dimanche 19 mai 2024

19 mai 2024 - VALAY - Solennité de la Pentecôte - Année B

 Ac 2, 1-11 ; Ps 103 ; Ga 5,16-25 ; Jn 15, 26-27 ; 16, 12-15
 
Chers frères et sœurs,
 
La Pentecôte, le don de l’Esprit Saint sur les Apôtres, sur l’Église, est en même temps un aboutissement et un commencement.
 
Un aboutissement, parce que depuis ce qu’on appelle la « chute » d’Adam et Eve, l’humanité a perdu la communion avec Dieu et est en attente, en espérance, de pouvoir la retrouver, ce qui arrive justement à la Pentecôte. C’est en vue de ce jour tant attendu que Dieu a d’abord missionné par son Esprit Saint les prophètes, puis dans les derniers temps son propre Fils Jésus, afin de rétablir cette communion.
 
On observera à propos que le don de l’Esprit Saint est une grâce, obtenue par la prière de Jésus, prière d’autant plus puissante qu’elle est l’offrande de lui-même à son Père par amour pour nous. La grâce de la communion par le don de l’Esprit Saint est le signe que le Père a agréé l’offrande de son Fils.
Ce geste d’offrande à Dieu, préalable au don de la grâce, a été prophétisé par le rituel de la Tente de la Rencontre puis du Temple de Jérusalem, que Moïse a instauré pour le peuple d’Israël, selon ce qu’il avait reçu dans une vision et sur ordre de Dieu. Mais ce qu’il a vu, c’est le geste même de Jésus s’offrant lui-même à son Père, par sa croix et surtout lors de l’Ascension, pour que l’Esprit Saint soit répandu sur le nouveau peuple de l’Église.
Lors de la messe, nous nous inscrivons dans ce même geste, quand le prêtre présente au Père l’offrande du Corps et du Sang du Christ, durant la prière eucharistique, pour que la communauté puisse recevoir aujourd’hui-même la sainte communion. La messe conduit toujours, à la suite de Jésus, à la communion.
 
La messe nous conduit donc, nous aussi, à l’aboutissement de la Pentecôte. Mais on s’aperçoit aussitôt que ce n’est pas encore un aboutissement total : l’Esprit Saint n’a pas encore été répandu sur la création tout entière. Nous sommes dans un entre-deux : la Pentecôte a en quelque sorte indiqué que la communion était de nouveau réellement possible : Jésus d’abord, par sa résurrection, puis ses disciples, par le don de l’Esprit, puis l’ensemble des membres de l’Église par le baptême et la confirmation, dans l’attente que toute la création soit renouvelée par l’Esprit Saint. Ce sera à la fin du monde, quand tout sera renouvelé, régénéré, pour inaugurer le monde nouveau.
 
On peut donc voir les choses de deux manières : l’aboutissement complet de la Pentecôte n’est pas encore arrivé, et nous l’attendons dans la foi ; et en même temps, cet aboutissement complet est déjà commencé puisque l’Esprit Saint a été répandu sur les Apôtres et l’Église naissante à la Pentecôte.
 
Si l’on s’attarde un peu maintenant sur ce commencement, on doit considérer d’une part qu’il contient déjà tout de son aboutissement : entre-deux, ce n’est qu’une question d’intensité et de temps. Mais tout est déjà donné au départ : il n’y a qu’un seul Esprit Saint vivifiant, qui est le même hier, aujourd’hui et demain. Si donc il a été donné à la Pentecôte, tout est déjà donné en germe à ce moment.
D’autre part, ce qui est touché et transformé par l’Esprit Saint à la Pentecôte : les Apôtres et l’Église naissante, font d’eux des hommes et des femmes appartenant déjà au monde nouveau qui arrivera totalement à la fin des temps. Ainsi l’Église, et tous les baptisés qui lui appartiennent, sont des réalités nouvelles dans un monde encore ancien, en attente de transformation.
Cette particularité de l’Église explique sa structure de communion, autour de l’Évêque assisté des diacres et entouré des prêtres, pour le service de Dieu et du peuple de Dieu, et surtout elle explique le langage des sacrements. Les sacrements sont des gestes et des paroles qui appartiennent au monde nouveau transformé par l’Esprit Saint, et il font passer les hommes de ce monde au monde nouveau, pour le moment sous le régime de la foi.
Voilà qui explique pourquoi nous n’arriverons jamais dans ce monde à rendre l’Église et ses sacrements, ses rituels, complètement intelligibles et compatibles avec les concepts et les valeurs du monde – parce que l’Église, ses sacrements, ses rituels, sont l’œuvre de l’Esprit Saint et des réalités qui appartiennent au monde nouveau.
 
