Is
60,1-6 ; Ps 71 ; Ep 3,2-3a.5-6 ; Mt 2,1-12
Chers
frères et sœurs,
Portons
notre regard sur les Mages, pour essayer de comprendre un peu mieux qui ils
sont et quelle est leur mission.
Les
Mages sont venus d’Orient. Bien sûr, on comprend qu’ils viennent des régions de
l’Iran actuel, où se trouve régulièrement le véritable pouvoir politique qui
domine la Judée. Ceci peut en effet inquiéter Hérode et les Grands Prêtres,
dont le pouvoir dépend de la tutelle de Rome. Mais la question n’est pas là.
L’Orient,
pour un Juif, est le lieu où se trouve le Paradis. Ainsi donc, nos Mages sont
semblables à des Anges qui viennent du Paradis pour rendre témoignage à Jésus
qui vient de naître. La référence au Paradis est d’ailleurs suggérée également par
le fait que le roi Hérode « convoque » les Mages en secret,
pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue et pour les
envoyer à Bethléem identifier pour lui – et à des fins malsaines – le lieu où
se trouvait l’enfant. Or, la racine du verbe « convoquer », en
araméen, est semblable à celle du mot « talon ». Souvenez-vous :
c’est le serpent qui, lors de la chute d’Adam et Eve, doit meurtrir la femme au
talon. Saint Matthieu nous montre donc, à travers cette convocation, qu’il y a
en Hérode quelque chose du serpent menteur, qui en veut à mort à la vie divine,
ici à l’enfant Jésus.
À
travers ces deux allusions au Paradis et à la morsure du serpent, nous
comprenons que ce qui se joue profondément, dans la naissance de Jésus, c’est
justement le pardon du péché originel et le retour de l’humanité en Paradis.
Cependant,
concrètement, nos Mages ne sont pas des Anges, mais bien des hommes. Ils n’ont
donc pas la faculté d’aller directement à Jésus. Ils doivent être guidés,
instruits et protégés. Guidés, ils le sont par l’étoile qui les attire et les
conduit. Instruits, ils le sont par les Grands Prêtres, gardiens des Écritures,
où sont indiqués la qualité de Jésus et le lieu de sa naissance. Protégés, ils
le sont par Dieu lui-même, qui les avertit en songe de ne pas retourner auprès
d’Hérode. Ceci est d’une grande importance spirituelle pour nous.
Nous
pouvons avoir été éveillés par une étoile, une expérience spirituelle plus ou
moins extraordinaire, qui a inauguré une connaissance de Dieu et une relation
nouvelle avec lui. Mais cette expérience ne conduit pas de manière certaine à
Jésus tant qu’elle n’est pas éclairée et confirmée par les Écritures, dont les prêtres
– tout indignes qu’ils soient – sont les gardiens. L’expérience de Dieu ayant
été instruite et confirmée par son Église, alors seulement il est possible
d’arriver certainement à Jésus. La grâce de Dieu, ici par le moyen du songe,
prend alors le relais pour nous protéger contre nos errances, qui risquent de
permettre au mauvais d’atteindre à Jésus lui-même.
Tant
que le Mage – c’est-à-dire nous-mêmes – suit la lumière de l’étoile, sur son
chemin confirmé par les Écritures transmises dans l’Église, avec un cœur
sensible aux indications de l’Esprit Saint, alors il trouve Jésus, est en
communion avec lui et, ne le trahissant jamais, devient son serviteur et son
ami.
Dernière
observation pour finir. Il y a dans les trois Mages qui viennent adorer Jésus
avec des présents, quelque chose des trois femmes qui viennent embaumer Jésus
avec des aromates : Marie-Madeleine, Jeanne, et Marie, mère de Jacques,
d’après saint Luc. Les trois présents apportés par les premiers sont de l’or,
de l’encens et de la myrrhe. Pour saint Éphrem, suivant ici l’ordre différent
donné par les vieux manuscrits araméens, se trouvent l’or pour l’humanité
royale de Jésus, la myrrhe pour son embaumement, car il va passer par la mort
de la croix, et l’encens car il est également Dieu, en qui s’accomplit la
résurrection. Mais, dans notre évangile, nous avons un ordre différent :
or, encens et myrrhe. Il faut lire, en grec : « or, oliban et Smyrne »,
que certains ont compris comme les symboles de Jérusalem, Antioche et Smyrne,
c’est-à-dire les trois premières grandes villes de diffusion de la Bonne
Nouvelle et de la rédaction des trois Évangiles de Matthieu, Marc et Luc. Mais
c’est invérifiable dans l’état actuel de nos connaissances. L’interprétation de
saint Éphrem est la plus probable.
Ainsi
donc, chers frères et sœurs, dans cet acte d’adoration de Jésus de la part des
Mages, on comprend que – par son Esprit Saint qui les a guidés, confirmés et
protégés – c’est Dieu le Père lui-même qui a voulu rendre témoignage à son Fils
et lui indiquer sa vocation : il est homme, il va mourir et ressusciter,
et il est Dieu. Par lui, le pouvoir du serpent est vaincu, le pardon des
péchés est accordé, et les portes du Paradis sont ouvertes. Trois hommes sont
venus à la crèche, rendre hommage avec honneur au roi de l’univers, trois
femmes sont venues au tombeau, prendre soin avec amour du premier-né dans le Royaume
des cieux. Bonne fête de l’Épiphanie !