se revêt du drap de lin fin : c’est en même temps son linceul, mais c’est aussi son habit de prêtre. De fait Jésus est en même temps le grand prêtre qui offre le sacrifice pour le pardon des péchés, et aussi le sacrifice lui-même : il est le véritable Agneau de Pâques. Avec ce sacrifice qui donne la vie – celle qui vient de ses reins – c’est-à-dire l’Esprit Saint – il lave les pieds de ses disciples dont il fait des prêtres comme Aaron et ses fils. Alors seulement ceux-ci peuvent avoir « part » avec lui. Là encore, « avoir part » avec Jésus renvoie à la promesse faite aux fils de la tribu de Lévi, les prêtres, d’« avoir part » directement avec Dieu, puisque contrairement aux autres tribus d’Israël, ils n’ont pas de territoire en Terre Promise. Les Apôtres sont donc établis comme prêtres, dont la « part » est de partager le sacerdoce et le sacrifice de Jésus, son repas pascal, son Eucharistie.
 
Trois leçons pour finir : premièrement, ce lavement des pieds est à la fois un baptême et une ordination. Baptisés dans la mort et la résurrection de Jésus, ayant reçu le don de l’Esprit Saint, les Apôtres sont faits prêtres à l’image de Jésus pour participer avec lui à son Eucharistie. On ne peut pas communier, si d’abord on n’est pas baptisé et si on n’a pas reçu l’Esprit Saint.
Deuxièmement, Jésus a dévoilé le secret du sacerdoce : c’est un sacrifice du prêtre lui-même, qui quitte son vêtement d’humanité pour se revêtir du drap de lin fin, et qui l’ayant attaché à ses reins peut communiquer la vie. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Telle est la vocation du prêtre. Vous me direz : pour le mariage c’est pareil, puisque les époux, pour exprimer leur amour, se donnent mutuellement l’un à l’autre. C’est tout à fait exact. Le secret du mariage, c’est le sacerdoce. Et le secret du sacerdoce, c’est le mariage. L’un ne va pas sans l’autre.
Et pour finir, vous aurez compris, chers frères et sœurs, que ce sacerdoce d’amour qui trouve son accomplissement dans l’Eucharistie, est la part divine réservée aux baptisés. Mais on est toujours prêtre pour un peuple : le peuple de l’évêque, ce sont les habitants du diocèse ; le peuple du curé, ce sont les habitants de la paroisse. Et le peuple de chaque baptisé ? C’est sa famille, ses amis, ses collègues, son village. Notre vocation baptismale et sacerdotale, chers frères et sœurs, est de donner notre vie par amour pour notre prochain, afin que lui aussi puisse avoir part à la résurrection et à la vie de Jésus, pour l’éternité.

dimanche 13 avril 2025

13 avril 2025 - MEMBREY - Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur - Année C

Lc 19, 28-40
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous avons lu que Jésus, assis sur un ânon, est monté à Jérusalem sous les acclamations. Mais qu’est-ce que cela veut dire ?
 
D’abord, en reproduisant avec ses disciples le rite d’intronisation des rois d’Israël, Jésus a voulu annoncer qu’il venait à Jérusalem en roi, pour y prendre possession de son trône. C’est la raison pour laquelle certains veulent les arrêter : ils ont peur d’une réaction violente des romains. Jésus leur répond : « Si eux se taisent, les pierres crieront. » On ne peut pas faire taire la Parole de Dieu.
 
Mais Jésus ne voulait pas prendre le pouvoir. À travers son geste prophétique, il voulait dire qu’il allait bientôt entrer en roi dans la Jérusalem céleste, pour venir s’asseoir sur son trône, à la droite du Père. Dans cette prophétie, les disciples représentent les anges qui s’étonnent et se réjouissent du retour de l’homme dans le ciel ; et les pharisiens représentent les démons qui s’étranglent devant leur échec à garder les hommes sous leur domination. Car Jésus est le sauveur des hommes pécheurs.
 
Aujourd’hui, par la liturgie qui annule l’espace et le temps, nous nous trouvons dans le passé à Jérusalem avec Jésus et ses disciples, et avec eux nous acclamons notre roi, celui qui nous sauve du péché et de la mort. Et nous nous trouvons aussi dans l’éternité, parmi les anges qui acclament sa venue dans le ciel. Car l’Église, c’est déjà le ciel sur la terre. Bien que nous soyons mortels et pécheurs de bien des manières, par notre baptême dans la mort et la résurrection de Jésus, nous sommes déjà vivants et pardonnés, avec tous les saints du ciel.
 
