dimanche 12 janvier 2025

12 janvier 2025 - Baptême du Seigneur - Année C

 Is 40, 1-5.9-11 ; Ps 103 ; Tt 2, 11-14 ; 3, 4-7 ; Lc 3, 15-16.21-22
 
Chers frères et sœurs,
 
Si nous voulons comprendre ce que nous dit saint Luc dans l’évangile de ce jour, il faut procéder en trois étapes.
 
La première concerne l’identité de Jean-Baptiste et le sens de son baptême. Jean était-il le Christ – c’est-à-dire l’« oint du Seigneur » ? En Israël, il pouvait y avoir trois types d’« oints du Seigneur » : les rois, les prophètes et les prêtres.
À l’évidence Jean-Baptiste n’était pas un christ-roi : il n’en avait aucune légitimité. Christ-prophète, il pouvait l’être, en raison du fait qu’il était « nazir » - un nazir est un premier-né consacré à Dieu depuis sa naissance. Et c’était bien le cas de Jean-Baptiste. D’ailleurs, l’évangile dit que sur Jean-Baptiste reposait l’esprit du prophète Élie. Mais Jean pouvait être aussi un christ-prêtre. En effet, son père Zacharie lui-même était prêtre, descendant d’Aaron, de la classe d’Abia. En raison de cette généalogie, Jean, en effet, est un prêtre tout à fait légitime, digne même d’être grand-prêtre. Alors les gens s’interrogent, car ils savent bien que les Grands-Prêtres nommés par Hérode le Grand et les Romains sont illégitimes, eux.
Se pose alors la question du baptême que Jean pratique au bord du Jourdain. En effet, le baptême est d’abord un acte sacerdotal : il est une purification nécessaire du Grand Prêtre, plus généralement des prêtres et des lévites, avant tout sacrifice, avant toute offrande à présenter à Dieu dans son Temple. Par extension, tout le Peuple de Dieu ayant vocation à présenter l’offrande de sa prière à Dieu, doit lui-aussi être purifié. C’est ainsi que sortant d’Égypte sous la conduite de Moïse, le peuple est purifié dans la Mer Rouge avant de pouvoir accéder, par un temps de Désert, à la Présence de Dieu au Sinaï. De même au temps de Josué : c’est après avoir été purifié par le passage du Jourdain, que le Peuple a pu entrer en Terre Promise avant de pouvoir accéder, finalement, à Jérusalem.
Ainsi, le baptême de Jean peut être compris de deux manières. Pour le peuple, il s’agit de se purifier, car le Messie devant venir, de nouveau la Terre Promise sera rendue accessible et Dieu s’y manifestera. Dans ce sens, Jean-Baptiste se présente plutôt comme un Christ-prophète, qui prépare le peuple à la venue de Dieu. Mais pour saint Luc, et pour Jean-Baptiste, et Jésus, il faut voir le baptême de Jean différemment. C’est la deuxième étape.
 
