Nb
6,22-27 ; Ps 66 ; Ga 4,4-7 ; Lc 2,16-21
Chers
frères et sœurs,
Nous savons que saint Luc, par petites
touches, nous invite à comparer la grotte de Bethléem avec le tombeau de
Jérusalem. Les bergers, comme les apôtres, viennent voir l’événement incroyable
qui leur a été annoncé. Après cela, ils vont partout proclamer ce qu’ils ont
entendu et vu : ils glorifient Dieu pour lui-même et lui adressent des
louanges pour toutes ses œuvres. Glorifier Dieu et le louer pour ses œuvres,
proclamer partout dans le monde la bonne nouvelle de ce qui a été prophétisé et
de ce qui s’est passé, c’est là la vocation de l’Eglise, notre vocation à tous.
On peut remarquer la grande discrétion de
Marie, que souligne saint Luc : elle « retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur ».
C’est-à-dire qu’elle les gravait dans sa mémoire et les méditait sans cesse.
C’est ce que Marie a fait à Bethléem, c’est aussi certainement ce qu’elle a
fait à Jérusalem, au moment de la résurrection de Jésus. Là encore, avec
l’image des bergers ou des apôtres, saint Luc nous donne une image de l’Eglise
et de sa vocation : l’Eglise qui se souvient et médite sans cesse les
événements de la vie de Jésus. C’est ce que nous faisons chaque dimanche, mais
que nous pourrions ou devrions faire aussi en célébrant chaque jour la prière
de l’Eglise : les laudes, la messe, les vêpres, les vigiles…
En réalité, en trois-quatre lignes, avec
l’image des bergers et de sainte Marie, saint Luc nous dresse un portrait
merveilleux de l’Eglise et de sa vocation dans le monde. Et en même temps de
notre vocation de baptisés.
Mais voilà que saint Luc évoque maintenant le
huitième jour. Voilà qui est bien étonnant. Pourquoi donc l’évangéliste a-t-il
voulu s’arrêter sur la circoncision de Jésus et sur l’attribution de son Nom ?...
Alors que d’une part, il n’y avait là rien d’extraordinaire – car c’est le cas
pour tous les enfants juifs, selon la Loi de Moïse – et d’autre part, il ne se
passe, là non plus, manifestement, rien d’extraordinaire. Lors de la
circoncision de Jean-Baptiste, il y avait eu le problème du nom de « Jean »
qui n’était pas dans la famille, et à cette occasion Zacharie avait retrouvé la
parole. Mais là, pour Jésus, il n’y a aucun problème. Pourquoi donc saint Luc
a-t-il voulu parler du huitième jour ?
A première vue, pour montrer que, si Jésus
est Fils de Dieu, c’est-à-dire Dieu fait homme, il est aussi réellement homme
et tout ce qui s’applique aux hommes s’applique aussi à lui. Ainsi, Marie et
Joseph suivaient intégralement la Loi de Moïse pour eux-mêmes et pour l’enfant
Jésus, sans aucun passe-droit. Jésus est réellement Dieu et réellement homme.
Il est vraiment Emmanuel « Dieu avec nous ».
Mais comme saint Luc a voulu souligner le
parallèle qu’il y a entre la grotte de Bethléem et le tombeau de Jérusalem, le
huitième jour prend un sens plus profond encore. Il n’y a que saint Jean qui
évoque ce qui s’est passé au huitième jour. Souvenez-vous, saint Thomas n’était
pas avec les autres apôtres au moment de la première apparition de Jésus au
cénacle. Et il avait refusé de croire, jusqu’au huitième jour, où Jésus, apparaissant
de nouveau, lui avait montré ses blessures. Alors saint Thomas, confondu, avait
proclamé son nom : « Mon
Seigneur et mon Dieu ! ».
Il y a un rapport entre Jésus circoncis et
Jésus blessé ; entre le nom de « Jésus »
donné à l’enfant et les titres « Mon
Seigneur et mon Dieu » adressés au ressuscité ; entre Marie, la
mère de l’enfant, qui en ce jour selon la Loi de Moïse est purifiée de son
enfantement, et l’Eglise qui en ce huitième jour retrouve l’unité de la foi
avec la confession de saint Thomas, et la fécondité spirituelle.
Chers frères et sœurs, que cela signifie-t-il
pour nous ? Dans les premiers temps de l’Eglise, on procédait au baptême
des petits enfants le huitième jour après leur naissance : comme saint
Thomas, on proclamait la foi, on recevait la circoncision du cœur, c’est à dire
le pardon des péchés, et on recevait un nom nouveau. Et la sainte Mère Eglise
s’enrichissait d’un nouvel enfant. En elle, comme Jésus, par lui et en lui,
nous devenions des frères d’un même Père, comme dit saint Paul. Plus encore, le
huitième jour signifie que l’on est une création nouvelle.
Aujourd’hui, nous ne baptisons plus les
enfants huit jours après leur naissance, mais à chaque fois que nous procédons
à un baptême, à quelqu’âge que ce soit, nous revenons toujours au mystère du huitième
jour. Au huitième jour, par la circoncision et l’application de son nom, Jésus
a été reconnu humain et Marie fut bénie ; par le baptême, où nos péchés sont
pardonnés et où nous recevons un nom nouveau, nous sommes reconnus divins et
l’Eglise proclamée bienheureuse.
Il ne nous reste plus qu’à vivre selon notre vocation :
glorifier Dieu et le louer dans ses œuvres, faire mémoire de Jésus et méditer
toute sa vie, pour proclamer dans la joie la bonne nouvelle jusqu’au bout du
monde et lui porter la paix.