dimanche 19 octobre 2025

19 octobre 2025 - CUGNEY - 29ème dimanche TO - Année C

Ex 17,8-13 ; Ps 120 ; 2Tm 3,14-4,2 ; Lc 18,1-8
 
Chers frères et sœurs,
 
Jésus a raconté la parabole que nous venons d’entendre au cours d’une discussion avec les pharisiens et ses disciples au sujet de la venue du Règne de Dieu. Aux premiers, Jésus dit : « Le Règne de Dieu est au milieu de vous », ce qui est une manière de leur dire que lui, Jésus, s’il est bien un homme visible, il est également le Dieu invisible : il est Emmanuel, « Dieu avec nous ». Là où est Jésus, là est le Règne de Dieu. Aux seconds, c’est-à-dire aux disciples, Jésus précise : « Comme l’éclair qui jaillit illumine l’horizon d’un bout à l’autre, ainsi le Fils de l’homme quand son jour sera là. » Jésus, nous le savons, va leur être retiré, d’abord par sa mort, puis après sa mort et sa résurrection, par son ascension au ciel. Ainsi le jour et l’heure de son retour sont imprévisibles. Mais quand le moment sera venu, celui-ci sera aussi soudain que l’éclair. Nous comprenons donc bien, déjà, pourquoi dans la parabole d’aujourd’hui, Jésus demande à ses disciples de prier sans cesse, sans se décourager. En effet, le retour de Jésus est certain, et il peut arriver à tout instant.
Dans la parabole du juge inique et de la veuve Jésus développe son propos : il dévoile la raison cachée de son retour à la fin des temps et l’importance de la prière. Pour comprendre, interrogeons-nous tout d’abord sur l’identité du juge et de la veuve.
 
Le juge, installé dans la ville, est l’image du pouvoir installé à Jérusalem. Il peut aussi bien signifier le pouvoir politique de la dynastie d’Hérode que celle des grands-prêtres. Habituellement pouvoir politique et pouvoir religieux voguent de concert. Or Jésus dit que ce juge « ne craint pas Dieu et ne respecte pas les hommes ». La « crainte de Dieu » est une expression qui traverse les Écritures, l’Évangile et une part de la tradition des Pères de l’Église. On ne doit pas l’interpréter systématiquement par « peur de Dieu », mais plutôt par « piété envers Dieu », piété qui comprend aussi bien l’amour que le respect de Dieu. Autrement dit, le juge de la parabole n’est pas pieux : il n’aime pas ni ne respecte Dieu ; il contrevient au premier précepte de la Loi : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » Par suite logique, ce juge ne « respecte pas les hommes », puisqu’il n’obéit pas non plus au commandement semblable au premier : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Les deux commandements vont toujours ensemble. Nous sommes donc en présence d’un juge légitimement en place mais qui se conduit de manière illégitime puisqu’il n’obéit pas aux commandements qui justifient sa fonction.
La veuve, dans l’Évangile selon saint Luc, est la représentation d’une double réalité : elle est en même temps la Vierge Marie et l’Église. Dans les deux cas, cette femme est privée de son mari et soumise à la précarité de la vie : elle est humainement fragile, mais elle est spirituellement forte car elle a la foi. Or, dans la parabole, la veuve, donc l’Église, demande justice au juge : justice contre les persécutions réelles ou à bas-bruit, inévitables quand on dépend d’un pouvoir politico-religieux qui ne connaît pas Dieu ou se rebelle contre lui. Il est remarquable que le Juge ne sache opposer à la femme que son silence. Mais comme celle-ci sait qu’elle est dans son droit, elle demeure inébranlable et ne lâche rien de ses revendications.
 
Voilà, dit Jésus, que tout à coup, le juge finit par craquer, et il insiste sur la raison : « cette veuve commence à m’ennuyer, je vais lui rendre justice pour qu’elle ne vienne plus sans cesse m’assommer. » Ici la traduction est faible et en partie inexacte : d’une part, il faut comprendre que la veuve tourmente intérieurement le juge – il a mauvaise conscience, du fait que la femme est dans son droit. Et d’autre part il pressent que sa fin est proche et qu’il encourt lui-même le jugement de Dieu : il ne faudrait pas que l’injustice dont il a fait preuve envers la femme devienne le motif de sa propre condamnation éternelle. Donc, il lui donne satisfaction, et ce faisant se sauve lui-même. Cela est extrêmement important : c’est la raison cachée du temps passé et de la nécessité de la prière incessante de la femme.
Bien sûr, la femme, en premier lieu prie pour que la justice qui lui est due lui soit accordée, mais en réalité aussi, sa prière agit comme une eau souterraine qui vient creuser le cœur de pierre du juge. Au bout du compte, elle obtient, avec la conversion du juge, la justice qu’elle attendait pour elle-même.
Du coup, nous comprenons le sens profond de l’enseignement de Jésus – qu’on retrouve aussi dans la Lettre aux Romains de saint Paul : le retard du retour de Jésus, tout ce temps d’attente, durant lequel l’Église est parfois persécutée jusqu’au sang, est le temps accordé par Dieu aux puissants de ce monde pour se convertir. Pendant ce temps l’Église est appelée à prier sans cesse, d’abord pour entretenir sa foi, ensuite pour obtenir la justice qui lui est due, et en même temps obtenir du Seigneur la conversion de ses persécuteurs, ou de leurs complices par action ou par omission – tous ceux qui ne « craignent pas Dieu ».
 
Jésus termine par une note d’inquiétude : « Le fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Tant qu’il y aura quelqu’un à la messe le dimanche, le Seigneur Jésus sera rassuré. Et nous aussi, car chaque dimanche à la messe, il est présent. Jésus nous l’a dit à plusieurs reprises : « quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » ; « Je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. » Par son Esprit Saint et les sacrements qu’il nous donne, le Seigneur Jésus lui-même est la force de notre foi.

Articles les plus consultés