Ap 11,19a et
12,1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1Co 15,20-27a ; Lc 1,39-56
Chers frères et sœurs,
À l’époque où saint Jean a rédigé le livre de
l’Apocalypse, les chrétiens étaient dans l’incompréhension. En effet,
ils devaient faire face aux premières grandes persécutions. Et ils se
demandaient : où est le Seigneur ?
En Israël, c’est le rôle des prophètes que d’exposer
la réalité de la situation, puis d’indiquer la direction et les décisions à
prendre, et les moyens à mettre en œuvre. Il y a deux genres de
prophètes : les faux, qui ne voient pas l’intégralité de la réalité ou qui
la cachent. Ils caressent les gens dans le sens du poil et les mènent en même temps
droit dans le mur. Et il y a les vrais prophètes, qui ne parlent pas
d’eux-mêmes, mais par lesquels l’Esprit de Dieu se met à parler. Sur le moment
leur explication est déroutante, mais on s’aperçoit par la suite qu’ils avaient
eu raison, parfois au prix de leur vie.
Ainsi donc, dans la situation angoissante des
premiers chrétiens, il fallait qu’un prophète parle. Et c’est ce qui a dû être
demandé à saint Jean. Sa réponse est le livre de l’Apocalypse, qui ne
signifie pas « fin du monde », mais « Révélation ». Saint
Jean veut « révéler » le mystère du moment présent, le sens de
l’histoire et la vocation des chrétiens en elle. Il révèle ce qui est caché et
que l’on ne peut connaître que par la foi, animé par l’Esprit Saint. Son
langage est codé, d’une part parce qu’il ne peut pas prendre le risque d’écrire
les choses ouvertement, et d’autre part parce qu’il parle de réalités qui sont
en même temps visibles et invisibles, de réalités en même temps historiques et
spirituelles. Il parle de la vraie réalité, comme un vrai prophète, avec les
yeux de la foi, et non pas seulement de ce qu’on voit humainement, de
l’extérieur.
Le chapitre 12 de l’Apocalypse est une histoire
de la naissance de l’Église. Il y est d’abord question de l’envoi du Messie sur
la terre, du Christ sauveur, qui règnera pour les siècles des siècles. C’est l’événement
attendu par Israël et par toute l’humanité, depuis la chute d’Adam et Eve.
C’est le temps du jugement et de la justice pour les serviteurs de Dieu. Et
c’est alors que « le Sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, s’ouvrit
et [que] l’arche de son Alliance apparut dans le Sanctuaire ».
Saint Jean évoque alors la femme vêtue de
soleil, qui enfante un fils, « celui qui doit mener paître toutes les
nations avec une verge de fer ». Il s’agit d’une référence au psaume
2. Ce fils, c’est le Messie, Jésus, et cette femme qui enfante est donc la
Vierge Marie. Il est dit du fils qu’« il fut enlevé jusqu’auprès de
Dieu et de son Trône ». Saint Jean ne s’étend pas sur la vie de Jésus,
qui est connue, mais il évoque juste son ascension après sa résurrection. Après
cela, la femme, c’est-à-dire la Vierge Marie, « s’enfuit au désert où
Dieu lui a préparé une place ».
Il est fort dommage que le lectionnaire ne nous
ait pas donné l’intégralité du texte, car la suite éclaire bien ce qu’il se
passe. Tandis que Jésus vient de s’assoir à la droite du Père, l’archange saint
Michel et ses anges entrent dans le combat définitif contre le Dragon et ses
anges, c’est-à-dire contre Satan et ses démons. Et le Dragon est précipité sur
la terre : il chute du ciel, comme Adam et Eve avaient chuté au
commencement par sa faute. A ce moment-là, les serviteurs de Dieu se
réjouissent, car les martyrs ont aussi contribué à cette victoire en donnant
leur vie comme le Christ. Mais malheur aux habitants de la terre car le Dragon
y réside maintenant, en attendant la fin du monde. La chute du Dragon
correspond à la Pentecôte et aux premiers martyres d’Etienne et de Jacques.
Dans le même temps saint Jean nous dit que le Dragon s’est lancé à la poursuite
de la femme. Celle-ci est alors emportée au désert grâce aux « deux
ailes du grand aigle », c’est-à-dire grâce saint Jean. Nous savons en
effet que Marie lui avait été confiée par Jésus. Le Dragon a tenté de la
retrouver, mais les fidèles l’ont protégée. Alors il reporta sa fureur contre
la « descendance » de la femme, c’est-à-dire les
chrétiens : « ceux qui observent les commandements de Dieu et
gardent le témoignage de Jésus ». Et il se posta sur le sable de la
mer. Vient alors le chapitre 13 avec l’apparition d’une nouvelle bête qui vient
de la mer et qui ressemble à un léopard, c’est-à-dire l’Empire Romain. Mais je
m’arrête là pour dire un mot de la femme et conclure.
Dans sa Révélation saint Jean a mélangé volontairement
plusieurs choses en parlant de la femme. Nous avons vu qu’elle était Marie.
Mais elle est aussi le peuple d’Israël personnifié : Jérusalem ou Sion,
que Dieu voit comme son épouse bien aimée. La femme vêtue du soleil, c’est la bien-aimée du Cantique des Cantiques. Sa tête est décorée du diadème
des douze tribus d’Israël ou bien des douze apôtres. Et plus encore, quand
saint Jean ouvre le chapitre, il dit : « l’arche d’alliance
apparut dans le sanctuaire ». Marie est aussi l’Arche d’alliance, sur
laquelle repose la présence de Dieu et qui contient la Parole de Dieu.
Chers frères et sœurs, nous sommes les fils de
la femme, ceux qui observent les commandements de Dieu et qui gardent le
témoignage de Jésus. Nous sommes aussi ceux qui par leur combat spirituel et
leur martyre, pour certains, contribuent à la lutte contre le Dragon, avec
saint Michel et ses anges. Et par le don de notre vie, avec Jésus, nous
participons à sa victoire.
Tel est le sens du message de Saint Jean, qui
est tout aussi valable pour les chrétiens d’hier que ceux d’aujourd’hui et de
demain. Et réjouissons-nous d’avoir la Sainte Vierge Marie, l’Arche d’alliance,
la bien-aimée du Cantique, le cœur de la Jérusalem céleste, pour bonne mère.
Amen.