lundi 18 mars 2024

17 mars 2024 - PESMES - 5ème dimanche de Carême - Année B

 Jr 31, 31-34 ; Ps 50 ; He 5, 7-9 ; Jn 12, 20-33
 
Chers frères et sœurs,
 
« Nous voudrions voir Jésus »… Il y a deux observations à faire à partir de cette simple demande émise par quelques pèlerins.
 
La première est que ces gens sont venus à Jérusalem pour y adorer Dieu. Mais en définitive, ils veulent rencontrer Jésus pour le voir, exactement comme on cherche Dieu pour pouvoir le contempler et l’adorer. C’est-à-dire que, dans l’esprit de saint Jean au moins, ils pressentent ou ils ont compris que Jésus est Dieu. Et ils veulent le voir pour le contempler – comme les rois Mages l’avaient fait autrefois, à Bethléem. Heureusement, ces Grecs se sont adressés au diacre Philippe, plutôt qu’au descendant du roi Hérode…
Justement, et c’est la seconde observation, ces gens sont des Grecs, qui s’adressent à un disciple de Jésus lui-même d’origine ou de culture grecque : il s’appelle « Philippe » – c’est-à-dire « celui qui aime les chevaux », en grec. Et Philippe lui-même va s’adresser à l’Apôtre André – prénom également de langue grecque, qui signifie tout simplement : « homme ». Et c’est par ce dernier que nos braves pèlerins vont pouvoir rencontrer Jésus.
 
Il y a deux leçons à tirer de cet événement somme toute assez banal.
 
La première est que l’on n’accède pas facilement à la connaissance de Jésus ; il est utile de passer par des intermédiaires, qui soient de la même culture. Ici des Grecs passent par un grec, qui lui-même va voir un Apôtre de culture grecque, avant d’atteindre Jésus. Mais cela marche aussi en sens inverse. Quand les Apôtres ont envoyé des missionnaires, ils les ont envoyés deux par deux, le premier étant comme un apôtre et le second son traducteur dans la langue et la culture du pays où ils sont envoyés. Ainsi il y a gros à parier que saint Ferréol, qui était prêtre ou évêque était l’apôtre, et Ferjeux, son diacre, devait être en réalité un Séquane – il parlait la langue du pays et savait faire la différence entre un pot de cancoillotte et du comté ! Et c’est ainsi que par la parole de Ferjeux les Séquanes pouvaient plus facilement découvrir l’Évangile et, par l’enseignement de Ferréol, accéder à Jésus, c’est-à-dire au baptême. Évidemment, ce jeu entre l’apôtre et son traducteur vaut aussi par exemple entre un prêtre et un catéchiste, ou entre un catéchiste et un enfant du caté qui peut trouver les bons mots pour ses camarades un peu plus éloignés.
 
La seconde leçon est que, tout d’un coup, Jésus découvre que des étrangers – ici des Grecs – s’intéressent à lui et veulent le voir. C’est-à-dire que l’Évangile commence à atteindre des populations au-delà du seul peuple d’Israël. Alors, pour Jésus, c’est que l’Heure est venue. Et son Heure, est celle du don de sa vie sur la croix, pour le salut du monde – ce monde qui vient juste de commencer à le découvrir.
Si l’on prend une image, on peut dire que, par sa prédication du Royaume, par les guérisons qu’il a effectuées, les miracles qu’il a réalisés, Jésus a jeté un filet. Ce filet a atteint son extension maximale au moment où il a touché les premiers Grecs. Il reste maintenant à le ramener à terre, rempli de poissons. Et c’est pourquoi maintenant Jésus tourne son visage vers son Père, vers le Royaume des cieux, et entre dans l’épreuve de la Croix.
Cette conversion – peut-on dire – dans l’activité de Jésus n’est pas facile pour lui : humainement il sait très bien qu’il va tout droit vers la mort. Et c’est pourquoi il est bouleversé. Mais dans sa prière il se dit : « Que vais-je dire ? “Père, sauve-moi de cette heure” ? – Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » En effet, ce n’est pas au moment de ramener le filet que le pêcheur va renoncer à sa pêche : ce serait absurde !  Jésus fait donc un acte de foi en son Père : oui, il est au pied de l’épreuve. Mais non, il ne va pas mourir : il va ressusciter – et avec lui tous les hommes pécheurs qu’il est venu prendre dans son filet et sauver. Sauver non pas seulement de la mort, mais aussi et surtout du pouvoir du prince de ce monde, que Jésus va vaincre et « jeter dehors » comme il dit. Alors, la voie pour monter au ciel sera libre : « Et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. »
 
