dimanche 23 février 2025

22-23 février 2025 - SEVEUX - AUTREY-lès-GRAY - 7ème dimanche TO - Année C

1 S 26, 2.7-9.12-13.22-23 ; Ps 102 ; 1 Co 15, 45-49 ; Lc 6, 27-38
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous sommes toujours parmi les disciples de Jésus et nous écoutons l’enseignement qu’il leur donne, qu’il nous donne. Cet enseignement est très construit, très ordonné. Ainsi, dimanche dernier nous avons eu 4 béatitudes suivies de 4 lamentations. De même, aujourd’hui nous avons dans un premier temps, 4 commandements suivis de 4 recommandations pratiques. Nous avions compris que la joie promise aux disciples était celle de l’Esprit Saint, l’Esprit de Pentecôte. Il nous faut en tenir compte pour comprendre les commandements et les recommandations de Jésus aujourd’hui.
« Je vous le dis, à vous qui m’écoutez », dit Jésus, c’est-à-dire à ceux qui « écoutent sa Parole et la mettent en pratique », puisqu’elle est la Loi nouvelle, ou plus exactement le cœur caché de la Loi de Moïse, que Jésus accomplit.
 
C’est si vrai que, pour la suite de son enseignement, Jésus s’appuie d’abord sur un précepte tiré du Livre de Tobie : « Ne fais à personne ce que tu détestes », qu’il transforme en « Ce que vous voulez que les autres fassent pour vous, faites-le aussi pour eux » ; puis sur un précepte du livre du Lévitique : « Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint », qu’il transforme en « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux ». Plutôt que « transformer », il serait mieux de dire « révèle », « dévoile », ou même « transfigure ». En effet, on voit bien que dans son enseignement Jésus va plus loin, plus profond, ou plus haut que le précepte tiré des Écritures. Nous ne devons pas oublier qu’il s’adresse ici, non pas au commun des mortels, mais à ceux qui sont ou seront bientôt remplis de l’Esprit Saint, et qui sont ou seront donc bientôt rendus capables de l’amour de Dieu lui-même.
 
La grande différence porte justement sur l’amour des ennemis – ce qui nous paraît humainement impossible. Cependant, nous savons que Dieu a créé l’homme par amour et lui a donné son esprit de vie ; puis, bien que pécheur, en Jésus, Dieu l’a ensuite sauvé par amour et, avec la résurrection, lui a donné son Esprit Saint, la grâce du pardon et la vie éternelle. C’est notre Credo. L’acte d’amour de Dieu est inséparable de son acte créateur. De même, le pardon et le don d’une vie nouvelle sont inséparablement des actes créateurs et des actes d’amour.  Jésus nous dit donc que tout disciple de l’Évangile doit regarder chaque homme – même son ennemi – avec les yeux de Dieu, avec un regard d’amour et de création nouvelle, toujours possible pour lui, pourvu qu’il l’accepte.
Certes, je peux humainement ne pas aimer tel homme que je vois de mes yeux de chair, car il est limité, pécheur et mortel, peut-être même objectivement mauvais. Mais si j’adopte le regard de Dieu, alors je le vois comme ayant été créé par amour depuis le commencement et appelé aujourd’hui et demain, comme tout homme et comme moi-même, à un pardon pour ses fautes et à une vie nouvelle dans un amour éternellement fidèle. Dieu a les yeux du père du fils prodigue. Et l’homme a les yeux du frère aîné. L’Esprit Saint, l’Esprit de Jésus, seul peut nous faire passer du regard du frère à celui du père ; de celui de l’homme à celui de Dieu.
 
Nous mesurons ici la différence abyssale qu’il y a entre un homme normal – si je puis dire – et un saint. Entre un regard humain limité à un horizon terrestre – c’est-à-dire à un jugement temporel, qu’on est tenté d’appliquer soi-même de peur qu’il ne soit jamais rendu ; et un regard divin, qui voit au-delà de la mort la vie nouvelle des pécheurs pardonnés et ressuscités, appelés à la communion dans l’amour. L’homme normal veut juger dès que possible ; le saint offre et confie le jugement à Dieu. Plus encore, comme le saint sait qu’il est lui-même pécheur et qu’il espère pour lui-même la miséricorde de Dieu, alors, comme le gérant malhonnête dont Jésus fait l’éloge, il fait miséricorde à son frère, obligeant ainsi Dieu à lui faire à son tour miséricorde, selon la parole de Jésus : « ne jugez pas et vous ne serez pas jugés », car « la mesure dont vous vous servez pour les autres, servira de mesure aussi pour vous ». On a le droit de prendre Jésus au mot, surtout quand il est aussi affirmatif !
 
