vendredi 15 août 2025

15 août 2025 - BEAUJEU - Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie - Année C

Ap 11, 19a ; 12, 1-6a.10ab ; Ps 44 ; 1 Co 15, 20-27a ; Lc 1, 39-56
 
Chers frères et sœurs,
 
L’Apocalypse de saint Jean est un texte curieux, rempli d’images et de symboles. Pour une grande partie des gens, il annonce l’avenir de manière prophétique. Mais en réalité, il est plutôt un moyen crypté, compréhensible pour les chrétiens, incompréhensible pour les autres, pour évoquer et comprendre les difficultés, c’est-à-dire les persécutions du temps présent, à l’époque où vivait saint Jean.
 
Notre lecture commence de manière assez grandiose par l’ouverture du sanctuaire de Dieu, qui est dans le ciel, avec l’apparition de l’Arche d’Alliance. Nous devons savoir tout d’abord, que pour saint Jean la réalité est composée de la Terre – l’univers dans lequel nous vivons – et du Ciel, qui est le domaine de Dieu. Le temple de Jérusalem, comme toute église traditionnelle,  a été configuré selon cette distinction. Dans la première partie, la terre, se trouvent habituellement les prêtres, le grand candélabre, l’encens et les offrandes de pain. Derrière le rideau, dans la seconde partie appelée « Saint des Saints », le ciel, se trouve l’Arche d’Alliance qui contient les Tables de la Loi et sur laquelle repose la Présence de Dieu. Dans cette deuxième partie, seul le Grand Prêtre peut rentrer une fois par an pour la prière du Grand Pardon.
 
Justement, la vision de saint Jean, qui est un homme de la terre, n’est possible que par l’ouverture du rideau qui lui permet d’apercevoir l’Arche qui se trouve dans le sanctuaire du ciel. Cette ouverture ne se fait pas par hasard, mais sur la prière de louange des vingt-quatre anciens qui se trouvent devant le trône de Dieu, qui sont les vingt-quatre prophètes de l’Ancien Testament, en comptant parmi eux saint Jean-Baptiste. Ils rendent gloire à Dieu parce qu’il a décidé que l’heure de la Rédemption de l’humanité – l’heure de Jésus – était venue. Ces vingt-quatre anciens agissent donc comme des prêtres.
Ils voient donc, et saint Jean avec eux, l’Arche d’Alliance. Or saint Jean nous dit que cette Arche, c’est la bienheureuse Vierge Marie. De même que l’Arche qui se trouvait dans le Temple contenait les Tables de la Loi ; de même la Vierge Marie contient en son sein Jésus, la Parole de Dieu, source et accomplissement de la Loi. Sur l’Arche reposait la Présence de Dieu ; sur Marie repose l’Ombre de l’Esprit Saint, comme l’Ange Gabriel le lui a dit lors de l’Annonciation.
 
Nous voyons ensuite cette Vierge magnifique, comme était l’Arche d’Alliance, donner naissance à un enfant, qui est donc Jésus. C’est le mystère de Noël. Le Dragon qui veut dévorer l’enfant, humainement c’est Hérode, mais c’est surtout le Satan qui veut absolument empêcher Jésus de réussir sa mission.
Ce Dragon est fascinant : sur ses sept têtes se trouvent des diadèmes précieux. Ce sont les symboles de sa puissance. Le mal, de manière multiple, est puissant et attirant. Le dragon balaye le ciel et fait tomber le tiers des étoiles. Les étoiles sont les fils et les filles de Dieu. Chacun est libre de ses choix : être avec Jésus ou bien se soumettre, se livrer, aux puissances fascinantes du démon, et chuter.
Très vite saint Jean passe sur la vie de Jésus et même sur sa mort et sa résurrection. Il évoque seulement son Ascension au ciel : « L’enfant fut enlevé jusqu’auprès de Dieu et de son trône. » Ce que saint Jean veut nous enseigner, en effet, concerne plutôt ce qui se passe à ce moment et ensuite. Rappelons-nous ici, en passant, que seul celui qui peut entrer dans le sanctuaire du Temple est le Grand Prêtre, pour le rituel du Grand Pardon. Ainsi, lors de son Ascension au ciel, où il entre dans la gloire de Dieu, Jésus est le Grand Prêtre véritable.
 
