dimanche 28 avril 2024

27-28 avril 2024 - THEULEY - VALAY - 5ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 9, 26-31 ; Ps 21 ; 1 Jn 3, 18-24 ; Jn 15, 1-8
 
Chers frères et sœurs,
 
Lorsque nous entendons ces paroles de Jésus, nous ne devons pas oublier à quel moment ni en quel lieu il les a dites. C’était après le repas de la Cène, au moment de partir vers Gethsémani. En chemin, Jésus et ses disciples ont dû passer dans des vignes. Jésus sait que Judas va le livrer et que les autres disciples vont s’enfuir et se disperser.
 
Ainsi nous comprenons que le sarment qui ne demeure pas en Jésus, qui est sec, qui va être jeté dehors et bientôt brûlé au feu, c’est Judas. Et les sarments qui demeurent en Jésus, qui portent déjà du fruit mais vont être purifiés par l’épreuve de la Passion de Jésus, et qui porteront bientôt davantage de fruit encore, ce sont les disciples.
 
Être disciple, c’est donc être un sarment uni à la vigne véritable, Jésus Christ. En dehors de lui, il n’y a ni chemin, ni vérité, ni vie. Par cette union à la vigne véritable, c’est-à-dire par la communion avec Jésus – « celui qui demeure en moi, et moi en vous » dit Jésus – par cette communion à la vigne véritable, le sarment peut porter du fruit.
Or c’est vraiment ce qu’attend le Père : comme dans la parabole du Vigneron, le Maître attend la récolte, le fruit de la vigne, … pour en faire du vin ! Car c’est en buvant le vin qu’on entre dans la joie. Et cette joie est inséparable de la gloire de Dieu, de l’Esprit Saint. Nous avons un Dieu qui aime la joie et qui veut nous faire communier à sa joie.
 
Cependant, pour qu’un sarment donne plus de fruit – donc plus de vin et plus de joie, il est taillé, « purifié ». Or Jésus explique qu’il a déjà purifié ses disciples par la parole qu’il leur a dite. Cette parole, c’est l’Évangile, c’est Jésus lui-même, son enseignement et ses actes. Ainsi donc est purifié celui qui reçoit l’Évangile, qui reçoit Jésus, qui croit en Jésus, qui a foi en Jésus. Il est alors en communion avec lui, et par cette communion, recevant la vie de la Vigne véritable, il porte beaucoup de fruit.
 
Mais pourquoi lisons-nous cet épisode de l’Évangile pendant le temps des apparitions alors que, chronologiquement, il a eu lieu au début de la Passion ? Pour deux raisons.
 
La première est que lors de ses apparitions, Jésus a rappelé à ses disciples ce qu’il leur avait enseigné auparavant, en lien avec les Écritures. C’est ce qu’il dit lors de son apparition le soir de Pâques au Cénacle : « Voici les paroles que je vous ai dites quand j’étais encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit à mon sujet dans la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. » En quelque sorte, Jésus et les disciples font une relecture de la vie de Jésus, de sa naissance à sa résurrection. Mais alors, pourquoi lire aujourd’hui plus particulièrement l’enseignement donné par Jésus au moment de la Cène et après ?
Parce que les apparitions ne durent que quarante jours. Elles vont se terminer à l’Ascension, où Jésus va vraiment quitter ses disciples pour monter s’asseoir à la droite du Père. Jésus est donc sur le départ, comme au moment de la Cène, il était sur le départ de sa vie humaine. Dans les deux cas, Jésus livre en quelque sorte son testament, l’essentiel de son enseignement, et ce que les disciples devront dire et faire à l’avenir, en son absence, mais cette fois-ci avec le secours de l’Esprit Saint.
 
