Is
55,10-11 ; Ps 64 ; Rm 8,18-23 ; Mt 13,1-23
Chers
frères et sœurs,
Si
nous ne voulons pas être comme la foule, écoutant la parabole de Jésus mais
sans la comprendre, il nous faut faire un petit effort d’analyse. Il y a trois
clés pour ouvrir la porte du mystère.
La
première est qu’en araméen et en hébreu il n’y a pas de verbe
« avoir ». On dit : « Ce qui est à lui ». Or Dieu seul
est celui qui est, et qui donne la vie à ce qui existe. Le reste est illusion
et idolâtrie. Cela signifie que Dieu seul possède vraiment tout, et quand un
homme dit qu’il possède quelque chose, en réalité il l’a simplement en gérance.
Sinon, s’il s’en revendique comme seul propriétaire, alors la chose est pour
lui une idole, et au bout du compte, un bien mort.
Ainsi
donc, quand nous lisons : « À celui qui a, on donnera, et il sera
dans l’abondance ; à celui qui n’a pas, on enlèvera même ce qu’il a »,
il faut comprendre : « à celui à qui ont été confié des biens venus de
Dieu – et les gère comme tels – Dieu lui en confiera davantage ; mais à
celui qui ne les reçois pas comme des biens venus de Dieu et ne les gère pas
comme tels, alors, non seulement ces biens sont perdus, mais cet homme se
perdra aussi lui-même. »
Mais
de quels biens s’agit-il ? Voici la seconde clé pour accéder au mystère de
la parabole. Il s’agit de la « Parole » de Dieu, qui est semence de
vie. Dans l’Evangile que nous avons entendu, dans la version araméenne, le mot
« Parole » est mentionné sept fois, et à la fin, Jésus précise qu’il
s’agit de « sa Parole ». Il s’agit de la Parole créatrice de Dieu,
qui contient la vie éternelle. En dehors d’elle, il n’y a pas de vie véritable,
ou une vie illusoire et finalement mortelle.
Dans
sa parabole, Jésus compare sa Parole à la semence qui est semée. Et l’homme est
comparé à la terre qui reçoit la semence. Ce n’est pas dans la terre que se
trouve le principe de vie : il n’y pousse rien tant qu’on n’y sème pas
quelque chose. Mais c’est bien dans la semence que se trouve la vie. Il s’agit
pour nous d’être une bonne terre plutôt qu’un sol pierreux ou envahi de ronces,
pour y recevoir le bien véritable : la Parole de Dieu.
On
arrive à la troisième clé nécessaire pour comprendre la parabole. Justement, il
s’agit du mot « comprendre ». Dans notre version française, nous
lisons « Quand quelqu’un entend la parole du Royaume sans la comprendre,
le Mauvais survient » ; mais en araméen, il y a une petite
variante : « Quiconque entend la Parole du Royaume, et ne la
comprend pas en elle, le Mauvais vient. » « Et ne la
comprend pas – en elle ». L’araméen insiste sur le fait que comprendre
quelque chose, c’est non seulement la prendre, en quelque sorte, mais c’est
aussi être pris par elle. Il y a une forme de communion entre celui qui
comprend et la chose qui est comprise par lui, parce qu’elle est vivante.
Ainsi,
la Parole qui est semée dans le cœur de l’homme, si elle est comprise par lui,
alors celle-ci développe ses racines en lui, et lui développe ses racines en
elle. Alors seulement il peut tenir quand le soleil brûle le sol, et il ne se
laisse pas étouffer par les ronces.
Alors
finalement de quoi parle Jésus dans sa parabole ? Il le dit
lui-même : il parle du Mystère du Royaume des Cieux. Et ce mystère, c’est
sa Parole, la véritable semence de Vie éternelle. Avec lui, par lui et en lui,
cette Parole est accessible aux hommes : elle est semée dans le cœur des
hommes. Or cette Parole, pour être bien reçue, d’une part doit être clairement
comprise comme Parole venant de Dieu, comme un talent reçu à faire fructifier,
dont on n’est pas propriétaire, et d’autre part doit être reçu en communion,
c’est-à-dire comme une vie qui doit se développer en nous, mais aussi comme une
vie dans laquelle nous pouvons et nous devons nous développer nous aussi. C’est
comme un mariage entre la Parole et nous, dans lequel les deux peuvent
communier et s’épanouir mutuellement.
Jésus
a parlé à la foule en parabole – ne lui révélant pas la profondeur de sa Parole
– mais intuitivement la foule a compris que cette parabole était importante et
elle aimait l’entendre. Car le cœur de l’homme aspire secrètement à la Parole
de Dieu. Toute terre espère et attend une semence pour déployer sa capacité, sa
vocation.
Cependant,
à ses disciples Jésus a révélé la profondeur de sa Parole. Ils peuvent s’en
réjouir car ils en ont été trouvés dignes. Oui, mais… quelle responsabilité est
maintenant la leur, puisque Jésus en révélant sa Parole l’a en même temps semée
dans leur cœur ! Et maintenant il revient à chaque disciple de se
comporter comme une bonne terre, pour y faire fructifier la Parole de
Jésus !