Is
22,19-23 ; Ps 137 ; Rm 11,33-36 ; Mt 16,13-20
Chers
frères et sœurs,
Comme
nous le savons, après la mort de Jean-Baptiste, les foules ont voulu faire de
Jésus leur roi en Israël. Et de fait, il est le descendant légitime du roi
David. Mais Jésus a voulu les détromper : il n’a pas d’avenir politique
sur la terre. Au contraire, s’il est roi, c’est plutôt du Royaume des Cieux, en
tant que Fils de Dieu, son Père.
Du
coup, les gens sont un peu perturbés : ils ne savent pas vraiment qui est
Jésus. Jean-Baptiste, Elie, Jérémie, l’un des prophètes… ils identifient bien
qu’il est un homme de Dieu – un homme de Dieu important même – mais cela reste
confus. C’est un peu comme si on faisait un sondage sur Jésus
aujourd’hui : on aura des Jésus révolutionnaires, socio-démocrates, un peu
écolo et LGBT, voire même ayant quelques ressemblances avec Bouddha… Bref un
Jésus qui ressemble à tout ce qui existe sur la terre d’un peu à la mode, mais
qui n’est pas vraiment lui-même, qui nous reste mystérieux, comme il restait
mystérieux pour les foules de Galilée, à l’époque.
Simon-Pierre
prend la parole et répond : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu
vivant ! » Ici, ce n’est pas tant le fait qu’il donne la bonne
réponse qui est important, mais ce qu’en dit Jésus : « Heureux es-tu,
Simon fils de Yonas : ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela,
mais mon Père qui est aux cieux. » Première observation :
connaître Jésus, savoir qui il est, est une Béatitude : « Heureux
es-tu ! » s’exclame Jésus. C’est une grâce. Seconde
observation : la connaissance de Jésus n’est pas une connaissance purement
rationnelle, scientifique, mais elle est une connaissance par illumination,
révélation. C’est d’ailleurs ce qu’explique Jésus : « Ce n’est pas
la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais mon Père qui est aux cieux. »
Voilà donc quel est le mode de la vraie connaissance de Jésus : c’est une
révélation qui vient du Père. Toutes les autres formes de connaissance sont au
pire des projections fausses, des idoles, au mieux des connaissances
partielles.
Jésus,
ayant reconnu en Pierre cette illumination qui lui a donné une vraie
connaissance de son identité, lui annonce que sur lui, Pierre, il bâtira son
Église. L’Église est bâtie sur la foi de Pierre en tant qu’elle est illuminée
par Dieu lui-même. L’Église n’est pas une construction qui a des fondations
humaines, mais des fondations révélées. Ils se trompent donc, ceux qui conçoivent
l’Église comme une assemblée générale, un parti politique, une association
militante ou même une confrérie religieuse adaptable à toutes sortes de
religions. L’Église véritable est au contraire une construction qui vient de
Dieu lui-même, qui est une anticipation sur terre du Royaume des Cieux. Elle ne
ressemble à rien de ce que nous connaissons humainement sur la terre :
elle est un sacrement.
On
arrive ici à une difficulté, qui nous embarrasse : c’est que l’Église
elle-même rencontre donc nécessairement les mêmes incompréhensions et est
confrontée aux mêmes épreuves que celle rencontrées par Jésus lui-même au cours
de sa vie terrestre. Et si ce n’est pas le cas, si l’Église se fait caméléon
selon les revendications à la mode, pour éviter les contradictions, alors elle
n’est plus « de Dieu », mais elle devient « des
hommes » : dès lors, elle n’est plus l’Église du Christ, mais une
imitation dévoyée, qu’un disciple du Christ doit dénoncer sans état d’âme.
Au
bout du compte, qu’est-ce qui est important ?
D’abord
prier sans cesse pour demander à Dieu, notre Père, qu’il nous donne
« notre pain de ce jour », c’est-à-dire sa révélation, son
illumination, pour que jamais son Église ne s’égare ou ne se dénature ici-bas,
mais qu’elle demeure toujours l’Église vivante de Jésus-Christ.
Et
ensuite, justement, s’attacher viscéralement à ce « pain de ce jour » :
l’Eucharistie qui fait l’Église et que l’Église fait en célébrant la messe, en
n’oubliant jamais que la messe, dans l’Église, est toujours et d’abord celle
célébrée par l’Évêque successeur des Apôtres, dont la foi est illuminée par
Dieu comme l’a été celle de Pierre.
Tout
se tient.
Ainsi
Credo, Évêque, Eucharistie et Église ne doivent jamais aller séparément. Il n’y
a que dans une telle Église, révélation et sacrement reçus de Dieu, Église souvent
incomprise par les hommes, que nous sommes certains de pouvoir accéder à la
vraie connaissance de Jésus, et par lui, d’accéder à la Béatitude du Royaume
des cieux.