Is
40,1-5.9-11 ; Ps 103 ; Ti 2,11-14 ; 3,4-7 ; Lc
3,15-16.21-22
Chers
frères et sœurs,
À
l’époque de Jésus, le peuple d’Israël est en attente d’un Messie qui le sauvera,
non seulement de la tutelle romaine, mais aussi de sa déchéance spirituelle et
morale. On le voit bien : la société est traversée par de puissants
courants religieux restaurateurs : les Esséniens de Qumran qui se sont mis
en retrait de manière sectaire, les Pharisiens qui prônent la conversion
morale ; les Sadducéens sont attachés à la pureté du culte, et les Zélotes des activistes
politiques et violents. Tous attendent, d’une manière ou d’une autre le Messie,
en grec le « Christ », c’est-à-dire celui qui a reçu l’onction du
Seigneur, comme prêtre, prophète et roi. Dans ce contexte, la prédication de
Jean Baptiste d’un baptême de conversion en prévision du Règne de Dieu qui
vient, suscite évidemment un grand intérêt et beaucoup de questions. Et ce
Messie tant attendu, ne serait-il pas le Baptiste lui-même ?
La
réponse de Jean est sans équivoque : il n’est pas le Messie mais il est celui
qui lui prépare le chemin. Il est comme le prophète Elie qui annonce au peuple
la venue imminente du Messie. Il est aussi le prêtre qui par le baptême dans le
Jourdain purifie le peuple de ses péchés et le sanctifie pour l’année sainte du
grand Jubilé où toute justice sera rendue et la paix accordée, notamment par la
venue de ce Messie. Mais Jean-Baptiste est encore le prêtre qui, en baptisant
Jésus – le Seigneur profitant de ce baptême pour en manifester la consécration
– révèle au peuple qui est le Messie attendu. Jean baptisait humainement dans
l’eau, mais l’onction divine a été accordée par Dieu lui-même sous la forme de
la colombe, et confirmée par la voix venant du ciel. Cette capacité sacerdotale
particulière de Jean-Baptiste doit être encore davantage soulignée, car elle
révèle également l’identité et la mission véritable de Jésus.
Nous
le savons, Jésus, de par sa reconnaissance par Joseph était de lignée royale.
Mais, pour prendre possession de sa royauté, il lui fallait être oint par le
Grand prêtre avant de monter en triomphe, assis sur un âne, à Jérusalem. Or,
lors du baptême de Jésus par Jean, lorsque l’Esprit Saint descend sous la forme
de la colombe et vient reposer sur le corps de Jésus, il se passe visiblement
ce qu’il se passe invisiblement lorsque, le Grand Prêtre accomplissant les
rites prescrits, la Présence du Seigneur descend dans son Temple et vient
reposer sur l’Arche d’Alliance. L’humanité de Jésus est ainsi le Temple de sa
divinité. Et cela est rendu visible par le rite baptismal effectué par Jean
comme prêtre. Faut-il donc comprendre que Jean-Baptiste appartenait à une
famille de Grand prêtres légitimes, écartée du sacerdoce par les prêtres
illégitimes – Anne et Caïphe – installés par les Romains ?
La
question a une certaine importance, car il fallait que Jésus soit aussi
lui-même prêtre pour être le Messie. Cette consécration lui est reconnue par
Jean-Baptiste lui-même qui déclare ne pas être digne de délier la courroie de
ses sandales – ce qu’il fallait faire au Grand prêtre pour qu’il puisse entrer
dans le Saint des Saints du Temple afin d’accomplir une fois par an le
sacrifice du Grand Pardon. Justement, cette liturgie du Grand Pardon est
également signifiée à Jésus par la voix du Seigneur lui-même : « Tu
es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie ». Comme Isaac
était le fils chéri d’Abraham, fils unique qui devait être offert en sacrifice,
et qui fut remplacé par un bélier, de même Jésus est le Fils bien aimé du Père,
véritable agneau pascal offert en sacrifice sur la croix pour le véritable
grand pardon des péchés. « Grand prêtre et offrande », nous
retrouvons les deux dénominations attachées à Jésus dans la Lettre aux Hébreux.
Cette lecture qui consiste à voir dans le baptême de Jésus sa consécration
sacerdotale est parfaitement traditionnelle : saint Éphrem affirmait ainsi
sans détour : « Jésus reçut le sacerdoce de la maison de Lévi par la
seconde naissance que lui conférait le baptême du fils d’Aaron » –
c’est-à-dire Jean-Baptiste.
Jésus
oint comme roi et prêtre, par Dieu, au moyen de Jean-Baptiste, il est aussi
oint comme prophète comme cela est visiblement affirmé par la descente sur lui de
la colombe. En réalité, prophète il l’est toujours en tant que Verbe de Dieu,
Parole de Dieu, et parce qu’il ne fait qu’un avec le Père et le Saint-Esprit.
Finalement,
en quoi toutes ces considérations sur le baptême de Jésus nous
intéressent-elles ? Mais tout simplement parce que, lorsque nous sommes
baptisés à notre tour, nous le sommes dans le même Esprit Saint qui fait de
nous des prêtres, des prophètes et des rois en Jésus, comme fils et filles
bien-aimés du Père. Ainsi donc, la mission de Jésus est aussi la nôtre :
rendre grâce à Dieu par l’offrande de nous-même pour le salut du monde ;
annoncer le règne de Dieu qui vient, conformément aux Écritures ; et
accomplir toute justice et toute paix autour de nous, dans l’Esprit Saint.
Telle est la vocation des baptisés à la suite de Jésus, selon ce qui a été
révélé et rendu visible aux hommes il y a plus de 2000 ans sur les bords du
Jourdain.
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