Et nous, chers frères et sœurs, nous avons un pied sur la terre – nous sommes des humains comme les autres, en attente de la transformation totale du monde par l’Esprit Saint – et nous avons un pied au ciel, puisque nous sommes baptisés et confirmés dans l’Esprit Saint, que nous avons accès à la communion dans l’Église et que nous participons à sa vie nouvelle. Nous sommes donc des gens enrichis par l’Esprit et rendu par lui incompréhensibles à nos contemporains qui n’ont pas reçu ce don merveilleux. C’est notre gloire et notre croix, notre action de grâce et notre témoignage en ce monde. 

mardi 14 mai 2024

11-12 mai 2024 - CHARCENNE - NEUVELLE-lès-LA CHARITE - 7ème dimanche de Pâques - Année B

 Ac 1, 15-17.20a.20c-26 ; Ps 102 ; 1Jn 4, 11-16 ; Jn 17, 11b-19
 
Chers frères et sœurs,
 
Les paroles de Jésus sont pour nous un peu énigmatiques, surtout après deux ou trois couches de traductions successives. Mais, comme d’habitude, le contexte nous donne une bonne porte d’entrée pour comprendre le sens de l’Évangile.
 
Quand Jésus fait cette prière à son Père, il est à Gethsémani, alors que Judas est en train de le trahir et que les autres disciples sont là à l’attendre dans le jardin, plus ou moins en train de s’endormir. Jésus sait qu’il va entrer dans sa Passion qui va le conduire à la mort sur la croix, et que les disciples terrorisés seront bientôt dispersés. Mais il sait aussi que sa mort n’est pas la fin de l’histoire, car la résurrection est proche, et avec elle, la naissance du monde nouveau.
 
Aussi bien, dans sa prière, Jésus dit à son Père que jusqu’à présent, dans sa vie terrestre, il a gardé ses disciples, comme le bon berger a gardé ses brebis. Tous, sauf un – Judas – qui trahit pour que les Écritures soient accomplies. Dès lors que par sa mort Jésus va quitter ce monde, il prie son Père d’être à son tour le bon berger des disciples, en leur donnant sa joie, de telle sorte qu’ils en soient comblés. Nous comprenons qu’à la prière de Jésus, notre Père nous garde aujourd’hui en son nom – c’est-à-dire dans son amour – par l’Esprit Saint qu’il nous donne, et qui nous comble de joie. L’objectif de cette prière de Jésus est que nous recevions l’Esprit Saint, pour que nous demeurions dans l’amour de Dieu.
 
Ce faisant Jésus observe que comme le monde l’a « pris en haine », il prendra aussi « en haine » les disciples. « Prendre en haine » est une expression hébraïque. On pourrait traduire par « refuser » ; « récuser », « rejeter » : comme le monde a rejeté Jésus, il rejettera aussi les disciples. Car – dit Jésus de lui-même : « Je n’appartiens pas au monde. » En effet, Jésus sait d’où il vient : il est la Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, par qui le Père a tout créé. Il est le créateur, et le monde la créature. Or, par le baptême dans l’eau et l’Esprit Saint, les disciples de Jésus portent en eux-mêmes comme en germe la Parole créatrice : du coup, il y a quelque chose en eux qui n’est pas du monde, mais qui vient de Dieu. Et comme le monde a refusé Jésus qui est la Parole de Dieu, il refuse aussi ceux qui portent en eux la Parole de Dieu.
Du coup, Jésus demande à son Père de les protéger : « Je ne prie pas pour que tu les retires du monde, mais pour que tu les gardes du Mauvais. » En soit, le monde n’est pas mauvais – il est toujours la création de Dieu – mais le Mauvais, le Satan, qui veut étendre sa domination sur le monde, est évidemment en lutte ouverte contre Dieu, contre sa Parole et contre ceux qui portent sa Parole.
 
