dimanche 6 octobre 2024

05-06 octobre 2024 - NANTILLY - FEDRY - 27ème dimanche TO - Année B

 Gn 2, 18-24 ; Ps 127 ; He 2, 9-11 ; Mc 10, 2-16
 
Chers frères et sœurs,
 
Comment lisez-vous l’Évangile ? L’Évangile, on peut le lire au premier degré, selon le sens commun. On y apprend aujourd’hui que Jésus s’oppose au divorce, parce que « ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas », selon que l’homme et la femme ont été créés par Dieu pour ne faire qu’une seule chair, ainsi qu’il est dit dans le livre de la Genèse. Et si Moïse a permis de rédiger un acte de répudiation, c’est par simple pragmatisme, en raison de la dureté du cœur des hommes. Nous voyons tous les jours, combien en effet le cœur des hommes – et des femmes aussi – est parfois bien dur, malheureusement,
Et justement, il y a là un problème dans l’Évangile de Marc, qu’on ne trouve ni chez Matthieu ni chez Luc, lorsque Jésus évoque cette question. C’est que, selon Marc, Jésus évoque aussi la possibilité que des femmes puissent renvoyer leur mari. Voilà qui est tout à fait extraordinaire, car jamais dans la Loi de Moïse ce cas n’est évoqué. Il n’est tout simplement pas possible. Il y a deux manières de résoudre le problème :
Soit vous êtes un exégète occidental moderne et vous vous réjouissez d’avoir trouvé que dans la loi romaine, il est possible à une femme de divorcer de son mari. Et vous en concluez que le rédacteur de l’Évangile de Marc devait s’adresser à une communauté composée de Romains, puisqu’il a adapté la Parole de Dieu pour eux. Ce qui signifie qu’on fait dire un peu ce qu’on veut à Jésus en fonction des temps et des lieux. C’est une tentation toujours actuelle dans l’Église : on invente des trucs qui ne sont pas dans l’Évangile.
Il y a une autre solution, qui nous oblige à lire l’Évangile autrement, de manière plus conforme à la culture des Apôtres et des évangélistes, dont on n’oubliera pas qu’ils étaient tous juifs, et que pour eux les Écritures, c’est l’Ancien Testament. C’est donc dans l’Ancien Testament et par lui seul qu’on peut expliquer les difficultés de lecture que nous pouvons rencontrer dans les Évangiles. Alors, comment faire ?
 
Nous devons commencer par observer que Jésus dit cette parole à ses Apôtres uniquement, quand il est de retour « à la maison ». La « Maison » est un mot codé qui renvoie au Temple de Jérusalem ou au Royaume des cieux. C’est-à-dire que l’explication que Jésus donne à ce moment à ses apôtres est de nature spirituelle et ne peut être comprise que par ceux qui ont foi en lui, et en sa résurrection.
 
Ensuite, il faut savoir que ceux qui interrogent Jésus sur la répudiation le font alors qu’il vient de franchir le Jourdain, qu’il se trouve maintenant dans le territoire de la Judée, que des foules se sont assemblées auprès de lui et qu’il s’est mis à guérir les malades et à enseigner. Malheureusement, cette précision a été stupidement coupée au début de notre lecture de l’évangile. Or elle indique que Jésus reproduit l’entrée de Josué en Terre promise. Il accomplit la prophétie de Josué – d’ailleurs le nom Jésus, est le même que celui de Josué. C’est-à-dire que Jésus se présente réellement comme le Messie d’Israël, qui va conquérir la Terre promise et libérer Jérusalem. C’est la raison pour laquelle les foules se précipitent vers lui. Or, vous le savez, Jésus a refusé d’assumer un rôle politique, de devenir un libérateur à la mode latino-américaine pour libérer Israël de la domination romaine. Et cela a fâché les gens, et même une bonne partie des disciples, qui n’ont pas compris ce refus.
Ceci explique la question des pharisiens : « Est-il permis à un mari de renvoyer sa femme ? » Traduisez : « Est-ce que Dieu peut répudier la Fille de Sion, Israël, qui est son épouse, avec qui il a fait alliance ? » ; « Est-il permis au Messie de Dieu de trahir la cause pour laquelle il a été missionné ? » Voilà le véritable problème, posé dans les termes de l’Ancien Testament.
 
Jésus les renvoie à Moïse. Ils savent qu’il existe selon la loi une répudiation possible. Mais Jésus les prend à contre-pied : il affirme que Moïse a permis la répudiation en raison de la dureté du cœur des hommes, mais que pour Dieu cela n’est même pas envisageable, ainsi qu’il l’a déclaré lui-même au livre de la Genèse. Jésus leur affirme donc qu’il n’est absolument pas dans les intentions de Dieu, ni celles de son Messie – donc de Jésus lui-même – de répudier Israël, de manquer à sa mission de Messie sauveur. Dieu reste indéfectiblement attaché à son Alliance : la fille de Sion est son épouse pour l’éternité. Cela satisfait probablement les pharisiens puisqu’ils ne répondent pas. Mais les disciples demeurent dans l’interrogation : comment Jésus peut-il dire qu’il est le Messie sauveur d’Israël, absolument fidèle à l’Alliance, et en même temps refuser de s’engager publiquement, politiquement ? D’où la question sur laquelle Jésus revient à la maison. Et Jésus d’expliquer que l’homme qui renvoie sa femme est adultère – Dieu n’a pas l’intention d’être adultère. Mais il se peut que la femme – donc la Fille de Sion, Israël – veuille renvoyer son mari, son Dieu, pour en épouser un autre, un autre dieu, une idole ; alors la Fille de Sion devient adultère envers Dieu. Et cela, malheureusement, c’est très possible.
 
Le fond du problème, au sujet de l’Alliance entre Dieu et son peuple, devient du coup non pas l’amour que Dieu porte à son peuple – amour qui est éternel et que Jésus est venu pour réaffirmer par sa mort et sa résurrection – mais la dureté du cœur des hommes. L’expression biblique correspondante est « l’incirconcision du cœur des hommes ». La circoncision est justement le signe de l’Alliance entre Dieu et son peuple. Or celui qui opère la véritable circoncision du cœur des hommes, c’est l’Esprit Saint, qui transforme les cœurs de pierre en cœur de chair, qui fait des hommes de ce monde des prophètes du monde nouveau, qui transforme les pécheurs en saints. La solution est donnée par Jésus, bénissant les enfants – les nouveau-nés du baptême – par l’imposition des mains, leur conférant le don de l’Esprit Saint, la circoncision du cœur, la fidélité à l’Alliance entre Dieu et son peuple, pour l’éternité. Telle est la véritable libération pour laquelle Jésus est venu en Messie sauveur.

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