dimanche 26 janvier 2025

25-26 janvier 2025 - VAUCONCOURT - CUGNEY - 3ème dimanche TO - Année C

Ne 8, 2-4a.5-6.8-10 ; Ps 18 ; 1 Co 12, 12-30 ; Lc 1, 1-4 ; 4, 14-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Tout se tient. Commençons par Esdras. En 538 avant Jésus-Christ, il y a 2.500 ans, les Hébreux exilés à Babylone ont reçu de Cyrus, roi de Perse, ordre de revenir à Jérusalem, d’y vivre selon leur Loi – la Loi donnée par Dieu à Moïse – et d’y reconstruire le Temple du Seigneur. Lorsque Esdras prend la parole, depuis sa tribune de bois, il proclame donc la Loi en Hébreu, qu’il lit dans les rouleaux de la Torah. Chapitre après chapitre, des lévites assurent la traduction en araméen et expliquent le texte aux gens, pour qu’ils comprennent. Le rôle des lévites est très intéressant : il ont un rôle de prophètes. Les prophètes ne sont pas tant des gens qui font des prédictions, que des gens qui traduisent la Parole de Dieu et en donnent l’explication. C’est Dieu lui-même qui, par sa Parole, dit quelque chose de l’avenir.
 
Maintenant retrouvons Jésus, à la synagogue de Nazareth. Il se trouve dans le rôle d’Esdras, puisqu’on lui tend un livre de l’Écriture, pour qu’il en fasse la lecture. Normalement Jésus a fait cette lecture en Hébreu – ce qui signifie, par conséquent, qu’il savait lire, et même lire l’hébreu. Mais comme au temps d’Esdras, la plupart des gens parlaient l’araméen. Il fallait donc traduire et expliquer le texte. À la synagogue, encore aujourd’hui, c’est le rôle du targeman, du traducteur. Pour faciliter son travail, il existe des Targums de chaque livre biblique, c’est-à-dire des traductions plus ou moins officielles. Ceci explique pourquoi la citation d’Isaïe lue par Jésus que nous donne saint Luc ne correspond pas exactement au même passage du livre d’Isaïe en Hébreu : c’est manifestement une traduction en araméen, tirée d’un Targum d’Isaïe. Donc, après que Jésus ait lu Isaïe en Hébreu, soit lui-même, soit le targeman de la synagogue, l’ont traduit en araméen. Et Jésus a donné l’explication : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture, que vous venez d’entendre »
 
Passons ensuite à saint Luc qui rédige son évangile pour l’« excellent Théophile ». « Excellent » est un titre honorifique : Théophile est quelqu’un de très important. Alors que saint Luc a l’intention de « recueillir avec précision des informations » sur Jésus, il est impensable que Théophile ne soit pas un personnage réel. Le seul Théophile connu, qui puisse être qualifié d’« excellent » et qui mérite d’être mentionné comme tel dans un évangile, a été Grand Prêtre de 37 à 41. C’est un des fils du Grand Prêtre Hanne, beau-père de Caïphe. D’après certains exégètes, Théophile est aussi le grand père de Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode. Il n’y a que saint Luc qui parle de Jeanne dans son évangile ; manifestement, il l’a fait exprès. Pourquoi tout cela est-il important ? Voilà comment il faut comprendre les choses :
Jésus est lui-même la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu qui s’est fait chair parmi nous et s’est rendu visible à nous. Il est donc lui-même la source de la Loi qui a été donnée à Moïse. Ainsi, lorsque les Apôtres proclament l’Évangile, ils proclament la Parole de Dieu, c’est-à-dire Jésus, sa vie, ses enseignements et ses actes. Leur témoignage direct est celui des « témoins oculaires et serviteurs de la Parole » dont parle saint Luc. On appelle leur témoignage la « Tradition apostolique ». En fait, les Apôtres sont comme Esdras : ils proclament la « Loi nouvelle » en hébreu ; ou bien ils sont comme Jésus dans la synagogue : ils lisent « la Parole » directement dans le texte.
Mais pour que Théophile puisse saisir de quoi il est vraiment question, c’est-à-dire qui est vraiment Jésus, il faut lui raconter et lui expliquer dans un langage qu’il puisse comprendre. Saint Luc fonctionne donc comme les lévites d’Esdras, ou comme le targeman qui lit le Targum, la traduction d’Isaïe : il traduit la « Tradition apostolique », et il l’explique de telle sorte qu’un Grand Prêtre puisse comprendre.
Ceci est très important pour nous. Cela veut dire que l’évangile de Luc, comme celui de Marc, ou celui de Matthieu, sont des traductions et des explications du seul et véritable Évangile qu’est Jésus lui-même, sa vie, ses enseignements et ses actes – selon la Tradition apostolique. Et bien sûr, les évangiles sont des traductions et des explications à des publics différents. C’est pourquoi ils ne sont pas exactement les mêmes et ils n’insistent pas sur les mêmes choses. Les évangiles ne sont pas la Parole de Dieu, mais ils nous parlent et nous expliquent la seule vraie Parole de Dieu qui est Jésus lui-même.
 