Jésus ne demande pas à son Père de nous retirer du monde, mais de nous sanctifier dans la vérité, comme Jésus se sanctifie lui-même pour que nous soyons, nous aussi, sanctifiés dans la vérité. Qu’est-ce que cela veut dire ?
« être sanctifié dans la vérité » peut être compris comme « être rendu saint, être consacré à Dieu par la vie qu’on lui donne en offrande, par amour pour lui-même ou pour notre prochain ». Souvenez-vous des commandements : « aimer Dieu, et aimer son prochain » ; et « il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ». Toute la vérité de notre Dieu est dans cette manière d’aimer et de vivre. Or qui offre sa vie par amour – comme Jésus – est consacré à Dieu et sanctifié par lui.
Dans sa prière Jésus dit donc que, dans sa Passion, il va faire l’offrande de sa vie par amour pour son Père et par amour pour nous tous. Il va donc être consacré dans l’amour ; et le signe de sa sanctification sera sa résurrection et la joie qui va l’auréoler. De même, Jésus prie son Père que ses disciples qui sont comme lui dans le monde, n’en soient pas désolidarisés, mais au contraire suivent son propre chemin : que par amour pour Dieu et pour leur prochain, ils offrent leur vie à leur tour, afin de recevoir comme Jésus la sanctification, la vie nouvelle, c’est-à-dire l’Esprit Saint.
 
En définitive, Jésus a une idée fixe dans la tête quand il prie son Père : que par l’offrande de sa vie, ses disciples et tous ceux qui écouteront leur témoignage, c’est-à-dire nous tous, nous soyons sanctifiés, nous recevions l’Esprit Saint.
 
Reste à comprendre pourquoi nous lisons ce passage de l’Évangile au moment de l’Ascension, alors que Jésus a prononcé ces paroles juste au début de sa Passion ? Parce que, dans un cas comme dans l’autre, il s’agit d’une prière de Jésus tandis qu’il s’éloigne physiquement de ses disciples : à Gethsémani, Jésus s’est mis à part ; lors de son Ascension, il monte au ciel. Mais dans les deux cas, il prie son Père – et désormais il prie son Père en permanence, en ce moment même – qu’il nous garde et nous comble de son Esprit Saint, afin qu’en suivant ses pas, en offrant notre vie par amour pour Dieu et notre prochain comme lui, nous lui soyons consacrés et sanctifiés. Alors nous serons dans la plénitude de l’amour et de la gloire de Dieu, de sorte que notre joie à tous soit parfaite.
 
 

jeudi 9 mai 2024

09 mai 2024 - CHARGEY-lès-GRAY - Ascension du Seigneur - Année B

Ac 1, 1-11 ; Ps 46 ; Ep 4, 1-13 ; Mc 16, 15-20
 
Chers frères et sœurs,
 
On ne peut pas comprendre ce que signifie l’Ascension de Jésus si on ne commence pas par prendre au sérieux – et pour ainsi dire en détail – le témoignage des Apôtres tel qu’il nous a été transmis par les évangélistes.
Saint Luc lui-même est très clair : « Cher Théophile, dans mon premier livre j’ai parlé de tout ce que Jésus a fait et enseigné depuis le moment où il commença, jusqu’au jour où il fut enlevé au ciel. » Voilà le témoignage des Apôtres : ce sont des faits et des enseignements de Jésus. Avoir la foi, c’est avoir la certitude que ce témoignage est véridique, qu’il n’est pas inventé ou romancé, mais qu’on doit le prendre comme on prend l’attestation d’un témoin lors d’un procès, promettant de dire « toute la vérité et rien que la vérité ».
 