Pour nous aujourd’hui, les paroles de Jésus demeurent d’actualité, et c’est la seconde raison de la lecture de cet enseignement. Car c’est bien pour que nous soyons purifiés à notre tour que les Apôtres et les Évangélistes nous ont transmis l’Évangile. Parce que c’est toujours le même Jésus qui, dans ses paroles et dans ses actes, continue de purifier ses sarments, pour qu’ils puissent porter toujours plus de fruit pour la plus grande gloire et la plus grande joie de son Père et de notre Père. Dans ses paroles, en écoutant et recevant en nous l’Évangile, et dans ses actes, en recevant ses sacrements, particulièrement celui de l’Eucharistie, où nous sommes en communion avec lui.
 
Par l’Esprit Saint, Jésus nous est proche et il continue chaque jour et à toute heure, à purifier les cœurs, pour que monte vers le ciel la louange de Dieu et que l’Évangile continue à se propager dans le monde.

dimanche 21 avril 2024

21 avril 2024 - VELLEXON - 4ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 4, 8-12 ; Ps 117 ; 1Jn 3, 1-2 ; Jn 10, 11-18
 
Chers frères et sœurs,
 
Nous sommes au cœur de l’Évangile. Toute la vie de Jésus – j’entends ici la vie intérieure, profonde, personnelle, de Jésus est dans ces quelques mots. Et par conséquent, il s’agit aussi de la vie intérieure, profonde de l’Église, et de chacun d’entre nous qui sommes baptisés. Il s’agit du cœur de notre vie spirituelle et de notre vie tout court, de notre vocation chrétienne. Essayons d’expliquer.
 
Il y a une relation vitale entre Jésus et son Père, qui est une relation d’amour. Pour en parler, Jésus utilise le verbe « connaître », comme des époux se connaissent l’un l’autre dans l’amour. Il veut dire par là que la communion entre lui et son Père est totale et que c’est une communion d’amour. Cette communion est réelle en ce sens que la vie que Jésus reçoit de son Père, il lui la donne en retour : il la lui offre, comme une offrande. Et le Père la lui rend à nouveau comme une grâce. Et ainsi de suite, éternellement et toujours plus intensément. Cette vie, c’est l’Esprit Saint.
Dieu aurait pu être narcissique et se complaire dans cette communion éternelle entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint, comme dans un cercle fermé. Mais non, il s’est ouvert pour l’homme, pour que l’homme puisse lui-aussi entrer dans cette communion d’amour éternelle et vivifiante. C’est le dessein de Dieu et la vocation de l’homme : vivre éternellement dans la communion d’amour de Dieu.
Pourtant, l’homme concret, la créature de Dieu – la brebis – n’avait pourtant pas grand-chose pour plaire. Il était aveugle et nu, pécheur et possédé par des esprits impurs. Il était malade de son absence de foi en Dieu, et meurtri de ses nombreuses et mortelles blessures. Et divisé avec lui-même et ses semblables, en guerre perpétuelle… Bref : la catastrophe.
Mais Jésus se fait pour l’homme, pour les brebis, le bon berger. « Bon », il n’y a que Dieu qui soit réellement « bon ». Le Bon berger est annoncé par tous les prophètes : c’est Abel, Abraham, Moïse, David… tous ont été des bergers. Mais Jésus est le vrai berger : parce qu’il est celui qui donne sa vie pour ses brebis, parce qu’elles comptent pour lui. Il les aime d’un amour divin.
 
Nous retrouvons ici le jeu du plus grand commandement, celui de l’amour de Dieu, d’abord ; et celui qui lui est semblable : celui de l’amour du prochain. Ainsi Jésus ne cesse pas de recevoir sa vie de son Père et de la lui offrir en retour. C’est le premier commandement : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu ». C’est un mouvement éternel. Mais voilà qu’il l’ouvre aussi à ses brebis, en imitant à notre égard, le geste que fait son Père à son égard : voilà qu’il offre sa vie à ses brebis, pour ses brebis. C’est le commandement qui est semblable au premier : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Voilà ce que ne fait pas le berger mercenaire, le faux berger. Il veut garder la vie reçue de Dieu pour lui-même, sans s’ouvrir, sans l’étendre à ses brebis. Le faux berger est fondamentalement égoïste et il a peur qu’en s’ouvrant il perde ce qu’il a reçu comme un trésor. Mais ce faisant, il perd ce trésor, il tarit l’eau qui coule en lui-même, il s’assèche et se voue à la mort éternelle. Car qui refuse l’Esprit de Dieu est condamné éternellement. Mais Jésus, le bon berger, s’est ouvert – son côté s’est ouvert – et il a offert sa vie à ses brebis, pour ses brebis.
 