Ici le texte de notre lecture est malheureusement coupé et, pour comprendre, il faut le lire en entier dans notre Bible. Nous apprenons alors que, pendant que la Femme – la Sainte Vierge Marie – s’enfuit au désert, le lieu où se réfugient habituellement les gens qui sont persécutés, il y a un immense combat dans le Ciel entre Saint Michel et le Dragon. Entre les anges et les démons. Mais le Satan est vaincu, c’est-à-dire que dans son Ascension au Ciel, accompagné de tous les anges, Jésus a vaincu non seulement le péché et la mort, mais surtout leur racine : le Diable et ses démons. Et c’est pourquoi, Jésus ayant rempli entièrement sa mission, on entend dans le ciel la voix forte qui proclame : « Maintenant, voici le salut, la puissance et le règne de notre Dieu, voici le pouvoir de son Christ. » Ce moment, c’est celui de la Pentecôte : le Démon est vaincu et l’Esprit Saint est répandu sur le monde. Ainsi le Grand Pardon est accordé par Dieu à Adam et à sa descendance, à toute l’humanité, à nous tous.
 
Mais que devient la Bienheureuse Vierge Marie ? Il faut continuer notre lecture dans la Bible. Le Dragon et ses démons, comme Adam autrefois, sont jetés hors du Ciel et chutent à leur tour sur la terre. Ils se lancent alors à la poursuite de la Femme. Saint Jean dit qu’elle est protégée par les ailes d’un grand aigle, c’est-à-dire par lui, comme Jésus le lui a demandé sur la croix. Et faute d’avoir pu la rattraper par ses puissances de mort, le Dragon et ses démons finissent par se retourner contre le reste des enfants de la Femme, c’est-à-dire contre les chrétiens, contre nous : « ceux qui obéissent aux ordres de Dieu et qui possèdent le témoignage de Jésus ». Ainsi s’expliquent les persécutions.
 
Voilà donc ce qui se trouve dans notre lecture de l’Apocalypse. Retenons que Marie est l’Arche d’Alliance qui contient la Parole de Dieu et sur qui repose l’Esprit du Seigneur. Retenons aussi que quand le Diable renonce à s’attaquer à elle, il se reporte sur nous. Mais qu’avons-nous à craindre ? Il a été vaincu par la prière de Jésus, par Saint Michel et ses anges, et jamais il n’a pu porter atteinte à la Vierge Marie. Si nous nous cachons dans le manteau de notre Reine du Ciel, nous ne craignons rien.

dimanche 10 août 2025

09-10 août 2025 - TINCEY - SOING - 19ème dimanche TO - Année C

 Sg 18, 6-9 ; Ps 32 ; He 11, 1-2.8-19 ; Lc 12, 32-48

Chers frères et sœurs,
 
Nous poursuivons notre lecture de l’évangile de Luc, où Jésus donne un enseignement sur la bonne manière de vivre en ce monde, dans l’attente de la vie future. Il préconise en premier lieu de se faire « un trésor inépuisable dans les cieux », en étant généreux en aumônes ici-bas. Non pas tant par le geste que par l’intention du cœur qui produit le geste. Cette intention manifeste autant un détachement des biens terrestres transitoires, qu’une générosité qui ne compte pas, comme Dieu donne toujours largement quand il fait grâce. Ainsi doit être l’homme généreux : bon comme Dieu est bon.
 
Cependant Jésus précise ensuite qu’un jour viendra à l’improviste, qui sera aussi un jour de jugement. Il invite pour cela son auditoire à veiller, à rester en tenue de service, la ceinture autour des reins, à garder sa lampe allumée, comme des serviteurs qui attendent leur maître à la fin des noces. Le jour où le Seigneur viendra, nous serons comme « flashés » dans l’état d’esprit et la disponibilité à servir où nous serons à ce moment-là. Autrement dit, il s’agit que l’état de veille et de service soit pour nous un état permanent, un mode de vie habituel, qu’on ne remet pas à demain, ou qu’on ne pratique pas seulement de 9h00 à 12h00 et de 14h00 à 18h00. L’homme que le Seigneur s’attend à trouver à son retour est un cœur qui l’attend dans une espérance vivante, en pratiquant humblement son service, à toute heure.
La surprise pour cet homme n’est pas tant qu’il aura à se mettre au service du Seigneur qui vient, mais plutôt que c’est le Seigneur lui-même qui le servira. Le maître de maison se fera lui-même le serviteur et il servira l’homme à sa table, pour un bon repas. Jésus veut dire ici que la récompense du juste dépasse toute attente ; elle est inimaginable pour un homme ; et sa part sera une communion de dignité avec son maître, une forme de divinisation : une participation au repas de Dieu. Pensons ici au moment où, dans l’Évangile de Jean, Jésus s’est lui-même ceint d’un linge pour laver les pieds de ses disciples : c’était lors du repas pascal, où pour la première fois il leur a partagé en communion son Corps et son Sang, la Vie divine.
 