Et terminons par nous aujourd’hui. Voici la tribune [= l’ambon] où Esdras proclame la Loi de Moïse et où Jésus lit le livre d’Isaïe. C’est là que se font les lectures des Écritures. Et bien sûr, c’est là que nous proclamons la Loi nouvelle, la Parole de Dieu, Jésus lui-même, à travers la lecture d’un évangile. Évidemment, même si nous les écoutons en français, les Écritures ont des milliers d’années, et les évangiles ont bientôt deux mille ans ! Qui peut comprendre leur langage du premier coup ? C’est pourquoi, après avoir lu les Écritures et proclamé l’Évangile, il me revient, comme les lévites d’Esdras, comme le targeman dans la synagogue, comme saint Luc pour Théophile, de vous traduire en français d’aujourd’hui ce qui a été lu et de l’expliquer, de sorte que tout le monde puisse comprendre. Je sais que ce n’est pas facile, mais c’est ainsi que se fait la transmission de la Parole de Dieu chez les Hébreux, les juifs et les chrétiens, dans les synagogues et dans les églises. Sur ce point, on est les mêmes, parce que notre Dieu est unique et il est toujours le même.

dimanche 19 janvier 2025

19 janvier 2025 - VALAY - 2ème dimanche TO - Année C

Is 62, 1-5 ; Ps 95 ; 1 Co 12, 4-11 ; Jn 2, 1-11
 
Chers frères et sœurs,
 
Le prophète Isaïe a fait savoir que le Seigneur épouserait lui-même Sion, c’est-à-dire son peuple d’abord, et plus largement l’humanité. Un chrétien comprend que l’épouse de Dieu, c’est l’Église. Comme cette annonce suscite une grande joie, Sion, le Peuple de Dieu, l’Église, y répondent par le psaume 95 : « Chantez au Seigneur et bénissez son nom ! » - c’est pourquoi aussi, dans notre prière, nous disons : « Que ton Nom soit sanctifié. »
Isaïe dit également : « ton Bâtisseur t’épousera. » Justement, les premiers chrétiens ont comparé l’Église à une tour, une construction, faite de multiples pierres élevées sur la Pierre angulaire qu’est le Christ, dont saint Pierre porte témoignage. C’est de cette multiplicité de pierres dont parle saint Paul aux Corinthiens : « les dons de la grâce sont variés, mais c’est le même Esprit » ; « À chacun est donnée la manifestation de l’Esprit en vue du bien. » La multiplicité des vocations dans l’Église est suscitée par un unique Esprit pour l’expression d’un seul bien : la communion dans l’unique Corps du Christ, le repas des noces de Dieu avec son Peuple.
Ainsi donc, les textes de ce jour nous invitent à comprendre le signe de Cana comme l’annonce du mariage entre Dieu et l’Église, où sera célébrée une alliance encore inconnue sur la terre, une alliance célébrée par le partage d’un vin nouveau, très bon et inépuisable, éternel, dont saint Paul nous dit qu’il est Esprit.
La manière dont saint Jean rapporte les événements de Cana nous invite à retrouver cette lecture. Tout d’abord, comme toujours chez saint Jean, le récit est parfaitement factuel, historique. Car pour lui, c’est dans la réalité des événements que se manifeste leur véritable sens. Autrement, c’est de l’idéologie.
 