Là, il y a deux genres de brebis, comme il y a deux genres de bergers. Il y a un premier genre de brebis, celles qui écoutent la voix du bon berger et qui vont se mettre à le suivre. Concrètement qui vont se mettre à vivre comme vit le bon berger : aimer Dieu, aimer son prochain et elles aussi, se mettre à donner leur vie pour d’autres brebis. Et il y a un second genre de brebis, qui n’écouteront pas la voix du berger, et donc continueront à errer dans le monde, dans une vie insensée et mortelle.
 
Il est à noter deux choses. La première, que Jésus évoque les brebis qui sont de « cet enclos » - il veut dire l’enclos du Temple, c’est-à-dire les brebis d’Israël, les juifs qui observent la Loi de Moïse ; et les brebis « qui ne sont pas de cet enclos », c’est-à-dire les brebis de l’extérieur, c’est-à-dire des nations païennes. Toutes ont un seul et même berger.
Et la seconde, que Jésus appelle et donne sa vie non pas pour « sa » brebis, mais « ses » brebis. Il est notre berger beaucoup plus collectivement qu’individuellement. Jésus vient sauver le peuple d’Israël et non pas tel ou tel juif en particulier ; il vient sauver les nations et non pas tel ou tel barbare en particulier. Bien sûr, le salut est individuel, car chacun d’entre nous est libre d’écouter la voix du bon berger, mais cela se fait toujours solidairement avec les autres brebis. C’est l’Église.
 
Voilà donc chers frères et sœurs ce que tentait d’expliquer Jésus aux pharisiens qui l’écoutaient dans le Temple de Jérusalem. Aujourd’hui, il leur a livré le secret de l’Évangile : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force », et « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Et : « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis ».

dimanche 14 avril 2024

13-14 avril 2024 - FEDRY - GRAY - 3ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 3, 13-15.17-19 ; Ps 4 ; 1Jn 2, 1-5a ; Lc 24, 35-48
 
Chers frères et sœurs,
 
Le passage de l’évangile que nous avons entendu est déterminant pour notre foi en Jésus-Christ. Saint Luc s’adresse à une ou des personnes qui n’ont pas connu Jésus et qui culturellement sont grecques ou romaines. C’est-à-dire que leur compréhension de la réalité est fondée sur l’usage de la raison. Nous en sommes intellectuellement les héritiers. L’évangile est donc écrit pour nous aussi.
 
Il y a deux points très importants à souligner. Le premier est la réalité physique du corps de Jésus ressuscité. Saint Luc insiste très lourdement : « Ils croyaient voir un esprit » Jésus n’est pas un fantôme. « Touchez-moi, regardez : un esprit n’a pas de chair ni d’os, comme vous constatez que j’en ai. » Jésus a un corps physique réel, palpable, résistant. Mais ils n’osaient pas encore y croire. Et Jésus ajoute : « Avez-vous ici quelque chose à manger ? » Et il mangea le poisson grillé devant eux. Preuve est faite que le corps ressuscité de Jésus, s’il peut apparaître et disparaître à volonté, peut aussi absorber des choses substantielles, matérielles.
Un esprit doté d’une raison saine a compris que Jésus de Nazareth, mort en croix à Jérusalem, non seulement a repris vie, mais a reçu des facultés de vie nouvelle supra-ordinaires. Et c’est le même homme Jésus de Nazareth qui est vivant. Saint Luc nous annonce un fait brut, difficilement acceptable à un esprit matérialiste, mais indubitable pour ceux qui en ont été les témoins, sauf à se déclarer eux-mêmes fous.
La foi chrétienne est donc fondée sur cet événement, qui résiste à la raison, mais qui n’en est pas moins raisonnable puisqu’il est réel. Saint Paul le dit aux Corinthiens : « Si le Christ n’est pas ressuscité, notre proclamation est sans contenu, votre foi aussi est sans contenu. »
 