Je voudrais terminer sur un verset curieux du psaume : « comme la tendresse du père pour ses fils, la tendresse du Seigneur pour qui le craint ! » Nous avons bien compris que Dieu n’est qu’amour pour ses enfants. Mais comment peut-on être invités à « craindre » un Père qui n’est qu’amour ? Il faut bien comprendre que la « crainte de Dieu », dans les Écritures, est une expression qui ne signifie pas la « peur de Dieu », mais qui signifie quelque chose comme « le service de Dieu dans l’amour », « le culte de Dieu, de tout son cœur ». Celui qui « craint Dieu », c’est celui qui aime Dieu, concrètement, par la prière, l’obéissance à sa Parole, la liturgie, l’offrande de soi, et qui aime son frère, concrètement, par le pardon, le service, la charité sous de multiples formes. En somme, celui qui « craint Dieu », c’est celui qui vit selon l’Esprit de Dieu : c’est un saint. Ainsi, nous comprenons que Dieu appelle « ses fils » ceux qui le craignent, parce qu’il reconnaît et aime en eux l’Esprit Saint qui les transfigure en son fils bien-aimé Jésus-Christ, notre Seigneur. Ainsi, la plus belle, la plus remarquable, la plus grande figure humaine qui « craint Dieu », c’est la Bienheureuse Vierge Marie !

dimanche 16 février 2025

16 février 2025 - FEDRY - 6ème dimanche TO - Année C

 Jr 17, 5-8 ; Ps 1 ; 1 Co 15, 12.16-20 ; Lc 6, 17.20-26
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous avons entendu les Béatitudes selon l’Évangile de Luc. Certains disent qu’elles sont plus sociales que celle de Matthieu, qui seraient plus spirituelles, parce qu’il dit : « Heureux les pauvres en esprit »… En effet, le Catéchisme de l’Église Catholique s’appuie sur les Béatitudes de Luc pour rappeler à juste titre que l’amour de l’Église pour les pauvres fait partie de sa tradition constante. Cependant rien n’est plus ridicule que d’opposer Luc et Matthieu, qui veulent tous les deux rapporter aussi fidèlement que possible les paroles de l’unique Maître, Jésus lui-même. Alors, comment comprendre les Béatitudes selon saint Luc de manière juste ?
Comme d’habitude, il faut lire dans l’Évangile ce qu’il se passe avant et lire le texte dans son intégralité, surtout quand la version liturgique coupe des versets, comme c’est le cas aujourd’hui, où il manque les versets 18 et 19, qui sont tellement importants pour comprendre !
 
Donc, avant que Jésus ne descende de la Montagne, saint Luc nous a expliqué qu’il y était monté pour y prier Dieu toute la nuit. Au petit matin, comme au jour de la Résurrection, il a appelé ses disciples et parmi eux en a choisi Douze auxquels il a donné le nom d’Apôtres. Ce qui suit – le passage que nous venons de lire – explique donc ce qu’est être apôtre, ce qu’est être vraiment disciple de Jésus.
Nous apprenons que Jésus s’arrête sur un terrain plat – dans la plaine. C’est peut-être un détail pour vous, mais pour saint Luc, cela veut dire beaucoup ! La plaine est le lieu où Abel a été tué par son frère Caïn, et où les Hébreux ont vaincu Og, le roi de Bashan. Comprenons que si la montagne est le ciel où réside le Père, la plaine est la terre des hommes où Jésus sera trahi et tué par ses frères, mais où le peuple de Dieu – l’Église – trouvera la force de vaincre les puissances du mauvais.
Aussitôt, nous voyons converger autour de Jésus des multitudes : le groupe nombreux de ses disciples d’une part – c’est un premier cercle ; puis le groupe encore plus nombreux des gens qui viennent de partout, qu’ils soient Juifs de la Judée et de Jérusalem, ou païens du littoral de Tyr et de Sidon.
Voilà maintenant les versets qui ont été coupés : tous ces gens affluent pour être guéris de leurs maladies et délivrés des esprits impurs qui les tourmentent. Ils viennent chercher auprès de Jésus la vie et l’Esprit de vie. De fait, saint Luc nous dit : « Et toute la foule cherchait à le toucher, parce qu’une force sortait de lui et les guérissait tous. » Comment les liturgistes ont-ils donc pu couper aussi froidement l’action de l’Esprit Saint en Jésus, la consolation donnée à tous ces pauvres, ces affamés, ces attristés, ces exclus qui sont en quête de vie ?
 