Que se passe-t-il donc ? Marie, Jésus et ses disciples sont à un mariage, où… il n’y a pas de vin. Il n’est pas très clair dans les textes de comprendre si il n’y a plus de vin – parce que les invités ont déjà tout bu – ou si il n’y en a pas dès le départ. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a certainement pas le vin dont parle la Vierge Marie qui, dans l’esprit de saint Jean, est un vin très spécial, unique : le vin nouveau de la vie éternelle, l’Esprit Saint.
 
Jésus répond à sa mère. Ici aussi, le sens du texte est ambigu. Jésus rabroue-t-il Marie, comme si elle était une horrible Ève tentatrice ? Ou bien veut-il lui faire comprendre que ce n’est pas leur problème de résoudre des défauts d’intendance ? Dans l’esprit de saint Jean, on peut retourner ces deux questions : Marie, la nouvelle Ève, Sion, figure l’Église qui prie son Dieu de lui donner – ainsi qu’à toute l’humanité – ce dont elle a besoin pour vivre : l’Esprit Saint. Il ne s’agit donc pas d’abord d’un problème d’intendance humaine, mais pour le moins de l’accomplissement de la volonté du Père. C’est pourquoi Jésus n’objecte pas sur le fond, mais seulement sur l’heure. On voit bien, dans l’évangile que, pour Jésus aussi, il n’est pas tant question de vin à boire que du véritable vin qui vient de Dieu, l’Esprit Saint.
Marie est étonnante. Jésus a botté en touche, mais… elle marque le but : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » C’est la toute dernière parole de Marie dans les évangiles. Elle s’adresse aux serviteurs de l’époux ; c’est-à-dire aux Apôtres. Et c’est à eux qu’il revient d’accomplir, par leur obéissance à Jésus, ce qui faut faire pour obtenir le vin nouveau, à partir de la simplicité des dons qu’ils présentent, c’est-à-dire de l’eau. N’oubliez pas cette parole de Jésus : « Faites cela, en mémoire de moi. » Et réentendons la parole de Marie : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. »
 
Il y a donc là six jarres de pierre. Six, signe d’imperfection. Car la septième jarre de pierre est Jésus lui-même, le rocher d’où sort l’eau vive dans le désert, et le corps transpercé de Jésus en croix, duquel s’épanchent l’eau et le sang, signes de l’Esprit. Jésus demande que les jarres soient remplies « jusqu’au-dessus » : cela déborde ! Car, dans son abondance, le don de Dieu dépasse toujours les capacités humaines à le recevoir. Dieu en fait toujours trop ; c’est typique de sa part. Il est comme ça.
 
Là, le maître du repas ne comprend pas : « tu as gardé – dit-il au marié – le bon vin jusqu’à maintenant ! » Comme saint Luc, Jean pratique le jeu des petits cailloux semés sur le chemin, pour nous conduire à comprendre quelque chose. Ici le caillou, c’est : « jusqu’à maintenant ». Cette expression signifie deux choses. D’une part que « maintenant » est arrivé le temps de la fin de la plus grande détresse qu’on puisse connaître dans toute l’histoire du monde. C’est la fin du cauchemard et c’est le retour de la lumière, de la paix et de la joie : la résurrection, la naissance du monde nouveau. Et d’autre part « jusqu’à maintenant », dans le livre d’Esdras, c’était la construction du Temple de Jérusalem au retour de l’Exil à Babylone ; et « maintenant », c’est son achèvement. Le Temple, c’est la construction, la tour, l’Église dont Isaïe parlait tout à l’heure.
 
Alors, que devons-nous conclure ? À l’occasion des noces de Cana, où il y a eu un défaut matériel de vin, à la demande de Marie, Jésus a fait surgir du bon vin dans des jarres et l’a fait distribuer par des serviteurs. Pour saint Jean, et pour nous, ce vin est d’abord le signe de l’Esprit Saint, qui est répandu en abondance pour l’Église, pour construire l’Église, corps du Christ et nouveau Temple de Dieu.
Ce vin est donné « maintenant », c’est-à-dire au jour de la résurrection, le « troisième jour », comme pour des noces. Mais ce vin est aussi et déjà celui de la communion eucharistique : « Faites cela en mémoire de moi » a dit Jésus à ses disciples, comme Marie a dit aux serviteurs : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le. » Il est donc très clair qu’à chaque messe – c’est-à-dire « maintenant » – nous sommes à Cana ! Et quand nous serons au ciel, nous y serons aussi, dans la joie de l’Esprit.

dimanche 12 janvier 2025

12 janvier 2025 - Baptême du Seigneur - Année C

 Is 40, 1-5.9-11 ; Ps 103 ; Tt 2, 11-14 ; 3, 4-7 ; Lc 3, 15-16.21-22
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous voulons comprendre ce que nous dit saint Luc dans l’évangile de ce jour, il faut procéder en trois étapes.
 