Chers frères et sœurs, il peut arriver que – dans nos vies – nous nous trouvions à un tournant où il faut choisir entre le renoncement et la fidélité à notre vocation, entre la facilité humaine et l’acte de foi en Dieu. Alors, souvenons-nous de Jésus et de son Heure. Quand vient la nôtre, réjouissons-nous : c’est que nous avons été trouvés dignes d’être semblables à Jésus et de monter avec lui vers le Père. C’est l’Esprit Saint qui nous en donne le courage et la force, avec – en même temps – une très profonde joie.

dimanche 10 mars 2024

09-10 mars 2024 - VELLEXON - PESMES - 4ème dimanche de Carême - Année B

 2Ch 36, 14-16.19-23 ; Ps 136 ; Ep 2, 4-10 ; Jn 3, 14-21
 
Chers frères et sœurs,
 
Dieu, qui nous a créés à son image, nous aime plus que tout. Il attend de nous que nous l’aimions nous aussi du mieux que nous pouvons, que nous écoutions sa Parole de vie, afin d’être bons et saints comme lui. Et c’est tout notre bonheur.
 
Aussi bien, lorsqu’on n’aime pas Dieu, qu’on n’écoute pas sa Parole de vie, on se divise, on se disperse, et finalement on se perd dans la nuit. Celui qui nous détourne de la lumière et nous entraîne vers l’obscurité, c’est le serpent menteur, qui a détourné Adam et Eve de l’obéissance à Dieu. Et ils ont été entraînés vers les ténèbres de la mort.
 
C’est ce qui est arrivé aux Hébreux qui vivaient à Jérusalem, au temps du roi Nabuchodonosor : ils étaient infidèles à l’amour de Dieu, ils adoraient les idoles et faisaient n’importe quoi, ils profanaient la Maison de Dieu, le Temple de Jérusalem. Dieu a voulu les avertir qu’ils s’égaraient, qu’ils allaient se perdre : il leur a envoyé les prophètes. Mais ils ont tué les prophètes. Alors Dieu a laissé le roi Nabuchodonosor conquérir la ville de Jérusalem, et détruire son Temple et exiler le peuple à Babylone. Dieu ne s’est pas réjoui de cela : il en a pleuré, parce qu’il aime son peuple. Mais le peuple ne l’écoutait plus.
 
Comme le fils prodigue, affamé, qui gardait les cochons, avait fini par se souvenir de la maison de son père et à regretter ses mauvaises actions, le peuple de Dieu, assis au bord des fleuves de Babylone – le Tigre et l’Euphrate – a eu la nostalgie de Jérusalem et s’est mis a regretter d’avoir abandonné Dieu. C’est le chant du Psaume que nous avons entendu. Cette tristesse a duré 70 ans. Jusqu’au jour où Dieu a pardonné à son peuple et a inspiré au roi Cyrus de faire reconstruire la Maison de Dieu, le Temple de Jérusalem, et d’y faire retourner le peuple. Quelle joie alors !! Quel cadeau inespéré !! C’est ainsi que le peuple a appris que, malgré toutes ses fautes, Dieu l’aime toujours et qu’il l’aimera toujours.
 
Cette histoire de la destruction de Jérusalem au temps du roi Nabuchodonosor, et de sa reconstruction au temps du roi Cyrus, est une leçon qui annonce une réalité plus grande encore.
 
