Ex
19,2-6a ; Ps 99 ; Rm 5,6-11 ; Mt 9,36-10,8
Chers
frères et sœurs,
Il
y a, dans l’appel des Douze apôtres et leur envoi en mission un rappel de celui
que Dieu fit à Moïse au Mont Sinaï et son envoi en mission.
En
effet, par la libération de l’Égypte et l’alliance qu’il lui a offerte, Dieu a
élu le peuple hébreu comme un peuple particulier parmi tous les peuples de la
terre : peuple fidèle à la Loi, peuple de prêtres, peuple saint, dont
Moïse est le grand prêtre par excellence, intercédant auprès de Dieu et guidant
le peuple dans ses voies, c’est-à-dire jusqu’en Terre promise.
Il
en va de même pour les Apôtres, dans une dimension différente toutefois. Par le
pardon des péchés et le baptême qu’il lui a offert, Dieu a élu l’Église comme
une assemblée particulière parmi toute l’humanité : Église fidèle à
l’Évangile, Église de prêtres, Église sainte dont Jésus est le grand prêtre par
excellence, intercédant auprès de son Père et guidant ce qui est son Corps
jusqu’à la communion des saints. Et dans cette mission de régénération de toute
l’humanité, les Apôtres sont vicaires de Jésus : ils agissent comme lui,
en son nom. Ou plutôt c’est Jésus lui-même qui agit à travers eux.
À
lire les textes attentivement, cependant, il ne semble pas que la mission de
Moïse et celle des Apôtres soit comparable. En effet, pour Moïse, il s’agit d’écouter
la voix du Seigneur, de garder son alliance – c’est-à-dire sa Loi, d’être un
royaume de prêtres, une nation sainte – c’est très sacerdotal. Tandis que pour
les Apôtres, il est question d’expulser les esprits impurs, de guérir les
maladies et les infirmités, de ressusciter les morts… Les Apôtres semblent être
envoyés plus en direction des hommes que de Dieu, pour exercer parmi eux une
activité de type caritative ou humanitaire. Moïse serait-il l’homme du Temple,
tandis que Jésus serait celui d’une ONG… ?
Malheureusement,
une telle lecture impliquerait que Dieu a changé d’avis ou qu’il tient un
double discours à l’égard des hommes. Disons-le immédiatement : ce n’est
pas possible. Au contraire, la volonté de
Dieu est unique et il n’a d’autre but que de rassembler dans son amour, dans sa
communion, toute l’humanité.
Le
peuple hébreu, le peuple élu, est précurseur de cette communion. Car être
fidèle à la voix du Seigneur, garder son alliance, sa Loi, en se donnant à Dieu
dans un acte personnel d’offrande sacerdotale, c’est déjà exercer la sainteté
qui n’est autre que la perfection de l’amour.
Mais
Dieu voit bien qu’en réponse à cet appel extraordinaire, même le peuple élu
peine et s’égare. Victime de son infidélité, de ses trop nombreuses idoles, il
se retrouve infesté d’esprits impurs, malade de toutes sortes de maladies
spirituelles et corporelles, et d’infirmités pour ne pas dire perversités. Car
quand un ange abandonne l’adoration de Dieu, il se transforme en démon. Voilà
donc vers qui Jésus envoie les Apôtres, les brebis perdues de la maison
d’Israël, pour qu’elles reviennent à leur vocation sainte, et se réconcilient
avec Dieu.
Il
n’y a donc aucune différence entre l’objectif de Dieu, de Moïse, de Jésus ou
des Apôtres : il s’agit toujours que les hommes entrent dans la communion
d’amour de Dieu. Le Seigneur Jésus l’a dit : « pas un seul trait
ne disparaîtra de la Loi jusqu’à ce que tout se réalise », car la Loi est
toujours la boussole qui conduit à l’amour de Dieu. Mais à ceux qui se sont
égarés, il montre qu’un nouveau chemin est toujours possible, pour atteindre le
même but. Et non pas seulement une terre promise en ce monde, même merveilleuse
comme une sorte de fraternité universelle, mais la seule Terre promise
véritable, qui n’est autre que la communion des saints.
Pour
finir, on s’aperçoit que Dieu est toujours à l’initiative à l’égard de l’homme :
d’abord par l’alliance d’amour offerte au peuple hébreu par l’intermédiaire de
Moïse, et ensuite par la réconciliation offerte à toute l’humanité en
Jésus-Christ. Comme le dit saint Paul : « La preuve que Dieu nous
aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore
pécheurs. » En effet, Dieu n’attend pas que nous soyons dignes de son
grand amour. Il espère seulement qu’on désirera y répondre favorablement du
mieux qu’on peut, en l’aimant lui, et pour lui, également notre prochain.
C’est
bien pourquoi, tandis que le Corps et le Sang de Jésus – la sainte communion –
nous est présentée, nous disons : « Seigneur, je ne suis pas digne de
te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri. »