Aujourd’hui, avec Jésus qui monte vers le Père, qui est à notre tête et dont nous sommes le corps, montons nous aussi de la terre au ciel, vers le sanctuaire de la gloire de Dieu. Avec tous les saints et tous les anges, acclamons avec joie Jésus, notre roi, notre sauveur et notre Dieu !
 
 
 
Is 50, 4-7 ; Ps 21 ; Ph 2 6-11 ; Lc 22, 14 – 23, 56
 
Chers frères et sœurs,
 
Pourquoi fêtons-nous le dimanche des Rameaux tous les ans ? Et pourquoi lisons-nous chaque année la Passion de Jésus ? C’est pour que nous n’oubliions pas, pour que les enfants apprennent et n’oublient pas. Et que les enfants de ces enfants apprennent à leur tour et n’oublient pas non plus. Que tous apprennent la Passion de Jésus et ne l’oublient pas tout au long de leur vie, et tant que durera l’humanité. La liturgie sert en partie à cela : on répète toujours la même chose pour ne pas oublier.
 
Mais que devons-nous savoir ? Que ne devons-nous pas oublier ? Nous devons savoir que nous les hommes, nous sommes bien imparfaits, pécheurs et mortels. Nous sommes enfermés dans des vies limitées, comme dans une prison. Or Dieu qui est notre créateur, qui est la vie éternelle et l’amour infini, a voulu nous libérer. C’est la raison pour laquelle il s’est fait homme, comme nous. Car nous ne pouvons pas être sauvés si Dieu ne se fait pas comme nous. C’est la fête de Noël.
Après être descendu, il est remonté. Mais pas seulement en tant que Dieu ; il est monté aussi en tant qu’homme. Et c’est ainsi qu’il nous a libérés et nous a sauvés : par sa mort et sa résurrection, il nous a ouvert le chemin de la vie éternelle et, par son sacrifice sur la croix pour le pardon de nos péchés, il nous a accordé son pardon, pour que nous retrouvions la maison, que nous vivions éternellement dans son amour avec ceux que nous aimons. Telle est la gloire de Dieu. C’est la fête de Pâques.
 
Aujourd’hui, nous apprenons et nous nous souvenons que Jésus, avant d’accomplir cette Pâque lui-même, a enseigné à ses disciples – dont nous sommes – par quel chemin il allait passer : il allait monter au ciel en roi, acclamé par les anges, et nous avec lui, à notre résurrection. Ne vous y trompez pas, frères et sœurs, si nous lisons la Passion de Jésus, c’est que malgré les apparences de la déchéance de Jésus en Croix, insulté par la foule, en réalité, il s’agit de sa glorification au ciel, acclamé par les anges. Souvenons-nous des Béatitudes : si sur terre nous-mêmes, nous sommes moqués, insultés, frappés, ou martyrisés par des impies en raison de notre foi en Jésus, alors nous serons honorés, consolés, réconfortés et glorifiés par les anges. Et nous serons bienheureux.
 
Déjà nous nous réjouissons d’être comptés parmi les anges et tous les saints du ciel. C’est la raison pour laquelle nous participons maintenant au repas des noces de l’Agneau, Jésus, le Christ, notre Seigneur. Amen.

lundi 7 avril 2025

06 avril 2025 - PESMES - 5ème dimanche de carême - Année C

Is 43, 16-21 ; Ps 125 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Le passage de l’évangile que nous venons d’entendre a une histoire compliquée. Nous le lisons dans l’évangile de Jean, alors qu’il y a peu de doutes qu’il se trouvait originellement dans celui de Luc. On y retrouve en effet beaucoup des expressions de ce dernier, que n’emploie pas Jean. En soit, cela a peu d’importance, mais en fait, c’est presque une clé de lecture. Je vais essayer d’ouvrir la porte pour vous.
 
Les lectures de ce jour ont été choisies pour nous inciter à interpréter l’Évangile, et donc le jugement de Jésus, comme une dévalorisation de la Loi de Moïse pour magnifier la « Loi nouvelle » de l’Évangile : celle de la miséricorde. Ainsi nous lisons en Isaïe : « Voici que je fais toute chose nouvelle » et en saint Paul : « non pas de la justice venant de la Loi de Moïse, mais de celle qui vient de la foi au Christ. » Certes, Jésus apporte du nouveau, mais certainement pas en invalidant la Loi de Moïse, dont il est lui-même le Maître. Car, dans notre cas, c’est bien par la Loi de Moïse qu’il va sauver la femme pécheresse. D’ailleurs, à la fin, personne chez les Juifs, qu’ils soient prêtres, scribes ou pharisiens, ne va s’opposer à son jugement. Comment a-t-il donc fait ?
 