Souvenez-vous d’Adam et Ève, qui avaient désobéi à la Parole de Dieu et qui ont été chassés du Paradis, perdus dans les ténèbres de la mort. Ils avaient été tentés par le serpent. Or le serpent a continué et continue toujours à tenter les hommes, et nous aussi. Le serpent, c’est le menteur, le diviseur : c’est celui qui veut détruire l’amour, la communion entre Dieu et les hommes, et des hommes entre eux.
 
Il s’est trouvé un jour que les Hébreux qui avaient fui l’Égypte se trouvaient dans le désert du Sinaï. Et ils étaient attaqués par des serpents. C’est-à-dire qu’ils commençaient à se détourner de Dieu, à se disputer entre eux, à se mentir, et l’unité du peuple de Dieu commençait à tourner au vinaigre. Moïse a prié pour le peuple et Dieu a donné une solution : Moïse a dressé sur un mat un serpent en bronze, et quand quelqu’un était mordu par un serpent, il regardait vers le serpent en bronze, et il était sauvé. À chaque tentation, désobéissance ou dispute, il fallait regarder vers le serpent de bronze.
 
Cette histoire de serpent de bronze est bien curieuse, mais Jésus en a donné l’explication à Nicodème. Nicodème était un riche pharisien, membre du Sanhédrin, qui aimait beaucoup Jésus et était un de ses disciples en secret. On fête saint Nicodème le 31 août, avec saint Joseph d’Arimathie. Et Jésus disait à Nicodème : « De même que le serpent de bronze fut élevé par Moïse dans le désert, ainsi faut-il que le Fils de l’homme soit élevé, afin qu’en lui tout homme qui croit ait la vie éternelle. » Le secret du serpent de bronze qui sauve quand on est mordu par les serpents tentateurs, menteurs et diviseurs, est que c’est Jésus lui-même, élevé sur la croix comme le serpent de bronze, qui sauve – non seulement Adam et Ève – mais aussi toute l’humanité – et nous aussi – des tentations du mauvais. La croix de Jésus c’est la réponse de Dieu à la chute d’Adam et Ève. Si la chute était une chute hors du Paradis vers la mort, la croix, c’est le pardon de Dieu qui fait passer de la mort à la vie éternelle, qui fait revenir au Paradis, et même mieux.
 
Ainsi, l’histoire de la destruction de Jérusalem au temps de Nabuchodonosor c’était le rappel de la chute d’Adam et Ève, qui avaient été, comme les Hébreux, désobéissants. Ils avaient tout perdu. Et l’histoire du retour à Jérusalem au temps du roi Cyrus, et de la reconstruction du Temple, c’est l’annonce de la mort de Jésus sur la croix et surtout de sa résurrection, qui ouvre les portes du Paradis et de la vie éternelle.
 
C’est pourquoi, pour nous chrétiens, la croix de Jésus est signe de pardon, de victoire sur le mal, et d’une joie immense. 

lundi 4 mars 2024

03 mars 2024 - PESMES - 3ème dimanche de Carême - Année B

 Ex 20, 1-17 ; Ps 18b ; 1Co 1, 22-25 ; Jn 2, 13-25
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous sommes dans le temps du carême. Le premier dimanche, nous avons vu Jésus tenté au désert : il luttait contre des ennemis extérieurs. Le second dimanche – dimanche dernier – nous avons vu Jésus transfiguré en compagnie de Moïse et Elie, et Pierre, Jacques et Jean : si la croix est le chemin qu’emprunte Jésus pour le salut du monde, c’est bien vers la lumière, la gloire de Dieu qui est communion des saints, qu’il veut nous conduire. Aujourd’hui, troisième dimanche, nous voyons Jésus opérer une purification du Temple. Ici Jésus lutte non plus contre des ennemis extérieurs, mais contre des ennemis intérieurs.
En effet, Jésus souhaite que le Temple – la Maison de son Père – soit pur pour la Pâque : « Enlevez cela d’ici. Cessez de faire de la maison de mon Père une maison de commerce. » Et il chasse marchands et changeurs avec un fouet de cordes. C’est typiquement un geste prophétique et c’est la raison pour laquelle les Juifs lui demandent de s’expliquer. Or le motif donné par Jésus est que ce Temple est la préfiguration de son Corps - dont nous savons qu’il est aussi l’Église. À travers son geste prophétique, Jésus souhaite donc que pour la Pâque l’Église en tant que communauté, soit purifiée.
 