Quand Jésus se présente au baptême, qui est-il ? En fait, c’est bien lui, le Christ. Mais quel Christ ? Un christ-roi, un christ-prophète ou un christ-prêtre ?
Christ-roi, il l’est de naissance : il est fils de Marie, fille de David, et adopté par Joseph, fils de David. Jésus est de lignée royale à 100% : il ne lui manque que l’onction donnée par le Grand-Prêtre pour activer sa royauté. Or, nous l’avons vu, Jean-Baptiste est légitime en tant que Grand-Prêtre. Le baptême de Jésus peut être vu comme une onction royale. Et il l’est.
Christ-prophète ? Comme Jean, Jésus est un premier-né consacré à Dieu dès sa naissance. Comme lui, il est célibataire et respecte intégralement les commandements de la Loi. La descente de la colombe l’atteste : par l’Esprit qui repose sur lui, il est christ-prophète. Un prophète n’est pas tant quelqu’un qui fait des prophéties, qui annonce l’avenir ; ça, ce n’est qu’un aspect de la prophétie. Un prophète, c’est d’abord celui qui est habité par l’Esprit de Dieu et qui parle et agit au nom de Dieu, et qui explique le sens de son témoignage. C’est celui qui traduit la Parole de Dieu pour la rendre accessible aux gens de son temps. C’est un ange humain, en quelque sorte. Ainsi Jésus est d’autant plus Christ-prophète qu’il est lui-même le Verbe de Dieu, la Parole de Dieu. Il est 100% prophète.
Est-il aussi un Christ-prêtre ? Ah, voilà la grave question ! Et la réponse est certainement une surprise aussi pour Jean-Baptiste, lui-même. Cela voudrait dire que Jean-Baptiste, en tant que prêtre, baptiserait, purifierait Jésus en tant que Grand-Prêtre – le vrai Christ-prêtre –, avant qu’il présente lui-même le sacrifice parfait à offrir à Dieu. Et c’est aussi pourquoi il fallait que le peuple soit purifié lui-aussi auparavant, pour être prêt, pour le véritable sacrifice. Mais c’est exactement ce qu’il se passe !
Après que le peuple et Jésus ont été baptisés, Jésus s’est mis à prier et le ciel s’est ouvert. Cela, il n’y a qu’un Grand-Prêtre qui peut le faire : il prie devant le rideau du Temple, et le rideau s’ouvre pour lui donner accès – à lui et à son offrande – au Saint des Saints où se trouve la Présence de Dieu. De fait, Dieu répond à la prière de Jésus : l’Esprit Saint se manifeste, et une parole se fait entendre. Saint Luc est amusant, il essaye de nous expliquer comment s’est présenté l’Esprit Saint : « sous une apparence corporelle, comme une colombe »… ce n’est vraiment pas très clair. Mais c’est le même langage apocalyptique que la vision d’Ézéchiel : « Au-dessus de ce firmament, il y avait une forme de trône, qui ressemblait à du saphir ; et, sur ce trône, quelqu’un qui avait l’aspect d’un être humain, au-dessus, tout en haut… » Ainsi, le ciel est ouvert et Jésus a la vision de l’aspect de l’Esprit Saint, comme une colombe : le Christ-prêtre a accès au trône de Dieu, à sa Présence, dans le Saint des Saints. Et la voix dit : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. » Le fils « bien-aimé », c’est Isaac, le fils unique, présenté par Abraham en offrande. En lui le Père « trouve sa joie » ; il faut traduire : « il agrée son sacrifice ». Donc Jésus est non seulement le vrai Christ-prêtre, mais il est aussi son offrande parfaite.
 
Alors, chers frères et sœurs, troisième étape et pour finir, que sommes-nous, nous qui sommes baptisés dans l’Esprit Saint et le feu, si Jésus est le véritable et unique Christ-roi, Christ-prophète et Christ-prêtre ? Mais, pareil… Nous avons été baptisés dans le même Esprit Saint ! C’est le bénéfice de l’offrande de la vie de Jésus sur la Croix, de l’agrément de son sacrifice par le Père, et du don de l’Esprit Saint sur l’Église qui en résulte, à la Pentecôte ! Notre baptême a fait de nous, par l’Esprit, des membres du corps du Christ, appartenant au règne de Dieu, la communion des saints ; des prophètes de l’Évangile ; et des prêtres pour nous offrir à notre tour, par amour pour Dieu et pour notre prochain, comme le Christ.
Vous avez le vertige ? C’est normal… à la Pentecôte, les apôtres étaient comme pleins de vin doux !

dimanche 5 janvier 2025

04-05 janvier 2025 - CHARCENNE - VALAY - Epiphanie du Seigneur - Année C

Is 60, 1-6 ; Ps 71 ; Ep 3, 2-3a.5-6 ; Mt 2, 1-12
 
Chers frères et sœurs,
 
Au temps du roi Hérode, tout Israël est plongé dans les ténèbres. Acclamé comme roi de Judée par le Sénat Romain, alors qu’il n’est pas juif d’origine mais simplement converti, Hérode, qui s’est imposé partout par la force, n’a cessé de craindre pour la légitimité de son pouvoir. Ainsi a-t-il fait assassiner entre-autres sa femme, son beau-frère, sa belle-mère, et trois de ses fils... Pour s’acheter les bonnes grâces du peuple d’Israël, il a fait construire magnifiquement le second Temple de Jérusalem, mais ayant évincé la hiérarchie sacerdotale traditionnelle qui pouvait elle aussi contester sa légitimité, il l’a fait remplacer par une hiérarchie à sa main, provenant d’Égypte ou de Babylone. Bref, le pouvoir d’Hérode est très fragile : chez lui tout sonne faux et il en est d’autant plus dangereux.
 
