lundi 14 août 2023

12-13 août 2023 - COURTESOULT - MOTEY-sur-SAÔNE - 19ème dimanche TO - Année A

 1R 19,9a.11-13a ; Ps 84 ; Rm 9,1-5 ; Mt 14,22-33
 
Chers frères et sœurs,
 
Après la mort de Jean-Baptiste, Jésus est allé se retirer dans les ruines où Jean résidait, près de Bethsaïde. À cet endroit, une foule nombreuse est venue le trouver, avec un double sentiment : trouver en lui un nouveau guide spirituel (et politique) après la mort de Jean, et comme il avait été désigné par Jean comme le Messie, porter Jésus au pouvoir : faire de lui le roi d’Israël.
Jésus a bien senti le premier sentiment – il voyait ce peuple comme un troupeau de brebis sans berger. C’est pourquoi il a nourri les foules par son enseignement et par la multiplication des pains. Mais il a bien perçu également le second sentiment, par lequel les foules voulaient faire de lui le roi. Et c’est pourquoi, il ordonne à ses disciples de partir, et lui-même – après avoir congédié les foules – s’échappe seul dans la montagne. Arrive alors l’épisode que nous avons entendu.
 
Si on s’arrête au miracle lui-même de Jésus marchant sur les eaux, et avec l’arrière-fond matérialiste qui est le nôtre, nous risquons d’en arriver à la conclusion de saint Thomas à propos des apparitions : « si je ne le vois pas marcher sur les eaux, non je ne croirais pas ! » Et pourtant, il s’agit exactement du même problème. Car nous devons lire cet évangile en pensant en même temps à la Résurrection de Jésus.
Ainsi, quand Jésus envoie ses Apôtres en bateau sur la mer déchaînée, c’est comparable au temps où les mêmes Apôtres sont réunis au Cénacle, enfermés par peur des Juifs. Pendant ce temps Jésus part seul dans la montagne, comme Jésus, mort sur la croix, échappe à notre vie terrestre et disparaît dans le mystère de Dieu. C’est vers la fin de la nuit que Jésus vient en marchant sur la mer, comme c’est aux premières lueurs de l’aube que Jésus se manifeste ressuscité, piétinant les abîmes de la mort.
La réaction des disciples est la même, que ce soit sur le lac ou au Cénacle : « C’est un fantôme ! », disent-ils. Et Jésus leur répond la même chose : « C’est moi, n’ayez pas peur. » Là où Thomas ne croyait pas et voulait toucher les plaies de Jésus, ici c’est Pierre qui veut faire le test de la réalité : « Seigneur, si c’est bien toi, ordonne-moi de venir avec toi sur les eaux. » Saint Pierre veut faire – déjà ici-bas – l’expérience de la vie future qui est au-delà de la mort. Et Jésus l’appelle : « Viens ! »
Où l’on s’aperçoit que, si Jésus le veut, s’il y appelle, il peut donner à n’importe lequel d’entre nous des facultés qui dépassent les lois naturelles, des facultés qui proviennent directement du monde à venir, du Règne de Dieu. C’est ainsi par exemple qu’il appelle tel ou tel à être évêque, prêtre, et qu’il lui confie la faculté de célébrer et d’administrer les sacrements, qui sont des réalités du monde à venir. Pour certains, ce sont des symboles, pour d’autres des signes, mais pour un chrétien, ce sont des réalités de la vie future qui viennent déjà, par anticipation, illuminer et donner la vie divine en ce vieux monde.
Mais saint Pierre se met à douter : il a peur. Il a peur de la force du vent. Comme Thomas a douté. En fait Pierre se met à mourir : il s’enfonce dans les abîmes de la mer. C’est pourquoi Jésus le prend par la main, comme il avait pris la petite fille de Jaïre par la main et lui avait dit « Talitha qoum » : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu douté ? » Et il le ressuscite. Jésus monte dans la barque – il est présent en elle – et le vent tombe : il se fait une grande paix et les Apôtres adorent Jésus parce qu’il est vraiment le Fils de Dieu. Comme au Cénacle Jésus enseigne ses disciples quarante jours, et après vient le don de l’Esprit Saint, qui leur donne – avec le cœur en paix et malgré toutes les contradictions – la force de proclamer l’Évangile de Jésus-Christ Fils de Dieu par toutes les nations.
 
Chers frères et sœurs, vous l’avez compris, l’épisode de la marche sur les eaux est une répétition générale des apparitions de Jésus ressuscité. Les deux événements s’éclairent et se comprennent l’un par l’autre. Et là je dois donner deux petites précisions de vocabulaire, pour montrer à quelle profondeur cet évangile nous renvoie.
Le texte dit : « Il gravit la montagne à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. » En araméen, « le soir venu » se dit « il y eut un soir », exactement comme dans ce verset de la Genèse : « Dieu appela la lumière “jour”, il appela les ténèbres “nuit”. Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour. » La nuit de la mort et de la résurrection de Jésus, est comparable à la nuit du premier jour de la Création. La résurrection est une création nouvelle, c’est pourquoi les capacités physiques nouvelles de Jésus dépassent les lois de la nature de la vieille création.
Un peu plus loin, nous avons : « Mais, voyant la force du vent, Pierre eut peur et, comme il commençait à enfoncer, il cria : “Seigneur, sauve moi !” » Mais quelle est cette force du vent dont Pierre a eu peur ? En araméen, elle renvoie à deux réalités : la première est la force, la puissance des eaux du Déluge. On comprend que, humainement, Pierre ne pouvait pas lutter. La seconde réalité à laquelle renvoie la force du vent est la dureté, la lourdeur des péchés. Et ils s’agit de ceux de Sodome et de Gomorrhe. Là aussi, humainement, que faire ?
La force du vent dont Pierre a eu peur est donc l’abomination des péchés qui transforment la mer paisible et poissonneuse de ce monde en un abîme de mort. Sauf à remonter vite-fait dans le bateau, qui lui-même résiste difficilement à la tempête, il faut à Pierre, pour se maintenir, le courage de la foi en la présence réelle et toute-puissante de Jésus-Christ, dans le bateau – c’est-à-dire l’Église – et par tout l’univers. Puisque c’est en présence de Jésus – et lui seul – que le vent tomba.

Articles les plus consultés