1R 19,9a.11-13a ; Ps 84 ; Rm 9,1-5 ; Mt 14,22-33
Chers frères et sœurs,
Je voudrais, aujourd’hui, aborder deux points importants. Le premier concerne l’Ancien Testament et les Juifs, ce qu’ils doivent représenter pour nous, les chrétiens. Le second point concerne la signification de l’Évangile de ce jour.
Concernant
le premier point. La plus grande hérésie dans l’Église est celle de Marcion. Cet
homme, riche armateur du Ier siècle, répandait partout l’enseignement faux
qu’il y avait une séparation entre l’Ancien et le Nouveau Testament, que le
Dieu de l’Ancien Testament, celui de Moïse et des Juifs, était mauvais, tandis
que le Dieu du nouveau Testament, celui de Jésus et des chrétiens était bon. Le
premier était le dur Dieu de la Loi, et le second le Dieu miséricordieux des
Béatitudes. Or c’est faux : le Dieu de l’Ancien Testament est le même que celui
du Nouveau. Nous le voyons par exemple dans les deux lectures que nous avons
entendues.
La
première relate la rencontre entre le prophète Elie et le Seigneur, sur la
Montagne. Justement, cette semaine, nous avons célébré la fête de la
Transfiguration où Jésus apparaît à Pierre, Jacques et Jean, sur la Montagne,
avec Moïse et Elie, dans la gloire. Cela veut dire que l’expérience de Dieu
qu’ont eue Moïse et Elie est la même que celle dont ont bénéficié Pierre,
Jacques et Jean. Or il s’agissait d’une anticipation de la Résurrection. Ainsi,
Moïse et Elie, sans le comprendre en leur temps, avaient déjà eu l’expérience
de cette gloire. Et c’est pourquoi ils en étaient prophètes.
La
seconde lecture est un extrait de la lettre de Saint Paul aux Romains. Saint
Paul y rappelle très clairement que les Juifs – qui vivent toujours de l’Ancien
Testament – ont été adoptés par Dieu ; ils ont été glorifiés par
lui ; Dieu a fait plusieurs alliances avec eux ; il leur a donné la
Loi et le culte du Seigneur ; il leur a fait des promesses ; les
Patriarches, Abraham, Isaac, Jacob, le roi David, c’est-à-dire les ancêtres de
Jésus et Jésus lui-même sont bénis. Et ces dons, et ces bénédictions, non
seulement le Seigneur qui est fidèle ne les leur a pas retirés, mais il les
conduira à leur accomplissement, lorsque Jésus reviendra pour eux et pour nous en
même temps. C’est dire que les Juifs d’hier et d’aujourd’hui n’ont pas à être
condamnés, car nous adorons le même Seigneur. Mais nous pouvons prier pour
qu’ensemble nous accueillions bientôt le Messie Sauveur, dans la même union et
la même gloire, comme Moïse et Elie, Pierre, Jacques et Jean, sur la Montagne.
Une chose est certaine : plus nous nous laissons aller aux idées de Marcion, plus nous nous éloignons du Seigneur et de son Évangile. Au contraire, plus nous faisons résonner le Nouveau Testament avec l’Ancien, comme deux cordes vocales pour produire un même son, plus nous pouvons comprendre intérieurement l’un et l’autre Testament, et entrer dans la même communion qui a illuminée Moïse et Elie, Pierre, Jacques et Jean, sur la Montagne. Pour notre plus grand bonheur.
Maintenant
un mot sur l’évangile de ce jour.
Jésus
a donc nourri la foule en multipliant les pains. Il est parti prier seul dans
la montagne, après avoir envoyé ses disciples prendre une barque. Or voilà
qu’il y a une tempête et, tandis que les disciples ont peur, ils voient Jésus
venir vers eux. Il s’ensuit une discussion avec Pierre et, finalement, Jésus
étant monté dans la barque, un grand calme se fait.
Nous
avons là une répétition générale de la Passion et de la Résurrection de Jésus.
Quand Jésus célèbre la Cène, le Jeudi Saint, c’est comme la multiplication de
pains. Ensuite c’est la Passion et la mort de Jésus. Jésus et ses Apôtres sont
séparés. Le premier est seul sur la montagne, comme il sera seul sur la croix.
Les autres sont ensemble, transis de peur, comme ils auront peur au Cénacle. Car
ils sont perdus : c’est la tempête. Or, à leur grande surprise, ils voient
Jésus marcher sur les eaux, comme s’il marchait sur la mort. C’est impossible.
Ils s’écrient : « C’est un fantôme ! » Ils feront
exactement la même observation lorsqu’ils reverront Jésus ressuscité. Pour leur
prouver qu’il a bien un corps, Jésus mangera alors du poisson devant eux. Jésus
leur dit : « C’est moi, n’ayez plus peur », comme il
dira au cénacle : « La paix soit avec vous ».
Comme
d’habitude, Pierre veut faire le malin : « Seigneur, si c’est
bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux ». Ici, Pierre anticipe
déjà que ce qu’il dira plus tard à Jésus en lui jurant qu’il ne l’abandonnera
jamais, qu’il le suivra jusqu’à la mort s’il le faut. Mais Jésus lui répondra
qu’il le reniera trois fois. Ainsi, marchant sur les eaux de la mort, « voyant
la force du vent, Pierre eut peur, et comme il commençait à s’enfoncer, il
cria : « Seigneur, sauve-moi ! » ». Oui, Saint
Pierre a eu peur sur le lac comme dans la maison de Caïphe, et quand le coq a
chanté, il a pleuré amèrement. C’est pourquoi Jésus le relève, le sauve des
eaux, en lui disant : « Homme de peu de foi, pourquoi as-tu
douté ? » Jésus monte dans la barque et les eaux se calment, de
la même manière que Jésus ressuscité rompt le pain et donne l’Esprit Saint à
ses disciples : il est toujours dans son Église et les forces de la mort
ne prévaudront jamais sur elle.