lundi 21 septembre 2020

19-20 septembre 2020 - CUBRY-lès-SOING - DAMPIERRE - 25ème dimanche TO - Année A

Is 55,6-9 ; Ps 144 ; Ph 1,20c-24.27a ; Mt 20,1-16

Chers frères et sœurs,
 
Pour comprendre un évangile, il faut d’abord le replacer dans son contexte. Ici, Jésus vient juste d’être interpellé par le jeune homme riche. Vous connaissez l’histoire : alors que Jésus l’appelle à le suivre, celui-ci renonce, parce qu’il a beaucoup de biens, et il s’en va. Aussitôt Pierre interpelle Jésus : « Nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, alors qu’y aura-t-il pour nous ? » Jésus lui répond en deux temps. D’abord en lui expliquant que les Apôtres auront chacun un trône pour juger les tribus d’Israël, qu’ils recevront au centuple ce qu’ils ont laissé, et qu’ils hériteront de la vie éternelle. Puis il raconte la parabole que nous avons entendue. Il s’agit d’expliquer pourquoi et comment ceux qui sont appelés par Dieu au service de son peuple seront récompensés.
La première chose à saisir dans cette Parabole est qu’à tous ceux qu’il appelle, le Maître – même s’il ne le dit pas – a déjà dans l’idée de donner le même salaire, c’est-à-dire la vie éternelle. Le problème survient, comme d’habitude, sur la durée du temps de travail et sur l’âge de la retraite.
 
Dans le texte que nous avons lu, nous avons donc les premiers appelés, avec lesquels il a été établi un contrat « apostolat contre vie éternelle ». Ensuite, le Maître appelle régulièrement d’autres ouvriers, avec lesquels il n’y a pas de contrat mais une promesse : « Je vous donnerai ce qui est juste ». Et à la fin, le Maître appelle les derniers en leur disant d’aller vite travailler eux-aussi, sans même leur parler de récompense.
Ainsi, plus on avance vers la dernière heure, plus la foi de l’ouvrier dans son Maître doit être grande. On pourrait dire, à la fin, que ce n’est pas la durée du temps de travail qui sert de mesure au Maitre, mais la foi de l’ouvrier en lui. Et de fait, les derniers ont une plus grande foi que les premiers, puisqu’ils ne sont pas protégés par un contrat de travail.
On peut aussi observer que les ouvriers de la troisième, la sixième et la neuvième heure « étaient là, sur la place, sans rien faire », et que les ouvriers de la onzième heure répondent au Maître – qui leur demande pourquoi ils sont là eux aussi sans rien faire – : « Parce que personne ne nous a embauchés. » Il y a chez ces derniers un sentiment d’humiliation. Ils sont le fond du pot de confiture : personne n’a voulu d’eux. Et pourtant, c’est eux que le Maître va finalement récompenser. Comme le bon larron au Golgotha : ils sont les derniers, sauvés à la dernière heure.
Par conséquent, les critères de récompense du Maître – c’est-à-dire de notre Père – sont la foi en sa parole et l’innocence ou l’humilité de ses serviteurs. Pour Pierre et les Apôtres, c’est donc une mise en garde. Ils ne seront pas les seuls à être récompensés : il y aura aussi et d’abord les humbles de cœur.
 
Cependant, pour être plus fidèle à l’enseignement de Jésus, je vais expliquer aussi ce que l’on peut lire dans la version de l’évangile dont on disposait à Lyon au temps de Saint Irénée. Dans cette version nous lisons, alors que Jésus parle aux ouvriers de la troisième heure : « Allez, vous aussi dans la vigne, et ce qui sera juste, je vous le donnerai ». Mais, ils s’en allèrent. Mais, sortant de nouveau vers la sixième heure, et la neuvième, il fit de même. » Etc. Et à la fin de la parabole Jésus dit : « Ainsi les derniers seront les premiers, et les premiers les derniers, car nombreux sont les appelés, mais peu nombreux les élus. »
Dans cette version, les premiers ouvriers passent un contrat, les suivants refusent d’aller travailler à la vigne bien que le Maître leur ait promis ce qui est juste, et les derniers acceptent d’y aller sans promesse de rétribution. À la fin, au moment de la paye, on retrouve donc seulement les premiers et les derniers. Les autres n’y sont pas puisqu’ils ont refusé d’aller travailler. C’est pourquoi Jésus peut dire, à la fin, qu’il y a de nombreux appelés, mais peu d’élus.
Cette ancienne version de la parabole est probablement la version d’origine, car elle fait écho à l’échange entre le jeune homme riche et Jésus, et à sa discussion avec Pierre à propos de la récompense de ceux qui ont tout quitté pour le suivre. Les premiers ouvriers sont donc les Apôtres. Ceux qui sont partis, les plus nombreux, sont comme le jeune homme riche. Et à la fin, comme on a vu, on trouve les petits derniers, les humbles, qui reçoivent la même vie éternelle que les Apôtres.
On pourrait souligner – même si c’est dur – que, tout en leur donnant ce qui est promis, Jésus dit aux premiers ouvriers « va-t-en ! », en reprenant l’expression terrible qu’il avait employée pour chasser Satan au désert. Et nous savons que Pierre en a déjà fait les frais. Certes les Apôtres seront récompensés parce que les dons de Dieu sont sans repentance, mais les plus belles places à la gauche et à la droite de Jésus, au ciel, sont réservées aux plus petits que le Père a choisis.
 
Finalement, nous pouvons retenir que Jésus appelle largement à marcher à sa suite, pour la vie éternelle. Chacun est libre et dispose de la possibilité d’accepter ou de refuser, car la liberté est la condition de la foi. Il est plus difficile de répondre "oui" quand on est davantage préoccupé par les biens de ce monde. Mais qu’on soit bon ou mauvais élève, il y a toujours un oral de rattrapage, jusqu’au dernier moment.
Ceux qui suivent Jésus, et à qui il a promis la vie éternelle, elle ne leur sera pas retirée ; mais ceux qui auront fait preuve d’une grande foi et d’une grande humilité trouveront auprès de lui une plus belle place : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des cieux est à eux. »


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