Et voilà, je vous ai déjà donné la clé des Béatitudes ! Car voilà que Jésus « lève les yeux sur ses disciples » - et au premier chef sur les Apôtres qu’il vient tout juste d’appeler ; et il leur déclare à eux – et non pas à la foule des anonymes : « Heureux, vous les pauvres… » Les Béatitudes ne s’adressent pas à tous de manière indifférenciée, elles s’adressent aux disciples de Jésus. On ne peut donc pas les appliquer indifféremment à tous les pauvres, tous les affamés, les attristés, les exclus… mais ici seulement aux disciples. C’est important.
La pauvreté des disciples – à mettre en opposition avec la richesse des riches est donc particulière. Aux riches, Jésus dit : « car vous avez votre consolation ». La traduction est difficile et les manuscrits donnent plusieurs versions, mais qui convergent tous dans la même idée. La Consolation dont il est question est l’Esprit Saint – on l’appelle parfois « le Consolateur ». Or les riches de ce monde, soit se contentent de leurs richesses terrestres qui suffisent à leur consolation, à leur bonheur immédiat ; soit ils rejettent la véritable Consolation, l’Esprit Saint, dont ils n’ont pas besoin ici-bas. Conclusion : les pauvres – comme dit saint Matthieu – sont les pauvres qui sont en manque de l’Esprit Saint, qui attendent comme le Vieillard Syméon, justement, la « Consolation d’Israël », ou comme les Apôtres et les disciples de Jésus qui attendent l’Esprit de Pentecôte. Voilà les pauvres, qui aspirent à la Vie de Dieu.
Pour la suite, nous pouvons penser au Notre-Père : « donne-nous notre pain de ce jour », dont les disciples du Christ sont affamés ; et « pardonne-nous nos offenses » qui attristent le cœur de Jésus et ceux de ses disciples qui, dans l’attente de la miséricorde de Dieu, demeurent de pauvres pécheurs.
Ainsi donc, quand l’Esprit Saint est donné, qu’il soit don de la joie, de la lumière et de la paix du Royaume, qu’il soit Pain de la vie éternelle, et miséricorde de Dieu pour les pécheurs, alors « Ce jour-là, réjouissez-vous et tressaillez de joie » – exactement comme Jean-Baptiste a « tressailli » de joie dans le sein d’Élisabeth quand celle-ci fut remplie de l’Esprit Saint, lors de la Visitation. Saint Luc a expressément fait le lien, en employant les mêmes mots. Et nous savons qu’à la Pentecôte, les disciples sont remplis de joie.
Le don de l’Esprit Saint fait le partage entre les vrais prophètes et les faux prophètes. Les premiers sont, comme Jésus descendu de la montage, remplis d’une force vitale qui les dépasse, qui guérit et exorcise, mais qui suscite en même temps l’opposition des faux frères et des puissances du mauvais, Caïn et Og. Au contraire, les faux prophètes s’attirent de leur part une grande sympathie. Les amis de Jésus sont ostracisés et bannis, tandis que les simulateurs font la « une » des journaux télévisés.
 