Le second point est justement l’explication, le sens, de cet événement. Qu’est-ce que cela veut dire que Jésus de Nazareth, descendant du roi David, messie accrédité par l’Esprit de Dieu au moment de son baptême par Jean, condamné et crucifié comme un paria, est maintenant ressuscité dans une vie nouvelle ? La seule source possible de compréhension donnée par Jésus est celle des Écritures juives : la Loi de Moïse – c’est-à-dire la Torah – les Prophètes et les Psaumes. C’est-à-dire pour nous l’Ancien Testament. On ne peut pas comprendre Jésus si on ne connaît pas les Écritures, si on ne va pas y chercher l’explication. Car les Écritures annoncent Jésus et Jésus accomplit les Écritures : ils sont inséparables. Et cela est d’autant plus important à faire comprendre à des Romains ou à des Grecs qui ne sont pas Juifs. Leur foi serait incomplète ou fragilisée si ils ne font pas l’effort d’assimiler les Écritures, ou plutôt de s’y assimiler – de les faire aussi les leurs. Ainsi, dans leur bibliothèque, avec Platon et Aristote, Cicéron et Tacite, ajouter la Loi, les Prophètes et les Psaumes. C’est déjà la civilisation européenne… mais c’est une autre histoire.
 
Par conséquent, la foi d’un disciple du Christ debout, c’est-à-dire raisonnable, s’appuie sur deux pieds : premièrement, la réalité historique de Jésus de Nazareth mort et ressuscité corporellement dans une vie nouvelle ; deuxièmement, la connaissance des Écritures qui annoncent ce Jésus de Nazareth, qui les rend d’autant plus crédibles qu’il les accomplit réellement. Si on perd l’un de ces deux pieds ou qu’on en ajoute un troisième, il y a des chances pour qu’on se trompe.
Les Apôtres, qui sont les premiers à être mis debout sur leurs deux pieds, qui sont les témoins oculaires de Jésus ressuscité et à qui il a enseigné comment lire les Écritures à la lumière de sa vie et de sa résurrection – et qui ont donc une expérience unique – sont constitués par Jésus comme « témoins ». C’est un acte juridique. Nul ne peut être « témoin » à part eux. C’est ainsi que ce que nous appelons la « foi des Apôtres » ou la « tradition apostolique » correspond exactement à ce témoignage : nul ne peut l’amender, le corriger, y ajouter ou y enlever, sans perdre la foi en Jésus Christ, la foi catholique.
 
Je termine par… le commencement de l’apparition de Jésus, lorsqu’il se présente à ses apôtres en leur disant : « La paix soit avec vous ! » En français nous n’avons qu’un seul mot « paix » pour deux mots ou deux réalités différentes en hébreu « shyna » et « shelma » (qui a donné schalom ou Jérusalem) : « Shyna » évoque un jardin, la tranquillité, la prospérité, en fait un arrangement humain ; et « shelma » est une paix intérieure profonde, un profond repos, un apaisement complet, une paix donnée par Dieu. Or c’est « shelma » que donne Jésus à ses Apôtres – c’est déjà un avant-goût de l’Esprit de Pentecôte. Autrement dit, pour les Apôtres comme pour tout disciple de Jésus, la foi est aussi une grâce reçue de Dieu qui est une immense paix, et c’est en elle que l’on peut recevoir le témoignage des Apôtres et prendre leur relais, par une connaissance tout aussi intérieure que réelle de Jésus, dont cette paix et une grande joie sont les marqueurs. Car Jésus – figurez-vous, chers frères et sœurs – est bien vivant !

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