Sg 12,13.16-19 ; Ps 85 ; Rm
8,26-27 ; Mt 13,24-43
Chers frères et sœurs,
Les
lectures de ce jour nous décrivent quelle est la grandeur de notre Dieu. A lui
est la puissance sur toutes choses, puisqu’il est le créateur de tout. Il peut
exercer son jugement à la seconde : punir sèchement ce qui est mauvais et
exalter généreusement ce qui est bon. Mais nous apprenons aujourd’hui que notre
Dieu est humain : il gouverne avec ménagement, il épargne le pécheur et
lui accorde la conversion. Telle est sa puissance. Il n’utilise la force que
contre ceux qui bafouent sa sainteté et – lors du jugement, à la fin des temps
– pour séparer ce qui est bon de ce qui est mauvais.
Jésus
utilise une image pour qualifier ce qui est bon de ce qui est mauvais. Il
compare ce qui est bon avec du blé – blé avec lequel l’homme fait du bon
pain –, et ce qui est mauvais avec de l’ivraie. L’ivraie ressemble au blé,
c’est pourquoi il est difficile de les séparer avant la moisson. Il faudra le
faire cependant car l’ivraie donnerait très mauvais goût à la farine. Ce qui
est mauvais a donc d’abord l’apparence du bien mais il finit par se distinguer
et laisse finalement un goût amer. C’est là qu’on reconnait la signature du
démon. Autre remarque sur l’ivraie. Dans l’araméen, l’ivraie se dit « zizané »,
qui a donné notre mot « zizanie ». Le diable a donc semé de la
zizanie dans le champ de blé et nous comprenons bien ce que Jésus veut nous
dire : la vocation du blé est de devenir un seul pain pour la vie et la
communion des hommes ; tandis que l’ivraie est un poison pervers qui rend
impétrissable la farine et immangeable le pain.
Mais
Dieu se réserve le tri à la fin des temps parce que, dans sa puissance et son
humanité, il a voulu ouvrir un espace de conversion pour les pécheurs.
Sainte
Marie-Madeleine illustre parfaitement cet enseignement. Son origine n’est pas
très claire ; les historiens s’interrogent sur son nom : Madeleine ferait
référence à une tour (Magdal en araméen), que certains situent près du lac de
Tibériade, où il y avait un camp romain. Ce qui est sûr, c’est que Jésus l’a
délivré de sept démons, c’est-à-dire de beaucoup de démons. Autrement dit,
Marie-Madeleine était un champ de blé rempli d’ivraie amère et de zizanie.
Or
le jugement est venu pour elle par anticipation dans la personne de Jésus, qui
a trié en elle le bon grain et l’ivraie, et Marie-Madeleine a été délivrée – de
son vivant – de tous ses démons. C’est pourquoi elle est restée attachée à son
sauveur au point de le suivre durant ses déplacements et jusqu’au pied de la
croix. C’est elle aussi qui la première vient au tombeau de Jésus et constate
la disparition de son corps. C’est elle encore qui la première est gratifiée
d’une rencontre avec Jésus ressuscité, qui l’envoie annoncer la bonne nouvelle
à ses apôtres.
Ainsi,
la magdalénienne aux sept démons est-elle devenue par la grâce et la
miséricorde de Dieu, par son amour reconnaissant, l’apôtre des apôtres, une des
plus grande sainte de tous les temps.
Chers
frères et sœurs, nous sommes individuellement et collectivement des champs de
blé qui ont vocation à devenir du bon pain pour la communion. Mais il a été
semé en nous de l’ivraie. D’un côté, Dieu nous laisse du temps, et sa grâce,
pour tâcher de nous convertir, et de l’autre, quand il le voudra, Jésus opérera
en nous son jugement. Il nous libérera définitivement de notre ivraie,
peut-être déjà en ce monde comme il l’a fait pour Marie-Madeleine, ou au seuil
du nouveau quand l’heure sera venue. Alors libérés, nous lui serons
éternellement reconnaissants car nous appartiendrons de ce fait et pour toujours
au Royaume des cieux.