L’enseignement des Béatitudes de Jésus aux disciples, c’est donc l’explication de ce qu’est l’union avec lui, dans l’Esprit Saint, selon la volonté du Père ; c’est le dévoilement du règne de Dieu, du visage de Dieu, de la vie de Dieu, à laquelle la foule des gens tout simples, Juifs ou païens, aspire de toutes ses forces, pour vivre.

dimanche 9 février 2025

09 février 2025 - GRAY - 5ème dimanche TO - Année C

Is 6, 1-2a.3-8 ; Ps 137 ; 1Co 15, 1-11 ; Lc 5,1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Après avoir été baptisé au Jourdain, où l’Esprit de Dieu s’est manifesté sur lui, et après avoir vaincu le démon tentateur au désert par sa sainteté, peu après que Jean le Baptiste ait été martyrisé, Jésus s’est mis à annoncer et à manifester, par des exorcismes et des guérisons, la venue du Règne de Dieu. C’est ainsi que des foules nombreuses se sont attachées à lui. Un peu comme Moïse au désert – accablé par la tâche du gouvernement du peuple – s’est organisé et donné des adjoints pour juger des affaires mineures, Jésus a manifestement voulu se donner, non seulement des disciples privilégiés, mais surtout des prédicateurs du Règne de Dieu comme lui : « Désormais, ce sont des hommes que tu prendras » dit-il à Simon-Pierre. Tel est l’objectif.

Les événements qui suivent nous montrent qu’on ne devient pas prédicateur du Règne de Dieu, apôtre ou prophète, par simple déclaration administrative, par élection démocratique, ni même par reconnaissance d’une vocation autoproclamée. Ni Pierre, ni Jacques, ni Jean, les fils de Zébédée, n’ont jamais rien demandé : ils n’ont fait que suivre les indications de Jésus.
 
C’est ainsi que Jésus commence par demander, très simplement, un service. Pierre y répond docilement : prêter son bateau pour que Jésus puisse s’en servir de podium, ne prête pas à grande conséquence. Au début donc, entre Jésus et Pierre, le service, la disponibilité, toute simple.
Puis Jésus propose à Pierre comme un défi, qui lui paraît presque absurde : avancer en eau profonde, pour y aller pêcher… alors qu’ils ont pêché toute la nuit sans rien prendre. La docilité de Pierre prend ici la forme supérieure de l’acte de foi : « Maître, sur ta parole, je vais jeter les filets. » Ce que Pierre, Jacques et Jean ne savent pas, c’est qu’en réalité, ce sont eux les poissons !
En effet, la quantité de poissons prise dans les filets est telle qu’ils se déchirent. La traduction est inexacte. Il est dit : « leurs filets allaient se déchirer », mais en grec ou en syriaque, c’est très clair : les filets « se déchiraient », ils « craquaient ». Car rien dans la création ne peut contenir la grâce qui vient de Dieu. C’est comme les six jarres de vin à Cana : elles n’étaient pas pleines, elles débordaient. La grâce de Dieu est si abondante qu’elle déborde ; sa gloire n’est pas lumineuse, elle est éblouissante. On rejoint ici la vision d’Isaïe dans le Temple, que nous avons entendu en première lecture. Pierre, Jacques et Jean sont tellement bouleversés que même les bateaux eux-mêmes commencent à couler… C’est la panique !
Pierre fait la même expérience qu’Isaïe en présence de Dieu : devant la manifestation de la gloire de Dieu, l’homme ébloui, émerveillé, se reconnaît en même temps immanquablement profondément pécheur : il n’est pas à la hauteur, il n’est pas en adéquation avec la sainteté de Dieu. Il se sent indigne : « Éloigne-toi de moi, Seigneur… car je suis un homme pécheur. » C’est l’heure de vérité, mais c’est aussi l’heure de la sainteté.
Dieu appelle les pécheurs pour en faire des saints, comme il le fait pour Isaïe : « Ceci a touché tes lèvres, et maintenant ta faute est enlevée, ton péché est pardonné. » ; et pour Pierre : « Sois sans crainte, désormais ce sont des hommes que tu prendras. »
 
Nous avons ici le secret de la vocation d’un prédicateur du Règne de Dieu, d’un prophète du Seigneur, d’un Apôtre. En fait, il n’a rien fait pour le devenir : il est simplement le bénéficiaire docile d’une grâce inouïe, où il a expérimenté de tout son cœur, de toute son âme et de tout son esprit l’amour du Seigneur, dont il devient témoin et débiteur. Témoin pour les autres : il devient prophète, ou apôtre. Mais aussi débiteur à l’égard du Seigneur : sa vie ne devient qu’Action de grâce.