Or, voilà que devant cet homme sanguinaire se présentent trois mages orientaux qui lui annoncent être venus à Jérusalem pour adorer le roi des Juifs – le vrai – qui venait de naître. Il fallait qu’ils soient vraiment sûrs d’eux ou complètement inconscients, car la provocation politique est énorme ! S’ils n’avaient pas la qualité de prêtres et de savants, et ne bénéficiaient pas d’une sorte d’immunité, Hérode aurait dû au minimum les faire découper en petits cubes. Mais le diable est intelligent : il a besoin d’eux pour trouver l’enfant, le seul qui soit pour lui vraiment à faire disparaître. Nous savons que les mages déjoueront heureusement ce piège et retourneront directement dans leur pays, laissant Hérode massacrer les saints Innocents pour tenter de faire périr Jésus.
 
Jusque-là, chers frères et sœurs, il n’y a rien dans ce que je vous ai dit qui ne soit parfaitement historique. Certains, même des prêtres, ne croient pas à cette histoire des mages. Et pourtant, l’année de la naissance de Jésus, par trois fois dans la constellation des Poissons, Jupiter et Saturne se sont croisés, et ont indiqué aux mages zoroastriens – savants astrologues – qu’un grand Roi était né en Israël. Mais en bons scientifiques, les mages avaient besoin d’une seconde preuve, une seconde indication, pour confirmer la naissance du vrai roi. Ils sont venus la chercher à Jérusalem, dans les Écritures sacrées des Juifs. Et c’est bien là, selon le livre des Nombres, et celui des Psaumes, confirmés par les prophéties de Michée et d’Isaïe, que les mages obtiennent la précieuse information de la naissance de Jésus à Bethléem, chef-lieu des tribus de Juda, la ville du Roi David. Les deux témoignages des astres et des Écritures se rejoignent, se complètent, et confirment l’identité royale de Jésus : Jésus est le vrai roi d’Israël. Politiquement, c’est la mort d’Hérode.
 
Mais saint Mathieu va beaucoup plus loin que d’établir la royauté de Jésus. En effet, voilà que les mages entrent dans la maison, et, à la vue de l’enfant avec sa mère, ils se prosternent devant lui et lui offrent de l’or, de l’encens et de la myrrhe. Il faut traduire. Les mages, qui sont des prêtres du Dieu Mardouk, entrent dans la maison comme dans le Temple. Là, se trouve l’arche d’Alliance sur laquelle repose la Présence de Dieu, comme sur les genoux de sa Mère repose l’Enfant Jésus – Emmanuel – Dieu avec nous. Là, les prêtres accomplissent leur devoir sacerdotal : ils font l’offrande de l’or, de l’encens et de la myrrhe, au Dieu qu’ils sont venus adorer. C’est bien ce qu’ils font pour Jésus qui est roi, offrande de l’or ; qui est Dieu, offrande de l’encens ; et qui comme prêtre et victime va donner sa vie sur la croix pour le salut du monde, ils font aussi l’offrande de la myrrhe – pour embaumer son corps de chair, tel le corps d’un roi. Jésus est le vrai Roi, vraiment Dieu et vraiment homme. Voilà ce que signifie l’adoration des mages. Une fois leur service terminé, les mages retournent chez eux avec – non seulement une grande joie au cœur – mais aussi et surtout une paix immense à annoncer à toute la terre. Car le démon Hérode, même s’il peut encore se débattre – et il va le faire jusqu’au bout – en réalité est perdu : la lumière du vrai Dieu s’est levée sur le monde, et il est roi de Paix.
 
Chers frères et sœurs, la fête de l’Épiphanie n’est pas d’abord une invitation pour tous les peuples de la terre à rejoindre le Christ dans une même adoration, mais elle est d’abord la manifestation de Dieu – et c’est cela que signifie Épiphanie – la manifestation de la lumière dans les ténèbres, selon les promesses inscrites dans la création et dans les Écritures. Les hommes ne sont pas dignes de cette manifestation ; beaucoup n’y croient pas ; beaucoup ne l’attendent même pas. Mais c’est Dieu qui nous a aimés le premier. Et il s’est trouvé deux parents, quelques bergers, trois rois mages pour le voir et le croire, prémices de peuples nombreux. Heureux sont-ils, et nous avec eux. 

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