Pierre s’interroge : si donc l’eucharistie, la communion des saints, est ouverte à tout homme juste tel qu’on vient de le décrire, qu’en sera-t-il pour un disciple ou un apôtre comme lui ? Aura-t-il une part supérieure, plus riche, plus importante ?
Peut-être que Jésus est surpris par la question ; il la reformule donc ainsi : « Que dire de l’intendant fidèle et sensé, à qui le maître confiera la charge de son personnel pour distribuer, en temps voulu, la ration de nourriture ? »
Nous avons déjà ici une définition de ce qu’est un apôtre tel que Pierre, un évêque : il est un intendant, à qui le personnel – c’est-à-dire tous les baptisés – est confié, pour lui distribuer la « ration de nourriture », c’est-à-dire la Parole de Dieu et les sacrements. Un évêque est un intendant : il n’est pas le Maître, mais il est au service du Maître en étant au service de ses serviteurs. Et tel est son service particulier, dans lequel Jésus s’attend à le trouver au moment de sa venue.
Cependant Jésus identifie la tentation terrible des serviteurs des serviteurs de Dieu : le découragement et l’abandon de l’espérance pour s’abîmer dans le relâchement et la dépravation. L’apôtre, ou l’évêque, a un devoir d’exemplarité d’autant plus qu’il connaît la Parole de Dieu : il sait quelle est la volonté du Maître. Sa responsabilité personnelle est donc d’autant plus importante en cas de faillite. « À qui l’on a beaucoup donné, on demandera beaucoup ; à qui l’on a beaucoup confié, on réclamera davantage » dit Jésus. On peut prier ici pour nos évêques.
 
Remarquons ici que Jésus ne répond pas positivement à la question de Pierre. Il y répond négativement. A la question de savoir si l’apôtre où l’évêque recevra davantage dans le Royaume des cieux que le simple fidèle, Jésus répond à Pierre que ceux qui sont riches de la Parole de Dieu et des sacrements courent un bien plus grand risque d’être condamnés si ils perdent la foi, que celui qui mène une humble vie chrétienne en attendant la venue du Seigneur. Le critère du jugement n’est pas le degré d’ordination ou de la science de Dieu, mais la foi, l’espérance et la charité qui doivent habiter le cœur de tout homme aimé de Dieu.
On peut comprendre qu’il n’y a rien à gagner au ciel à être apôtre ou évêque sur la terre, sinon à prendre davantage de risques de ne pas pouvoir y entrer à cause de ses nombreux péchés ! Mais on sait aussi que les Apôtres sont appelés à siéger avec Jésus, sur Douze trônes pour y juger avec lui toutes les nations, c’est-à-dire à participer à sa royauté. Jésus y fait allusion, quand il dit, à propos de l'intendant: « Il l’établira sur tous ses biens. »   Il y aura donc une récompense particulière, une place particulière, mais qui ne dépend que de la fidélité de l’Apôtre d’une part, et de la grâce de Dieu d’autre part, car à la droite et à la gauche du Christ, les places sont réservées à ceux que le Père seul en aura jugé dignes. Et ce peut être n’importe qui ; même un larron !

dimanche 3 août 2025

03 août 2025 - GRAY - 18ème dimanche TO - Année C

Qo 1, 2 ; 2, 21-23 ; Ps 89 ; Col 3, 1-5.9-11 ; Lc 12, 13-21
 
Chers frères et sœurs,
 
L’évangile que nous venons d’entendre peut se comprendre de deux manières. La première nous vient à l’esprit spontanément, d’autant plus que les traductions successives tirent largement dans son sens. Il s’agirait ici d’un enseignement moral, où Jésus prend prétexte d’un différend familial à propos d’un héritage qu’il refuse de trancher, pour inviter son auditoire à ne pas s’attacher aux biens terrestres mais plutôt à se faire un trésor dans le ciel en donnant ses biens aux pauvres. Car « être riche en vue de Dieu », c’est mettre en pratique la parole suivante de Jésus : « Vendez ce que vous possédez et donnez-le en aumône. Faites-vous des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable dans les cieux. » C’est aussi la réponse qu’il a faite au jeune homme riche : « Une seule chose te fait encore défaut : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux. Puis viens, suis-moi. » A contrario, celui qui accumule les richesses n’emprunte pas un chemin qui conduit au ciel, mais plutôt au néant ou à l’absurde : « Et ce que tu auras accumulé, qui l’aura ? »
Les interlocuteurs de Jésus, et nous avec eux, seraient donc confrontés à une parole plutôt radicale, qui aurait pour effet paradoxal de condamner ceux qui ne la mettraient pas en pratique, alors que Jésus se défend tout d’abord de vouloir juger les hommes... Il y a quelque chose qui ne colle pas très bien. Peut-on comprendre cet épisode un peu différemment ? Il est à remarquer que celui-ci est propre à l’évangile de Luc ; il ne se retrouve pas dans les autres évangiles. Or saint Luc a la caractéristique de glisser dans son texte des expressions ou des mots-clés destinés à guider la compréhension de ses auditeurs.
 