La première concerne l’identité de Jean-Baptiste et le sens de son baptême. Jean était-il le Christ – c’est-à-dire l’« oint du Seigneur » ? En Israël, il pouvait y avoir trois types d’« oints du Seigneur » : les rois, les prophètes et les prêtres.
À l’évidence Jean-Baptiste n’était pas un christ-roi : il n’en avait aucune légitimité. Christ-prophète, il pouvait l’être, en raison du fait qu’il était « nazir » - un nazir est un premier-né consacré à Dieu depuis sa naissance. Et c’était bien le cas de Jean-Baptiste. D’ailleurs, l’évangile dit que sur Jean-Baptiste reposait l’esprit du prophète Élie. Mais Jean pouvait être aussi un christ-prêtre. En effet, son père Zacharie lui-même était prêtre, descendant d’Aaron, de la classe d’Abia. En raison de cette généalogie, Jean, en effet, est un prêtre tout à fait légitime, digne même d’être grand-prêtre. Alors les gens s’interrogent, car ils savent bien que les Grands-Prêtres nommés par Hérode le Grand et les Romains sont illégitimes, eux.
Se pose alors la question du baptême que Jean pratique au bord du Jourdain. En effet, le baptême est d’abord un acte sacerdotal : il est une purification nécessaire du Grand Prêtre, plus généralement des prêtres et des lévites, avant tout sacrifice, avant toute offrande à présenter à Dieu dans son Temple. Par extension, tout le Peuple de Dieu ayant vocation à présenter l’offrande de sa prière à Dieu, doit lui-aussi être purifié. C’est ainsi que sortant d’Égypte sous la conduite de Moïse, le peuple est purifié dans la Mer Rouge avant de pouvoir accéder, par un temps de Désert, à la Présence de Dieu au Sinaï. De même au temps de Josué : c’est après avoir été purifié par le passage du Jourdain, que le Peuple a pu entrer en Terre Promise avant de pouvoir accéder, finalement, à Jérusalem.
Ainsi, le baptême de Jean peut être compris de deux manières. Pour le peuple, il s’agit de se purifier, car le Messie devant venir, de nouveau la Terre Promise sera rendue accessible et Dieu s’y manifestera. Dans ce sens, Jean-Baptiste se présente plutôt comme un Christ-prophète, qui prépare le peuple à la venue de Dieu. Mais pour saint Luc, et pour Jean-Baptiste, et Jésus, il faut voir le baptême de Jean différemment. C’est la deuxième étape.
 