Nous retrouvons ici les deux actes essentiels de l’Église pendant la messe : d’abord les lectures, où nous proclamons le témoignage ; puis l’eucharistie, où nous rendons grâce au Seigneur.
En fait, à la messe, nous faisons même plus, nous renouvelons le don de la grâce du Seigneur. En effet, les lectures sont comme l’enseignement donné par Jésus à la foule, au bord du lac. Puis, dans la prière eucharistique, nous partons en eau profonde – seuls les élus, les baptisés, y sont conviés. Et là, jetant le filet de l’offrande du pain et du vin, nous le remontons avec le Corps et le Sang de Jésus, par lesquels, à la communion, l’Esprit Saint nous est donné, débordant ce que nos sens ou nos intelligences peuvent en comprendre, dans ce grand mystère qu’est l’Eucharistie. Chaque messe est Cana, chaque messe est la pêche miraculeuse, dont nous sommes les témoins et les indignes débiteurs, appelés à la louange du Seigneur.

Je voudrais dire, pour terminer, qu’il y a désormais dans l’esprit de Pierre, Jacques et Jean, une certitude absolue – qui devient la pierre angulaire de leur foi : c’est que pour le Seigneur, avec le Seigneur, tout est possible. En son temps, de sa manière à lui, dans sa grande miséricorde pour les pécheurs, pour le Seigneur, avec le Seigneur, tout est possible. Que le Nom du Seigneur soit béni.

dimanche 2 février 2025

02 février 2025 - DAMPIERRE - Présentation du Seigneur au Temple - Année C

Ml 3, 1-4 ; Ps 23 ; He 2, 14-18 ; Lc 2, 22-40
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile de ce dimanche est très important pour comprendre la vie de Jésus et pour comprendre aussi ce qu’est l’Église, et quelle est sa vocation dans notre monde, et donc la nôtre.
 
Saint Luc nous raconte la Présentation au Temple. Il s’agit d’un rite prévu dans la Loi de Moïse pour tous les garçons premiers-nés et leur mère. Je dis leur mère, parce qu’en réalité c’est de la purification de la mère dont il s’agit. Chez nous, cela correspondait autrefois aux « relevailles », 40 jours après l’accouchement. À cette occasion la Loi demandait aux parents d’offrir un agneau – et, si on n’en avait pas les moyens, on pouvait offrir des tourterelles ou des petites colombes, ceci pour racheter l’enfant qui appartient à Dieu. Tout garçon premier-né appartient à Dieu. C’est ce que font Joseph et Marie, très religieusement, avec Jésus, qui a donc 40 jours. Et cela s’est réellement passé. Nous fêtons cet événement justement 40 jours après Noël : la liturgie de l’Église suit scrupuleusement l’Évangile.
 
Pourquoi cela est-il important ? Notez que juste avant l’évangile de ce jour, saint Luc avait mentionné la circoncision de l’enfant, au 8e jour, là aussi conformément à la Loi. Saint Luc insiste énormément pour dire que tout se passe conformément à la Loi, parce que c’est pour lui une manière d’expliquer ce qu’il se passe au 8ème jour et au 40e jour après la résurrection de Jésus – c’est-à-dire après sa nouvelle naissance dans la vie éternelle.
Au 8e jour, le dimanche, nous avons la conversion de l’Apôtre Thomas qui ne voulait pas croire tant qu’il n’avait pas touché le corps de Jésus ressuscité. Ce fut la circoncision de son cœur, quand il s’écria en voyant Jésus : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Et au 40e jour ce fut l’Ascension de Jésus au Ciel pour entrer dans la gloire de Dieu, de la même manière qu’aujourd’hui, c’est l’ascension de Jésus à Jérusalem pour entrer dans le Temple de Dieu. Lors de l’Ascension, il s’est présenté en offrande à son Père – car il est l’Agneau de Dieu – pour le rachat du monde ; de la même manière qu’aujourd’hui, le petit agneau Jésus qui est présenté au Temple, est racheté par deux petites colombes pour faire, là aussi, une offrande. Vous voyez bien que la Présentation au Temple et l’Ascension sont deux mystères qui se correspondent parfaitement. Ils doivent être médités ensemble.
Il est très important de comprendre – et c’est le but de saint Luc aujourd’hui – que les événements de la naissance de Jésus sur terre correspondent aux événements de sa naissance au ciel – et dans les deux cas, parfaitement selon l’ordre présenté par la Loi de Moïse.
 