La première expression est facile à trouver : il s’agit de la réponse de Jésus à l’homme qui l’interpelle : « Qui donc m’a établi pour être votre juge ? » Cette phrase-là, tous les Juifs en connaissent la référence dans le livre de l’Exode, lorsque le jeune Moïse, après avoir tué un Égyptien qui frappait un Hébreu, s’est fait apostropher alors qu’il tentait de séparer deux Hébreux qui se battaient entre eux : « Qui t’a institué chef et juge sur nous ? » La situation dans l’évangile est donc la suivante : un homme demande à Jésus de se faire juge entre lui et son frère. C’est un piège. Si il avait accédé à cette demande en s’instituant lui-même juge, immédiatement quelqu’un lui aurait renvoyé la réponse qui a été faite autrefois à Moïse. On l’aurait accusé d’usurpation ; on l’aurait disqualifié. Au contraire, Jésus renonce à toute prétention à se revendiquer comme juge, ou comme roi. Le piège a échoué.
 
Cependant, Jésus va se servir de cet échange pour donner une leçon à ceux qui voulaient l’attraper. Il raconte alors la parabole de l’homme riche. Nous nous souvenons de l’allusion à l’histoire de Moïse en Égypte. C’est également la clé de cette parabole. Quel est l’homme riche qui bénéficie d’une abondante récolte au point de devoir agrandir ses greniers ? Dans la Bible, il n’y en a qu’un : c’est Pharaon, au temps de Joseph. Mais aussi au temps de l’Exode, puisque le Pharaon de l’époque a fait construire par les Hébreux les deux villes-entrepôts de Pithom et de Ramsès. Pharaon a pour caractéristique de se prendre lui-même pour un dieu ; ce pour quoi il affirme ne pas connaître le vrai Dieu, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob. Or, dit Jésus, Dieu lui-même lui déclare : « tu es fou : cette nuit même, on va te redemander ta vie. » Cette nuit, où la vie est retirée d’Égypte, la vie des premiers-nés – c’est la nuit de la Pâque. C’est la nuit du jugement pour Pharaon et de la liberté pour les Hébreux ; c’est la nuit de la condamnation des idoles et des idolâtres, qui se fient à leurs biens matériels, et la nuit de la manifestation de Dieu et de sa puissance pour ceux qui ont foi en lui.
Dans la parabole de Jésus, Dieu a traité l’homme-pharaon de « fou » ; en araméen d’« insensé », celui qui « manque de raison ». Ceci est à mettre en rapport avec cette sentence du livre de Qohéleth, que nous avons justement entendue en première lecture : « Un homme s’est donné de la peine ; il est avisé, il s’y connaissait, il a réussi. Et voilà qu’il doit laisser son bien à quelqu’un qui ne s’est donné aucune peine. Cela aussi n’est que vanité, c’est un grand mal ! En effet, que reste-t-il à l’homme de toute la peine et de tous les calculs pour lesquels il se fatigue sous le soleil ? » On comprend que c’est folie de ne pas placer sa foi en Dieu, et c’est déraisonnable de se croire autosuffisant, de se prendre pour dieu.
 
Pourquoi Jésus a-t-il donc dit cela ? On aura bien compris qu’il vise ceux qui ont voulu le piéger avec l’histoire de l’héritage. Il leur dit, en somme : « Il n’y a pas de véritable quiétude sur la terre, que ce soit dans les biens dont on dispose par son travail ou par héritage, ou dans les actions dont on peut soi-même se gratifier, y compris les actions cultuelles. Car la vie terrestre est limitée : elle a une fin ; ses joies sont passagères ; et l’homme ne peut pas être sa propre mesure, sauf à vouloir se faire dieu de manière illusoire. Au contraire, le repos véritable – la paix réelle et la joie infinie – se trouvent dans la sagesse de Dieu, qui réside dans la foi en Dieu seul. C’est Dieu seul qui, par sa Pâque, peut libérer l’homme des contingences terrestres et lui donner accès à la terre de la liberté. »
Évidemment Jésus est celui-là même qui, par sa Pâque, c’est-à-dire sa croix et son baptême, donne accès au Royaume des cieux à tous ceux qui croient en lui. Jésus a résumé par ailleurs cet enseignement en une phrase : « Je ne suis pas venu juger le monde, mais le sauver. »

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