Quand Jésus se présente au baptême, qui est-il ? En fait, c’est bien lui, le Christ. Mais quel Christ ? Un christ-roi, un christ-prophète ou un christ-prêtre ?
Christ-roi, il l’est de naissance : il est fils de Marie, fille de David, et adopté par Joseph, fils de David. Jésus est de lignée royale à 100% : il ne lui manque que l’onction donnée par le Grand-Prêtre pour activer sa royauté. Or, nous l’avons vu, Jean-Baptiste est légitime en tant que Grand-Prêtre. Le baptême de Jésus peut être vu comme une onction royale. Et il l’est.
Christ-prophète ? Comme Jean, Jésus est un premier-né consacré à Dieu dès sa naissance. Comme lui, il est célibataire et respecte intégralement les commandements de la Loi. La descente de la colombe l’atteste : par l’Esprit qui repose sur lui, il est christ-prophète. Un prophète n’est pas tant quelqu’un qui fait des prophéties, qui annonce l’avenir ; ça, ce n’est qu’un aspect de la prophétie. Un prophète, c’est d’abord celui qui est habité par l’Esprit de Dieu et qui parle et agit au nom de Dieu, et qui explique le sens de son témoignage. C’est celui qui traduit la Parole de Dieu pour la rendre accessible aux gens de son temps. C’est un ange humain, en quelque sorte. Ainsi Jésus est d’autant plus Christ-prophète qu’il est lui-même le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. Il est 100% prophète.
Est-il aussi un Christ-prêtre ? Ah, voilà la grave question ! Et la réponse est certainement une surprise aussi pour Jean-Baptiste, lui-même. Cela voudrait dire que Jean-Baptiste, en tant que prêtre, baptiserait, purifierait Jésus en tant que Grand-Prêtre – le vrai Christ-prêtre –, avant qu’il présente lui-même le sacrifice parfait à offrir à Dieu. Et c’est aussi pourquoi il fallait que le peuple soit purifié lui-aussi auparavant, pour être prêt, pour le véritable sacrifice. Mais c’est exactement ce qu’il se passe !
Après que le peuple et Jésus ont été baptisés, Jésus s’est mis à prier et le ciel s’est ouvert. Cela, il n’y a qu’un Grand-Prêtre qui peut le faire : il prie devant le rideau du Temple, et le rideau s’ouvre pour lui donner accès – à lui et à son offrande – au Saint des Saints où se trouve la Présence de Dieu. De fait, Dieu répond à la prière de Jésus : l’Esprit Saint se manifeste, et une parole se fait entendre. Saint Luc est amusant, il essaye de nous expliquer comment s’est présenté l’Esprit Saint : « sous une apparence corporelle, comme une colombe »… ce n’est vraiment pas très clair. Mais c’est le même langage apocalyptique que la vision d’Ézéchiel : « Au-dessus de ce firmament, il y avait une forme de trône, qui ressemblait à du saphir ; et, sur ce trône, quelqu’un qui avait l’aspect d’un être humain, au-dessus, tout en haut… » Ainsi, le ciel est ouvert et Jésus a la vision de l’aspect de l’Esprit Saint, comme une colombe : le Christ-prêtre a accès au trône de Dieu, à sa Présence, dans le Saint des Saints. Et la voix dit : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Le fils « bien-aimé », c’est Isaac, le fils unique, présenté par Abraham en offrande. En lui le Père « trouve sa joie » ; il faut traduire : « il agrée son sacrifice ». Donc Jésus est non seulement le vrai Christ-prêtre, mais il est aussi son offrande parfaite.
 
Alors, chers frères et sœurs, troisième étape et pour finir, que sommes-nous, nous qui sommes baptisés dans l’Esprit Saint et le feu, si Jésus est le véritable et unique Christ-roi, Christ-prophète et Christ-prêtre ? Mais, pareil… Nous avons été baptisés dans le même Esprit Saint ! C’est le bénéfice de l’offrande de la vie de Jésus sur la Croix, de l’agrément de son sacrifice par le Père, et du don de l’Esprit Saint sur l’Église qui en résulte, à la Pentecôte ! Notre baptême a fait de nous, par l’Esprit, des membres du corps du Christ, appartenant au règne de Dieu, la communion des saints ; des prophètes de l’Évangile ; et des prêtres pour nous offrir à notre tour, par amour pour Dieu et pour notre prochain, comme le Christ.
Vous avez le vertige ? C’est normal… à la Pentecôte, les apôtres étaient comme pleins de vin doux !

dimanche 5 janvier 2025

04-05 janvier 2025 - CHARCENNE - VALAY - Epiphanie du Seigneur - Année C

Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
 
Chers frères et sœurs,
 
Au temps du roi Hérode, tout Israël est plongé dans les ténèbres. Acclamé comme roi de Judée par le Sénat Romain, alors qu’il n’est pas juif d’origine mais simplement converti, Hérode, qui s’est imposé partout par la force, n’a cessé de craindre pour la légitimité de son pouvoir. Ainsi a-t-il fait assassiner entre-autres sa femme, son beau-frère, sa belle-mère, et trois de ses fils... Pour s’acheter les bonnes grâces du peuple d’Israël, il a fait construire magnifiquement le second Temple de Jérusalem, mais ayant évincé la hiérarchie sacerdotale traditionnelle qui pouvait elle aussi contester sa légitimité, il l’a fait remplacer par une hiérarchie à sa main, provenant d’Égypte ou de Babylone. Bref, le pouvoir d’Hérode est très fragile : chez lui tout sonne faux et il en est d’autant plus dangereux.
 
