Ez
17,22-24 ; Ps 91 ; 2Co 5,6-10 ; Mc 4,26-34
Chers
frères et sœurs,
Par
son enseignement, Jésus nous apprend beaucoup de choses concernant le Règne de
Dieu, déjà à l’œuvre dans notre monde.
La
première parabole, celle des épis de blé, nous révèle premièrement qu’il nous
est impossible de comprendre comment se réalise la croissance du Règne de Dieu.
Elle est l’œuvre invisible de l’Esprit Saint. Nous pouvons en observer les
effets, mais nous sommes incapables de les provoquer. Ainsi en va-t-il de la
vie de l’Église dans le monde : nous voyons bien des développements – ou
des régressions parfois – mais les raisons profondes de ces mouvements nous
échappent : ils appartiennent à Dieu. Cela ne veut pas dire que le paysan
doit se contenter de regarder pousser son champ : il doit bien en prendre
soin, mais la croissance est un don de Dieu.
Deuxièmement,
cette parabole nous montre que la croissance du Règne de Dieu ne se fait pas en
un instant, ni de manière désordonnée : d’abord les semailles, puis
l’herbe, puis l’épi et enfin le blé mûr dans l’épi. Le Seigneur, quand il agit,
prend son temps et il sait ce qu’il fait : il le fait avec ordre. C’est
étonnant, n’est-ce pas ? Car Dieu est éternel et tout-puissant : il
pourrait transformer le monde en une seconde. Mais il ne le fait pas, car nous
ne le supporterions pas. Nous serions écrasés. Nous autres qui sommes
terrestres, nous avons besoin de temps et d’une progressivité bien ordonnée
pour nous accoutumer à la gloire de Dieu. C’est aussi une question de liberté. Inversement,
nous pouvons comprendre, que la puissance du Règne de Dieu se déploie pour nous
dans le temps : l’histoire sainte, par les événements successifs qui la
composent, sont des révélations ordonnées du grand mystère de Dieu, rendu ainsi
accessibles à notre intelligence.
La
seconde parabole est très polémique, notamment à l’égard des autorités en
Israël, à l’époque de Jésus. Pour comprendre cela, il faut voir que Jésus, en
disant à propos de la grand plante potagère que « les oiseaux du ciel
peuvent faire leur nid à son ombre », fait référence à la prophétie
d’Ézéchiel dont nous avons entendu la fin dans la première lecture. Or cette
prophétie est une terrible leçon pour les chefs d’Israël. Il faut la lire dans
son entier :
Nous
sommes après le règne de Nabuchodonosor. Le peuple d’Israël a été vaincu et ses
élites ont été déportées à Babylone. Il ne reste sur place que les paysans et
les artisans, pour exploiter les terres et les forêts, et un petit prince issu
de la lignée royale, installé sur le trône de Jérusalem par Nabuchodonosor pour
gouverner le reste du peuple. Évidemment, le petit prince est complètement dans
la main du Grand Roi, mais le Seigneur considérait que c’était une alliance
bonne, car la royauté d’Israël était ainsi, malgré tout, perpétuée.
Cependant,
après la mort de Nabuchodonosor, le petit prince a cru malin de trahir la
fidélité promise au roi de Babylone – et de trahir l’alliance bénie par Dieu –
pour se tourner vers le Pharaon d’Égypte afin de gagner en autonomie et
accroitre son pouvoir. Par la bouche du prophète Ézéchiel, le Seigneur lui
annonce donc qu’en raison de sa trahison, il se fera écraser par le successeur de
Nabuchodonosor, et qu’à cause de son orgueil et de sa bêtise, il n’y aura plus à
Jérusalem ni de roi ni de prince issus de la lignée de David pour gouverner
Israël. C’est fini. La situation est réellement dramatique.
Mais
le Seigneur ajoute – et c’est la première lecture que nous avons entendue –
qu’il prendra lui-même une toute jeune tige sur le grand cèdre – c’est-à-dire
Israël – pour la planter sur une montagne très élevée. Cette jeune tige, ce
surgeon, ce sera Jésus, lointain descendant de David, par lequel la royauté sur
Israël sera restaurée : le cèdre sera magnifique et les oiseaux viendront
habiter dans ses branches. Par la bouche d’Ézéchiel, Dieu annonce déjà
l’avènement de son Règne.
Pour
revenir à Jésus, sa parabole indique donc qu’il est lui-même cette jeune tige à
partir de laquelle le grand cèdre du Règne de Dieu va se développer. Or
n’importe quel habitant de Judée sait très bien que Jésus est descendant de
David. Même l’aveugle Bartimée l’appelle « Fils de David ». Par
conséquent, cette petite parabole est une menace terrible pour le pouvoir des
chefs d’Israël et l’autorité romaine. Et en même temps, elle est l’annonce de l’avènement
du Règne de Dieu tant attendu, tant espéré depuis l’exil d’Israël à Babylone.
C’est l’annonce de la réalisation de cette grande espérance entretenue par le
peuple, dans sa mémoire, depuis des siècles.
Chers
frères et sœurs, nous aussi nous attendons le couronnement de nos profondes espérances :
l’avènement définitif de Jésus et de son Règne, l’ultime transformation du
monde, la communion des saints, où nous serons tous rassemblés dans l’amour de
Dieu. Pensons à cette parabole : Jésus nous annonce qu’il est venu la
réaliser. Et cette transformation, depuis le jour de la Pentecôte, est déjà
commencée.