Commençons par l’exposé du problème, en deux points. L’Évangile est très précis. Premier point : la femme adultère est présentée à Jésus, qui se trouve dans le Temple. Le cadre général est donc celui de la « loi de la jalousie » qui se trouve au livre des Nombres, où l’on fait subir à une femme soupçonnée d’adultère une ordalie. La femme doit être présentée au prêtre qui se trouve dans le Temple, lequel mélange de la poussière du sol du Temple avec de l’eau sainte pour en faire de l’eau amère. Il inscrit ensuite sur un papier la sentence de la condamnation, puis il le lave avec l’eau amère, et fait boire cette eau, chargée de la sentence, à la femme. Si elle dépérit, elle est coupable ; si elle reste en bonne santé, elle est innocente.
On voit tout de suite que les scribes et les pharisiens qui ont amené la femme adultère à Jésus lui posent un problème ambigu, car si ils avaient respecté la loi du Lévitique sur les femmes adultères, cette la femme de l’évangile aurait été mise à mort immédiatement, sans qu’on ait recours à la loi de la jalousie. Si donc s’ils s’engagent dans cette procédure, c’est qu’ils ont un doute. Sur le fond, ils ne cherchent pas à mettre à mort cette femme, mais ils veulent éprouver Jésus. C’est le véritable objectif.
Et ils vont être, en effet, particulièrement abjects avec lui. Car, précisent-ils : « Moïse nous a ordonné de lapider ces femmes-là. » C’est le second point. Ces « femmes-là », ce ne sont pas toutes les femmes adultères, mais très expressément les jeunes filles ou femmes vierges. Il n’y a que pour ces « femmes-là » que la mise à mort doit se faire par lapidation. Vous avez bien compris l’insulte et le piège qui a été tendu à Jésus : selon la Loi, il doit condamner lui-même une jeune fille vierge dont on soupçonne qu’elle a commis un adultère. Et comme celui-ci est avéré, la sentence est théoriquement mécanique. Voilà pour le piège. Or, tout le monde à Jérusalem a compris que le cas de la pauvre femme qui se trouve devant Jésus correspond parfaitement aux ragots colportés partout de la naissance de Jésus d’une jeune fille vierge promise en mariage à un homme du nom de Joseph, dont elle a eu un enfant avant qu’ils aient habité ensemble… donc forcément, selon eux, par adultère. Voilà pour l’insulte.
Jésus va-t-il condamner sa mère ? Et par conséquent, va-t-il aussi se condamner lui-même avec elle ?
 
Jésus revient à la loi de la jalousie, et il écrit sur le sol, le sol du Temple. Il prononce la sentence – qui confirme la loi de la mise à mort par lapidation pour adultère d’une jeune fille vierge : « Celui d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. » La femme boit l’eau amère de la parole de Jésus : soit quelqu’un lui jette une pierre et elle est coupable : elle meurt ; soit personne ne lui jette de pierre et elle est jugée innocente : elle vit. Mais Jésus a ajouté : « Celui d’entre vous qui est sans péché… » Par ces mots, il a rendu impraticable la sentence, car aucun homme n’est sans péché. Sur terre, il n’y en a que deux qui sont sans péchés : lui-même, Jésus, et la Vierge Marie, sa mère. Marie condamnerait-elle sa sœur, une femme qui lui ressemble tellement par l’accusation que ces hommes portent contre elle ? Certainement pas. Il reste donc Jésus…
Avez-vous remarqué, chers frères et sœurs, que les scribes et les pharisiens appellent Jésus « maître », et que la femme l’appelle « Seigneur » ? Ils n’ont voulu voir en lui qu’un homme comme eux. Mais elle, elle a vu qu’il était son Dieu. Et c’est pourquoi, ayant confessé sa foi en lui, il ne l’a pas condamnée. Il s’est souvenu de ce que par l’Esprit Saint il avait dit par le prophète Ézéchiel : « Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » C’est pourquoi à la femme, il ajoute : « Moi non plus, je ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus. »
 
Voilà chers frères et sœurs, ce qui s’est passé ce matin-là dans le Temple de Jérusalem, où Dieu a innocenté une jeune fille vierge, accusée de péché par des hommes. Comment, nous autres qui sommes pécheurs de bien des manières, ne nous réjouirions-nous pas de nous savoir un tel juge, si miséricordieux, pourvu que nous ayons foi en lui, et en l’intercession de notre bienheureuse et toute sainte Vierge Marie.

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