Or, voilà que devant cet homme sanguinaire se présentent trois mages orientaux qui lui annoncent être venus à Jérusalem pour adorer le roi des Juifs – le vrai – qui venait de naître. Il fallait qu’ils soient vraiment sûrs d’eux ou complètement inconscients, car la provocation politique est énorme ! S’ils n’avaient pas la qualité de prêtres et de savants, et ne bénéficiaient pas d’une sorte d’immunité, Hérode aurait dû au minimum les faire découper en petits cubes. Mais le diable est intelligent : il a besoin d’eux pour trouver l’enfant, le seul qui soit pour lui vraiment à faire disparaître. Nous savons que les mages déjoueront heureusement ce piège et retourneront directement dans leur pays, laissant Hérode massacrer les saints Innocents pour tenter de faire périr Jésus.
 
Jusque-là, chers frères et sœurs, il n’y a rien dans ce que je vous ai dit qui ne soit parfaitement historique. Certains, même des prêtres, ne croient pas à cette histoire des mages. Et pourtant, l’année de la naissance de Jésus, par trois fois dans la constellation des Poissons, Jupiter et Saturne se sont croisés, et ont indiqué aux mages zoroastriens – savants astrologues – qu’un grand Roi était né en Israël. Mais en bons scientifiques, les mages avaient besoin d’une seconde preuve, une seconde indication, pour confirmer la naissance du vrai roi. Ils sont venus la chercher à Jérusalem, dans les Écritures sacrées des Juifs. Et c’est bien là, selon le livre des Nombres, et celui des Psaumes, confirmés par les prophéties de Michée et d’Isaïe, que les mages obtiennent la précieuse information de la naissance de Jésus à Bethléem, chef-lieu des tribus de Juda, la ville du Roi David. Les deux témoignages des astres et des Écritures se rejoignent, se complètent, et confirment l’identité royale de Jésus : Jésus est le vrai roi d’Israël. Politiquement, c’est la mort d’Hérode.
 
Mais saint Mathieu va beaucoup plus loin que d’établir la royauté de Jésus. En effet, voilà que les mages entrent dans la maison, et, à la vue de l’enfant avec sa mère, ils se prosternent devant lui et lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Il faut traduire. Les mages, qui sont des prêtres du Dieu Mardouk, entrent dans la maison comme dans le Temple. Là, se trouve l’arche d’Alliance sur laquelle repose la Présence de Dieu, comme sur les genoux de sa Mère repose l’Enfant Jésus – Emmanuel – Dieu avec nous. Là, les prêtres accomplissent leur devoir sacerdotal : ils font l’offrande de l’or, de l’encens et de la myrrhe, au Dieu qu’ils sont venus adorer. C’est bien ce qu’ils font pour Jésus qui est roi, offrande de l’or ; qui est Dieu, offrande de l’encens ; et qui comme prêtre et victime va donner sa vie sur la croix pour le salut du monde, ils font aussi l’offrande de la myrrhe – pour embaumer son corps de chair, tel le corps d’un roi. Jésus est le vrai Roi, vraiment Dieu et vraiment homme. Voilà ce que signifie l’adoration des mages. Une fois leur service terminé, les mages retournent chez eux avec – non seulement une grande joie au cœur – mais aussi et surtout une paix immense à annoncer à toute la terre. Car le démon Hérode, même s’il peut encore se débattre – et il va le faire jusqu’au bout – en réalité est perdu : la lumière du vrai Dieu s’est levée sur le monde, et il est roi de Paix.
 
Chers frères et sœurs, la fête de l’Épiphanie n’est pas d’abord une invitation pour tous les peuples de la terre à rejoindre le Christ dans une même adoration, mais elle est d’abord la manifestation de Dieu – et c’est cela que signifie Épiphanie – la manifestation de la lumière dans les ténèbres, selon les promesses inscrites dans la création et dans les Écritures. Les hommes ne sont pas dignes de cette manifestation ; beaucoup n’y croient pas ; beaucoup ne l’attendent même pas. Mais c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Et il s’est trouvé deux parents, quelques bergers, trois rois mages pour le voir et le croire, prémices de peuples nombreux. Heureux sont-ils, et nous avec eux. 

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