1S
16, 1b.6-7.10-13a ; Ps 22 ; Ep 5,8-14 ; Jn 9,1-41
Chers
frères et sœurs,
Lorsque
Jésus est sorti du Temple, la situation était plutôt tendue. En effet, il
venait de s’attirer la colère des scribes et des pharisiens en leur ayant
déclaré : « Amen, amen, je vous le dis : Avant qu’Abraham
fût, moi, Je suis » -
c’est-à-dire : « Je suis Dieu. » Immédiatement, ils avaient pris
des pierres pour le lapider. Mais Jésus était sorti du Temple en se cachant.
C’est alors qu’il a rencontré l’aveugle-né.
Jusqu’à
présent Jésus avait guéri des maladies et pardonné des péchés au moyen de sa
parole. Mais il ne s’agit ici, ni d’une maladie ni d’un péché : voilà que
cet homme est malheureusement né handicapé et ce n’est ni de sa faute ni de
celle de ses parents. Jésus explique que ce handicap est en réalité un appel adressé
à Dieu, appel auquel celui-ci pourra répondre par la perfection de sa création.
C’est
exactement ce que Jésus va faire : par sa salive mélangée à la boue, il commence
par renouveler l’acte créateur de l’homme, Adam, tiré et modelé de la terre par
la Parole de Dieu. Jésus montre ainsi qu’il est lui-même le Dieu
créateur : il confirme sa parole : « Avant qu’Abraham fût,
moi, Je suis ». Il n’y a
donc pas d’autre Dieu à chercher dans l’univers que Jésus, qui est, de la
volonté de son Père et par l’Esprit Saint, le Dieu créateur du Ciel et de la
terre. Il n’y en a pas d’autre.
Cependant,
nous le savons, Adam et Eve ont transgressé le commandement de Dieu, ce
pourquoi ils sont devenus pécheurs et ont été déchus de leur dignité
originelle : ils ont perdu la faculté de voir Dieu. Et nous-mêmes, à leur
suite. Cette faculté de voir Dieu n’est rendue temporairement – par l’Esprit
Saint – qu’aux seuls bienheureux : Moïse et les prophètes, ou Marie-Madeleine
et les Apôtres, et de nombreux saints et saintes de Dieu – tous ceux qui ont
bénéficié ou bénéficient aujourd’hui de l’Esprit de Pentecôte.
Ainsi,
cet homme aveugle-né, quand bien même Jésus lui donnait la vue, aurait été bien
attrapé si Jésus ne lui avait donné qu’une vision naturelle – celle des hommes
déchus. Mais comme le don de Dieu est parfait, il fallait qu’il lui accorde une
vision complète, c’est-à-dire avec la vision naturelle, aussi la vision
spirituelle qui permet de voir Dieu. C’est la raison pour laquelle Jésus envoie
l’aveugle avec sa boue sur les yeux à la piscine de Siloé. Il l’envoie au bain
de la « régénération » – dit saint Irénée – c’est-à-dire qu’il
l’envoie au baptême : pour qu’avec la vision naturelle, il reçoive aussi
la vision spirituelle.
C’est
ainsi qu’à la fin de l’épisode, Jésus et l’homme se croisent de nouveau et
Jésus l’interroge : « Crois-tu au Fils de l’homme ? »,
c’est-à-dire : « Est-ce que tu me vois, moi qui suis ton
Dieu ? Est-ce que tu me reconnais ? » L’homme voit bien Jésus
mais il ne connaît pas son nom. Il est comme le patriarche Jacob qui se bat
toute la nuit avec un ange et au petit matin finit par lui demander son nom. Et
l’ange lui révèle qui il est : l’Ange du Seigneur, c’est-à-dire la
présence de Dieu lui-même. Ici, l’aveugle savait bien qu’il y avait un Fils de
l’Homme, c’est-à-dire le Messie Fils de Dieu qui viendrait sauver le peuple de
Dieu – il avait appris cela au "catéchisme" – mais il n’avait pas encore compris
que cet homme-là était le même que ce Jésus qui se présentait devant lui humainement
et qui, mystérieusement, lui avait donné la vue. C’est pourquoi, Jésus lui
dit : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle. »
Alors
le processus de création est complet : la vision naturelle d’abord, puis
la capacité de vision spirituelle perdue par Adam mais rendue par le baptême,
et maintenant la vision directe de Jésus en tant que Dieu, reconnu à sa parole.
« Je crois Seigneur ! – dit l’homme – et il se prosterna
devant lui. » En fait, cet homme est rendu comme Adam avant sa
chute : il a reçu la capacité de voir Dieu, comme Moïse et Elie, comme
Pierre, Jacques et Jean, sur la montagne de la Transfiguration, comme tous ceux
qui ont vu Jésus ressuscité vivant. Son handicap faisait de lui un aveugle dans
le monde des hommes, mais c’était une vocation au don de Dieu : Jésus a
transformé sa cécité en vision totale, celle qui permet de voir et de connaître
Dieu.
Pour
nous tous – même si nous avons des lunettes – nous avons une vue naturelle pas
trop déficiente. Comme les scribes et les pharisiens d’ailleurs. Nous pouvons
voir Jésus en tant qu’homme. Mais nous ne pouvons le voir et le connaître en
tant que Dieu que si nous recevons le baptême qui donne la vision spirituelle
et si nous écoutons la parole de Jésus, quand nous le rencontrons
personnellement : « Tu le vois, et c’est lui qui te parle ! »
Alors nous avons la vision intégrale, celles des prophètes et des saints.
Parfois, les étapes sont inversées : Dieu donne d’abord la vision de
lui-même – qui aveugle – et il faut ensuite le baptême pour retrouver la vue.
C’est ce qui est arrivé à saint Paul, par exemple.
Pour
finir, retenons que le baptême, parce qu’il nous donne la capacité de voir les
réalités spirituelles, est un acte de Dieu qui nous rétablit dans l’état
antérieur à la chute d’Adam. Une seule parole de Dieu ensuite nous fait entrer
dans sa communion de vie éternelle. C’est l’œuvre du Christ, de son Église et
de l’Esprit Saint en ce monde, selon la volonté de notre Père qui nous aime.