Purifiée, c’est-à-dire qu’elle revienne à l’obéissance de son commandement : celui de l’amour de Dieu et celui du prochain, qui lui est semblable. C’est la raison pour laquelle nous avons eu le récit du don de la Loi en première lecture. Jésus demande que la Loi soit non seulement observée, mais qu’elle soit aussi approfondie dans le sens d’un plus grand amour, grâce au don de l’Esprit Saint. En langage chrétien, les questions que l’Église doit se poser en ce temps de carême sont celles de la manière dont elle honore l’adoration de Dieu, par l’Écoute de sa Parole et la prière d’Action de grâce, mais aussi la manière dont elle annonce l’Évangile dans le monde.
Il va de soi que le regard que nous devons poser sur notre vie d’Église, doit aussi et d’abord se porter sur chacun de nous, chacun dans son cœur. En effet, une addition de loups n’a jamais fait un troupeau d’agneaux ! Jésus souhaite donc que nous chassions de notre cœur les marchands et les changeurs, et tous les bestiaux qui n’ont rien à y faire – pour n’y laisser qu’un espace libre et paisible pour l’écoute de la Parole, la prière personnelle et collective, et la charité fraternelle.
 
Si nous identifions assez vite tout ce qui peut nous encombrer intérieurement : nos petits arrangements avec la vérité ; nos petits renoncements à agir, par paresse parfois ; nos petits caprices, dont on ne veut pas se débarrasser ; nos petites addictions dont nous n’arrivons pas à nous dégager et dont finalement on s’arrange bien… bref tout ce qui fait notre petite diplomatie intérieure, en nous disant : « Hof, le Bon Dieu comprendra bien…, n’est-ce pas !? » C’est là qu’on s’aperçoit qu’on n’a pas de plus grand ennemi sur la terre que nous-même : un ennemi avec lequel nous collaborons souvent et devant qui nous capitulons sans trop de honte – surtout quand le crime est caché !
Mais attention, je ne suis pas en train de dire que la lutte contre soi-même soit une chose facile et qu’il suffit de dénoncer les compromissions pour qu’une conversion soit totale et immédiate. Ce serait trop facile et certainement même illusoire : soyons honnêtes et réalistes. Lutter contre soi-même est la chose la plus difficile qui soit. Et on peut se demander : « Mais alors, comment faire ? »
 
Regardons ce qu’il se passe au Temple. Ce ne sont pas les Juifs qui chassent les changeurs, les marchands et leur bétail. Ce ne sont évidemment pas ces encombrants  qui s’en vont d’eux-mêmes. Et ce ne sont pas non plus les disciples de Jésus qui les chassent. C’est Jésus lui-même, avec un fouet de cordes. Autrement dit, si nous voulons purifier notre cœur, il faut demander à Jésus que ce soit lui-même qui le fasse, car lui seul a la force et l’autorité pour le faire. Et il va utiliser pour cela un détail de ce bric-à-brac qui n’a rien à faire dans notre cœur, pour en faire un fouet. Il arrive parfois en effet dans nos vies qu’un événement – peut-être un détail, une rencontre, ou une lecture – arrive à nous bousculer et nous conduit à mener notre vie autrement et mieux. C’est ainsi. Et c’est possible.
 
Aussi bien, frères et sœurs, ce que Jésus nous demande d’abord, c’est d’avoir foi en lui : il a la capacité de nous dégager de tout ce qui nous encombre. Il nous demande d’espérer en lui contre toute espérance : rien ne peut résister à son amour, à la puissance de son Esprit Saint. Il nous demande de l’aimer et d’aimer notre prochain – test de vérification. Si nous sommes unis à lui par l’amour, alors nous n’avons rien à craindre : il pourra nous opérer à cœur ouvert, en vue de la joie, de la paix et de la lumière de Dieu.

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