Ez 2,2-5 ; Ps
122 ; 2Co 12,7-10 ; Mc 6,1-6
Chers
frères et sœurs,
Le
Seigneur est un Dieu qui offre généreusement et en abondance et qui n’a de
cesse de montrer son amour pour l’humanité, jusqu’à son pardon. Alors quel
n’est pas son étonnement lorsqu’il se trouve face à un peuple, pourtant choisi
par lui, qui s’en fiche, ou – dans l’Évangile – face aux habitants de son
village, et même sa propre famille, qui font la moue en affectant d’être
choqués par sa prédication. Rappelons-le, il leur annonce le Règne de Dieu. Et
non seulement il l’annonce, mais même, il le réalise. Mais non, cela leur
répugne.
Du
coup, le Seigneur a décidé qu’il ferait surgir un peuple nouveau, un peuple de
prophètes, de prêtres et de rois, qui lui, saurait recevoir sa bonté et en vivre.
C’est ce qu’annoncent les prophètes et qui se réalisera dans l’Église, par le
baptême. Il en va de même avec Jésus, qui quitte Nazareth pour parcourir les
villages d’alentour en enseignant. L’Évangile ira à d’autres, qui sauront le
recevoir. Voilà tout. Il n’est pas besoin de s’énerver.
Évidemment
ces situations nous rappellent quelque chose, à nous, les chrétiens du XXIe
siècle en France. On a un peu l’impression d’être comme Ézéchiel ou Jésus, et
de parler comme eux dans le vide. C’est parfois assez déprimant.
Plus
encore, nous le voyons avec le témoignage de saint Paul, qui rame à
contre-courant à travers « les faiblesses, les insultes, les
contraintes, les persécutions et les situations angoissantes »… Non
seulement, il doit faire face aux contradictions extérieures, mais aussi à ses
propres contradictions intérieures : l’écharde qui est dans sa propre
chair. Hé bien oui, pour beaucoup nous ne sommes pas des purs, et nous le
savons ; et l’Église elle-même peut être à juste titre critiquée d’avoir
laissé développer un temps en son sein des ignominies.
Bref :
nous sommes marginalisés et parfois rejetés, et en plus nous devons supporter
en nous-mêmes des faiblesses qui donnent raison à nos contradicteurs. On ne
peut pas être en meilleure situation pour annoncer l’Évangile dans le monde
d’aujourd’hui… n’est-ce pas ? Faut-il désespérer ? Certainement
pas.
Revenons
aux lectures. D’abord regardons Jésus. Il n’abandonne pas mais il va plus loin
parce qu’il sait que sa parole donnera du fruit en son temps. L’Église – nous
devons le savoir – est le corps de Jésus. Quand elle agit, c’est Jésus lui-même
qui agit. Quand un baptisé est tout seul dans un village, par lui Jésus est
présent dans ce village. Mais alors comment comprendre les faiblesses de saint
Paul et les ignominies perpétrée par des chrétiens ? La réponse est dans
le corps de Jésus : « C’est bien moi, voyez mes plaies » ;
« Mets ton doigt dans mon côté ». Le corps glorieux de Jésus, qui
est l’Église, est aussi un corps abîmé par les péchés qui ont été portés contre
lui, à commencer par ses propres disciples. Souvenons-nous de Judas. Nous
prêchons un Christ crucifié, un Christ humain, au corps fragile comme nous, et
qui a pris des coups. Mais aussi un Christ divin qui nous a sauvé par sa croix
et qui nous offre son pardon, malgré tout. Nous appartenons au corps d’un Dieu
qui a donné sa vie pour les pécheurs, en n’ayant pas refusé de vivre parmi eux.
Et de cela, nous devons être fiers.
Regardons
ensuite Ézéchiel. Évidemment, il est effrayé d’être prophète au milieu de tout
un peuple qui a renié son Dieu. Mais le Seigneur lui donne de quoi tenir dans
la tempête. C’est dans la suite du texte d’aujourd’hui. Le Seigneur lui fait
manger un rouleau, qui a pour lui la douceur du miel : c’est le Rouleau
des Écritures, de la Loi. Le serviteur de Dieu peut tenir bon, s’il se nourrit
de la Parole de Dieu comme d’une nourriture essentielle. Pour Ezéchiel, c’était
la Loi, la Torah, et pour nous chrétiens c’est aussi la Torah et l’Évangile où en
Jésus les promesses de la Loi sont accomplies. Et en plus, nous avons les
sacrements, et particulièrement celui de l’Eucharistie : « Je suis
avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » nous a promis
Jésus.
Et
puis finalement, regardons saint Paul, qui ose affirmer : « Car,
lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort. » D’abord saint
Paul sait qu’il appartient au corps du Christ parce qu’il est baptisé, et que
le Christ est toujours avec lui parce qu’il est fidèle à sa Parole en toutes
circonstances. Mais en plus : parce qu’il a la foi. Il sait que si le
Seigneur permet qu’il se retrouve dans des situations dramatiques, ce n’est pas
pour la mort, mais pour la vie, et qu’il ne l’abandonnera pas. C’est pour sa
prière et son témoignage : c’est pour son acte de foi. Alors, quand saint Paul
est au fond du trou, il tient bon, et il chante, debout : « Lorsque
je suis faible, c’est alors que je suis fort ! » Il sait qu’à ce
moment précis, lui-même ressemble à Jésus en croix. Et il sait que c’est pour
le salut du monde, en vue du Règne de Dieu.