2R 4,
8-11.14-16a ; Ps 88 ; Rm 6, 3-4.8-11 ; Mt 10, 37-42
Chers
frères et sœurs,
Lorsque
les Apôtres et les évangélistes ont composé les évangiles, ils l’ont fait avec
précision ; saint Irénée dirait : « avec ordre ».
Justement, avez-vous remarqué que l’extrait d’aujourd’hui est composé comme une
montagne : d’abord la montée, et ensuite la descente ?
D’abord
Jésus évoque l’amour des parents, la vie que l’on a reçu ; puis l’amour
des enfants, la vie que l’on a générée ; puis l’amour de soi-même,
l’orgueil – qui est éprouvé par la croix – et enfin l’amour de sa propre vie
humaine. On voit qu’il y a une forme de gradation, jusqu’au cœur du cœur de
l’homme : sa propre vie.
Ensuite
Jésus évoque l’accueil des Apôtres, qui vaut accueil du Christ et de son Père,
lui-même, puis l’accueil d’un prophète ; ensuite l’accueil d’un
juste ; et enfin l’accueil d’un disciple, avec un simple verre d’eau. Ici
nous descendons plutôt de la montagne : on part de l’accueil de l’Évangile
pour passer aux prophéties, puis par des paroles ou des actes de justice et
enfin un simple geste d’humanité.
Ici
nous pouvons faire deux observations.
La
première est que le plus important est au sommet : le don de sa vie à
cause du Christ et l’accueil de l’Évangile, c’est-à-dire l’accueil du Christ,
se touchent à la pointe. Jésus n’est pas missionné par son Père pour une
question d’éducation humaine de base comme offrir un verre d’eau ou respecter
ses parents, ni de transmissions aux générations suivante d’une morale de vie
juste, ni même de connaissance religieuse sur Dieu jusqu’à s’en gonfler
d’orgueil, mais Jésus a été missionné pour nous donner la vie – sa vie
éternelle, c’est-à-dire l’Esprit Saint. Avec lui, nous avons tout le
reste : la vraie connaissance, la vie juste et une humanité parfaite à
l’égard d’autrui. Qui aime Jésus prioritairement, s’aime vraiment lui-même, et
ses enfants, et ses parents, d’un amour parfait.
La
seconde observation – et je viens déjà de jouer avec – est que l’on peut mettre
en relation les étapes montantes avec les étapes descendantes. Il y a un
rapport entre le soin de sa parenté et le fait d’offrir un verre d’eau à un
disciple – car il s’agit du simple bon sens humain. Il y en a un autre entre le
souci de sa descendance et celui de faire bon accueil à un homme saint :
on voit d’ailleurs que l’accueil du prophète Élisée par la Sunamite et son
mari, produit chez eux une descendance qu’il n’avaient pas pu avoir jusqu’à
présent ; et enfin, il y a un autre rapport entre porter sa croix et accueillir
un prophète porteur de la Parole de Dieu, car la Parole de Dieu est un appel à
la conversion : la mort de l’homme ancien pour susciter un homme nouveau
avec Jésus. Et nous avons déjà parlé du rapport culminant – essentiel – entre
l’offrande de sa vie humaine et l’accueil de la vie qui vient de Dieu.
Vous
voyez que je joue facilement avec les correspondances, et que c’est une mine de
méditation pour la compréhension et l’organisation de notre vie sur différents
plans. Car nous sommes des êtres aussi complexes que des mille-feuilles. Mais
cela a bien été voulu ainsi par Jésus, les Apôtres et les Évangélistes. Car
l’Évangile a d’abord été conçu pour être appris par cœur : en nourrissant
la mémoire et la réflexion, en le ruminant en quelque sorte, il finit par produire
du fruit non seulement dans nos âmes, mais aussi dans nos paroles et nos actes
les plus quotidiens.
C’est
ainsi que l’enseignement de Jésus donné aux Apôtres, que nous suivons depuis
ces derniers dimanches, est un aide-mémoire destiné à leur donner une colonne
vertébrale d’évangélisateurs, susceptible de résister à tous les vents
contraires et jusqu’aux persécutions. C’est dire si l’Évangile est résistant.
En le faisant nôtre, nous recevons nous aussi une capacité de résistance
considérable, tout simplement parce qu’en lui est la Vie même de Dieu que rien,
même la mort, ne peut vaincre. Avec l’Évangile, nous devenons nous-même non
seulement des disciples, ou des justes, ou des prophètes, mais aussi et surtout
des apôtres de Jésus qui vivent de la vie même de Dieu, au point de pouvoir dire,
comme Saint Paul : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ
qui vit en moi ».