Saint Luc, qui aime bien semer des petits cailloux dans son évangile, a donné une indication chronologique : « pendant quarante jours, il leur est apparu. » L’Ascension de Jésus se situe donc quarante jours après sa résurrection – et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous la fêtons un jeudi, quarante jours après Pâques. Or selon la Loi de Moïse, le quarantième jour après la naissance d’un premier-né est celui où ses parents doivent le présenter au Temple pour le consacrer au Seigneur et faire un sacrifice en offrande. Saint Luc rapporte d’ailleurs cet épisode pour l’enfant-Jésus dans son évangile. Et précisément, le jour de l’Ascension est celui où Jésus, premier-né d’entre les morts se présente dans le Temple du ciel, pour que son corps ressuscité soit consacré et présenté en offrande à Dieu son Père. C’est pour cela que saint Marc dit : « Le Seigneur Jésus, après leur avoir parlé, fût enlevé au ciel, et s’assit à la droite de Dieu. » En effet, il s’agit de l’accomplissement de la prophétie de Daniel, où le Fils de l’Homme, Jésus, monte dans les cieux et est intronisé par Dieu et comme Dieu, à sa droite. En quelque sorte, ici, l’offrande de Jésus est bien agréée par le Père.
 
Saint Marc aime aussi semer des petits cailloux dans son évangile. En voici un : « Jésus leur reprocha leur manque de foi et la dureté de leurs cœurs. » La traduction de « leur reprocha », est un peu légère… en fait, il leur donne une bonne avoinée : la parole de Jésus est vraiment incisive, et vous allez comprendre pourquoi. Voyons la suite. Pourquoi répéter « manque de foi » et « dureté de leurs cœurs ». N’est-ce pas la même critique, puisque pour un hébreu, le lieu de l’intelligence – de la foi – se trouve dans le cœur ? Non, il y a une précision, donnée exprès : un petit caillou. Ce que nous traduisons par « dureté de leurs cœurs » à partir du grec « sklèro-kardia » provient de l’hébreu « arelat leb », c’est-à-dire « prépuce de leurs cœurs ». Évidemment, nous qui sommes des païens d’origine, nous ne comprenons pas de quoi saint Marc veut nous parler. Mais pour un hébreu, la circoncision du cœur, c’est la véritable conversion à Dieu, la mort du vieil homme et la naissance de l’homme nouveau, l’alliance véritable. D’ailleurs, selon la Loi de Moïse, la circoncision d’un premier-né a lieu au huitième jour. Et nous savons que lorsque Jésus apparaît aux onze Apôtres réunis – c’est-à-dire quand saint Thomas est là pour qu’il croie enfin en la résurrection de Jésus – c’est justement au huitième jour. Pour saint Marc aussi la chronologie donnée par la Loi est déterminante pour comprendre la signification des apparitions de Jésus – surtout celle du huitième jour – et de son Ascension au quarantième jour.
 
Ici, nous avons le choix. Soit nous disons que saint Marc et saint Luc se sont mis d’accord pour que l’histoire de la résurrection de Jésus corresponde à la Loi de Moïse, quitte à tordre un peu les événements historiques pour qu’ils entrent dans le moule. Ou bien nous disons que saint Marc et saint Luc, indépendamment l’un de l’autre, ont rapporté des événements qui ont vraiment eu lieu aux dates correspondant à la Loi, en accomplissant la Loi. Comme si la Loi avait été donnée comme prophétie de ces événements et comme véritable clé d’interprétation pour en comprendre le sens. Évidemment, un homme de foi choisit la seconde solution.
 
Chers frères et sœurs, Jésus, premier-né d’entre les morts, par sa parole a circoncis le cœur de ses Apôtres au huitième jour, pour qu’ils aient foi en lui. Au quarantième jour, il s’est présenté lui-même en offrande au Père, accomplissant en même temps la prophétie de la Loi de Moïse et la prophétie de la montée du Fils de l’Homme annoncée par Daniel. Et pourquoi cela ? Parce qu’il fallait que le cœur des Apôtres soit pur pour recevoir l’Esprit de Dieu répandu sur eux par le Père en signe d’agrément du sacrifice de Jésus lors de son Ascension. Si il n’y a pas le huitième jour – la circoncision du cœur, ni le quarantième jour – l’Ascension ou la Présentation de Jésus au Ciel, il ne peut pas y avoir le don de l’Esprit Saint à la Pentecôte.
 
Application pratique : si on ne commence pas par purifier son cœur au début de la messe, par la confession de ses péchés ou par l’aspersion ; et si le prêtre ne fait pas l’offrande du Corps et du Sang de Jésus au Père (« Par lui, avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout Puissant… »), alors il ne peut pas y avoir de communion à la fin.
 
 

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