Alors maintenant, comprenons qui sont Syméon et Anne. Le premier est manifestement un prêtre, puisqu’il porte l’enfant pendant le rituel et qu’à la fin il bénit ses parents. Certains pensent qu’il pourrait s’agir de Simon ben Boëthus, qui était le grand prêtre du Temple à cette époque. Ses paroles auraient alors encore plus de poids. Il exprime l’espérance du peuple d’Israël, serviteur de Dieu, qui attend dans l’obscurité de cette vie que se révèle la lumière de Dieu, le salut de Dieu. En hébreu « salut » se dit « ieschouah »… et l’enfant que Syméon tient dans ses bras s’appelle justement « Ieschouah » - Jésus. Ainsi Syméon peut-il vraiment se réjouir devant Dieu : « Mes yeux ont vu le salut – Jésus – que tu préparais à la face des peuples, lumière qui se révèle aux nations et donne gloire à ton peuple Israël. » Ainsi Syméon exprime la foi d’Israël et sa joie de voir Jésus, le Messie de Dieu, le salut de Dieu.
Anne, est une femme très curieuse. Elle est assez âgée : 84 ans. Comptez 7 x 12, perfection des Douze tribus d’Israël ou perfection des Douze Apôtres. Ce n’est pas un hasard. On la dit fille de Phanuel, de la tribu d’Aser. Phanuel est un nom qui signifie : « Face de Dieu » - là où Jacob vit Dieu face à face sans mourir. Et Aser est une des dix tribus perdues d’Israël. Or dans cette tribu un des fils d’Aser, Yeschoua, disparaît mystérieusement, et la tradition orale dit qu’il réapparaît un jour pour authentifier la Loi de Moïse. Donc Anne, cette femme, rien que par sa présence indique que Jésus est celui qui est attendu pour confirmer la Loi de Moïse, et qui est Dieu qui s’est fait visible. Or, la vie d’Anne, près du Temple, où elle ne cesse de jeûner, de prier et de proclamer la louange de Dieu ; le fait qu’elle soit veuve – en attente de retrouver son époux – la fait ressembler à Marie, à la fin de sa vie, mais surtout à l’Église. L’Église ne cesse de prier et de proclamer la louange de Dieu, par la célébration de la messe et l’annonce de l’Évangile. Elle attend le retour de son époux, le Christ. Elle ne s’éloigne pas du Saint des Saints, de la présence réelle de Dieu à l’autel, mais aussi de la communion fraternelle dans l’Esprit Saint. Anne, fille de Phanuel – qui voit Dieu face à face – est une figure de l’Église.
 
Alors voilà, à travers ce qui s’est réellement passé au Temple, ce 40e jour après la naissance de Jésus, saint Luc nous donne le sens de ces événements : Syméon et Anne représentent le peuple d’Israël et l’Église, qui se réjouissent de la présence de l’Enfant-Dieu qui est la lumière pour tous, le salut, la délivrance, parce que c’est lui qui le premier, offert comme un agneau, entre dans le Ciel, dans le véritable Temple du ciel, où il nous acquiert le don du pardon, de l’amour de Dieu, de sa miséricorde, de l’Esprit Saint.
Et c’est exactement ce que nous faisons, à notre tour, quand nous entrons dans l’Église et que nous offrons à Dieu notre Père, non pas des animaux, mais le pain et le vin, le Corps et le Sang de Jésus, l’Agneau de Dieu, pour recevoir de lui le don de l’Esprit, la vie éternelle, la sainte communion.

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