Pr
8, 22-31 ; Ps 8 ; Rm 5, 1-5 ; Jn 16, 12-15
Chers frères et sœurs,
Nous avons été créés « à l’image et à la ressemblance de Dieu ». « À l’image », c’est-à-dire selon le modèle de Dieu. Le Livre des Proverbes nous apprend que ce modèle est la Sagesse elle-même, la Parole de Dieu par laquelle tout a été créé, et particulièrement l’homme. En effet, la Sagesse trouve « ses délices avec les fils des hommes » parce que l’homme seul a été créé en capacité de la comprendre, de l’écouter, et c’est pour cette raison – comme le rappelle le Psaume – que l’homme est appelé à régner sur la création. Rien ni personne ne peut retirer à l’homme ce don initial d’avoir été créé à l’image de Dieu, selon le modèle de la Sagesse de Dieu, la Parole de Dieu.
Précisons immédiatement que cette Sagesse, cette Parole de Dieu, n’est autre que le Fils de Dieu, celui qui s’est fait chair sous le nom de Jésus de Nazareth. C’est lui, le Christ, qui est la Parole de Dieu, la Sagesse de Dieu par qui tout a été créé. Tout homme sur terre est en capacité d’écouter sa parole et peut reconnaître en Jésus celui qui est à l’origine de son existence, « plus intime à lui-même que lui-même » disait saint Augustin.
Dans le même acte créateur, nous avons également été créés « à la ressemblance de Dieu ». Cette « ressemblance », elle, peut-être perdue, malheureusement, mais aussi retrouvée. En effet, c’est elle que nous perdons par le péché, mais que nous retrouvons par la grâce de Dieu, comme nous le rappelle saint Paul. Par le péché, nous sommes devenus ennemis de Dieu, comme des anges déchus devenus des démons, mais dit l’Apôtre « nous qui sommes devenus justes par la foi, nous voici en paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ, lui qui nous a donné, par la foi, l’accès à cette grâce dans laquelle nous sommes établis. » Cette grâce, c’est la ressemblance et l’Esprit Saint qui nous la fait recouvrer : « l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. » La ressemblance, c’est donc l’amour de Dieu, l’amour qui est en Dieu, par lequel le Père donne tout à son Fils et le Fils donne tout à son Père.
On comprend en effet que, lorsque nous péchons et devenons ennemis de Dieu, refusant de recevoir le don de Dieu ou refusant de nous donner à Dieu, nous quittons l’amour de Dieu, nous perdons la ressemblance. Mais en revanche, quand nous sommes réconciliés avec Dieu par le sacrifice de Jésus sur la croix qui nous obtient le pardon, alors nous retrouvons, avec l’accueil du don de l’Esprit et la volonté de nous donner tout entier à Dieu, cette ressemblance perdue. En définitive, le don de la ressemblance, c’est le don de l’Esprit Saint. Être « à la ressemblance de Dieu », c’est vivre dans l’Esprit de Dieu, dans l’amour de Dieu.
Nous pouvons maintenant essayer de comprendre ce que dit Jésus à ses disciples, et pourquoi nous lisons ce passage de l’évangile pour la fête de la Sainte Trinité. Jésus explique à ses disciples qu’au moment où il leur parle, c’est-à-dire avant sa résurrection et son ascension, ils ne peuvent pas comprendre ses propos. Plus exactement, ils ne peuvent pas « connaître » ce dont il parle. Chez saint Jean, vous le savez en effet, le terme « connaître » a un sens très particulier. Il s’agit exactement d’entrer dans la communion du Père, du Fils et du Saint-Esprit : par l’Esprit Saint, être rendu à l’état de l’homme parfait, image et ressemblance de Dieu, comme son modèle, la Sagesse, la Parole de Dieu, le Fils Jésus, qui reçoit tout de son Père et lui rend tout en action de grâce, et ceci dans la « connaissance » mutuelle, c’est-à-dire dans l’amour où tout est don de soi.
Ainsi, ce n’est qu’en recevant le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte, que les disciples sont en mesure de « connaître » Dieu Père, Fils et Saint-Esprit. Si donc Jésus s’en va auprès du Père, c’est justement pour que soit répandu l’Esprit Saint dans leur cœur, afin qu’ils accèdent non pas à une compréhension intellectuelle seulement, mais entrent tout entier dans la « connaissance » de Dieu. La connaissance de Dieu concerne tout l’homme, tout ce qui le constitue, y compris sa chair.
Par conséquent, et pour conclure, nous pouvons retenir deux enseignements. Le premier est que la connaissance de Dieu a à voir avec ce que nous sommes originellement : nous avons été créés pour la connaissance de Dieu – pour la communion avec le Père, par le Fils et dans l’Esprit – et nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes réellement, en vérité, que dans cette communion originelle que nous avons vocation à retrouver.
Et le second enseignement – qui passe presque inaperçu – est que cela ne peut pas se faire en dehors de la communion de toute l’Église. En effet, Jésus ne dit pas à ses disciples : « L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour le faire connaître à X ou à Y », comme si la connaissance de Dieu était une expérience individuelle ; mais il dit : « L’Esprit reçoit ce qui vient de moi pour vous le faire connaître. » La connaissance que je peux avoir de Dieu est inséparable de la connaissance commune de l’ensemble des disciples de Jésus, de toute l’Église. C’est pourquoi dans la connaissance de Dieu nous ne sommes pas des individus juxtaposés mais des personnes en communion, et nous avons reçu de Jésus le commandement de l’amour mutuel qui seul peut nous garantir d’être chacun et chacune réellement dans l’amour de Dieu, à son image et à sa ressemblance.