Sg
7,7-11 ; Ps 89 ; He 4,12-13 ; Mc 10,17-30
Chers frères et sœurs,
Aujourd’hui Jésus nous invite à désirer vivre, dès maintenant, de
la vie du monde nouveau.
Sa rencontre avec le jeune homme riche est pour nous une leçon.
Dans un premier temps, ce jeune homme se met à genoux devant Jésus et l’appelle
« Bon Maître ». Cette appellation est très précise : en
araméen, le mot utilisé, qui a été traduit par « Bon », ne s’applique
qu’à Dieu. Il est celui qui est « le Bon par excellence ».
Ceci explique la réaction immédiate de Jésus : « Pourquoi dire que
je suis bon ? Personne n’est bon, sinon Dieu seul ». Jésus est
étonné parce que ce jeune homme l’a abordé, en se mettant à genoux et en
l’appelant « Bon », en le considérant comme l’envoyé de Dieu, sinon
comme Dieu lui-même.
Jésus le renvoie alors à l’observation – c’est-à-dire à la mise en
pratique – des commandements. C’est déjà un préalable pour avoir une juste
relation avec lui et obtenir la vie du monde nouveau. Or le jeune homme répond
qu’il les a bien observés depuis sa jeunesse. Encore une fois Jésus est
impressionné.
La traduction que nous avons, dit qu’il « posa son regard
sur lui ». Mais le texte d’origine est plus net : Jésus « fixa »
le jeune homme riche. Nous comprenons que son regard l’a percé jusqu’au cœur.
Et c’est pourquoi il est dit que Jésus l’aima. Le regard de Jésus est un regard
qui transperce et qui aime. C’est là que nous devons réécouter ce que dit la
lettre aux Hébreux : « Elle est vivante, la parole de Dieu,
énergique et plus coupante qu’une épée à deux tranchants ; elle va
jusqu’au point de partage de l’âme et de l’esprit, des jointures et des
moelles ; elle juge des intentions et des pensées du cœur. Pas une
créature n’échappe à ses yeux, tout est nu devant elle, soumis à son regard ».
Voilà le regard de Jésus, qui est incisif, mais qui est aussi un regard
d’amour.
Ayant vu ce qu’il y avait dans le cœur du jeune homme, Jésus lui
dit deux choses : D’une part : « vends ce que tu as et
donne-le aux pauvres ». C’est un ordre qui réclame une application
immédiate. Et d’autre part : « viens, suis-mois », qui
suppose une application sur une longue durée : suivre Jésus, c’est le
suivre durant toute sa vie.
Ici, Jésus apprend au jeune homme que, pour acquérir la vie du
monde nouveau, il ne suffit pas de bien mettre en pratique les commandements de
Dieu, il faut aussi quitter tous ses biens et se mettre à le suivre. C’est
alors que le jeune homme s’en va tout triste, car il avait de grands biens.
La suite de la discussion, avec les disciples n’est pas moins
impressionnante : « Comme il sera difficile à ceux qui possèdent
des richesses d’entrer dans le royaume de Dieu ! », dit Jésus.
Les disciples sont stupéfaits, parce que normalement, dans la mentalité de
l’époque, la richesse était considérée comme un signe de bénédiction de Dieu. Or
voilà que Jésus annonce au contraire qu’elle sera surtout un empêchement !
Et il en rajoute : « Mes enfants, comme il est
difficile d’entrer dans le royaume de Dieu ! Il est plus facile à un
chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le
royaume de Dieu ». Autrement dit : c’est impossible.
Jésus ici fait allusion non pas à une aiguille à coudre mais à la
« Porte de l’aiguille » – c’est son nom – qui est une porte de
Jérusalem, dans laquelle a été aménagé un passage qui permet à un homme
d’entrer mais pas un chameau. Ce système permet d’éviter que des caravanes
entrent en ville.
Les apôtres sont totalement déconcertés parce que cela veut dire quand
même que personne ne peut être sauvé. Alors Jésus leur répond avec la même
phrase que l’ange Gabriel à Marie lors de l’Annonciation : « Pour
les hommes, c’est impossible, mais pas pour Dieu ; car tout est possible à
Dieu ».
Ainsi, il nous faut comprendre que le passage du Royaume des cieux
à notre monde, que ce soit dans un sens ou dans l’autre, doit se faire
dépouillé de toute richesse, dans la nudité d’un enfant à naître, et par
l’action de l’Esprit Saint, par la grâce de Dieu. C’est exactement ce qu’il se
passe lors du sacrement du baptême, car normalement, on doit être baptisé nu.
Jésus dit, pour terminer, que l’homme qui quitte ses richesses, à
cause de lui et de l’Évangile, recevra en ce temps le centuple. En effet, celui
qui est nu et qui est passé de ce monde au monde nouveau, par la grâce de
l’Esprit Saint, a justement reçu la vie nouvelle, qui vaut tous les trésors du
monde.
Cette vie nouvelle, que nous pouvons acquérir déjà depuis notre
baptême, c’est l’Esprit Saint lui-même, cet esprit de sagesse dont nous parle
la première lecture. De cette vie nouvelle, de cette sagesse qui vient de Dieu,
il est dit : « Je l’ai préférée aux trônes et aux sceptres ;
à côté d’elle j’ai tenu pour rien la richesse ; je ne l’ai pas comparée à
la pierre la plus précieuse ; tout l’or du monde auprès d’elle n’est qu’un
peu de sable, et, en face d’elle, l’argent sera regardé comme de la boue. Plus
que la santé et la beauté, je l’ai aimée ; je l’ai choisie de préférence à
la lumière, parce que sa clarté ne s’éteint pas. Tous les biens me sont venus
avec elle et, par ses mains, une richesse incalculable ».
Voilà ce que Jésus a voulu faire connaître au jeune homme riche. L’acquisition
de l’Esprit Saint vaut plus que toutes les richesses. Voilà ce qu’il propose
aujourd’hui à ceux qui l’aiment.